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Liban - Débat

Journée mondiale contre la peine de mort à l’Institut français

Antoinette Chahine, ancienne prisonnière et militante des droits de l'homme, a livré son témoignage sur la torture dans les prisons libanaises sous l'occupation syrienne.

Pour marquer la Journée mondiale contre la peine de mort, l'ambassade de France a organisé un débat à l'Institut français du Liban sur le thème : « Rôle des journalistes dans le débat sur l'abolition de la peine de mort ».

Le débat s'est tenu en présence de l'ambassadeur de France Emmanuel Bonne. Il a été animé par Gisèle Khoury, journaliste et présidente de la Fondation Samir Kassir, avec Antoinette Chahine, ancienne condamnée à mort et défenseure des droits de l'homme, le rédacteur en chef du mensuel Magazine, Paul Khalifé, et notre consœur Anne-Marie el-Hage.

Prenant la parole, l'ambassadeur Bonne a souligné que « la France est engagée contre la peine de mort et encourage d'autres pays à adopter ce principe. La France n'a pas été exemplaire, elle n'a aboli la peine de mort qu'en 1981. Il a fallu beaucoup de débats dans ce cadre ». « Jusqu'à présent, quand un crime odieux survient, il y a toujours quelqu'un qui dit qu'il faut rétablir la peine de mort, mais l'abolition de la peine de mort est une conviction démocratique, elle est le choix d'une société », a-t-il dit.

À son tour, Antoinette Chahine a parlé de son expérience, notant que la France a été le premier pays à la soutenir. « Je suis sortie innocentée de prison il y a 17 ans. Aujourd'hui, je suis mariée et j'ai deux enfants. J'étais étudiante quand j'ai été arrêtée en 1994. Ils m'ont torturée pour que j'avoue que mon frère Jean, qui était membre des Forces libanaises, se trouvait au Liban au moment de l'attentat contre l'église Notre-Dame de la Délivrance. Ce qui n'était pas vrai. Ils m'ont aussi accusée d'avoir tué un prêtre. J'ai subi toute sorte de tortures physiques et morales. La torture amusait mes geôliers. Une nuit par exemple, ils ont fait couler de l'eau bouillante sur mon corps, ce qui a nécessité l'intervention de la Croix-Rouge. Un jour, à cause de la torture, j'ai été obligée de subir une intervention chirurgicale à la cheville, qui était enflée. Il a été décidé que l'intervention se fasse sans anesthésie. Ils m'ont aussi assoiffée. Ils me versaient de l'eau sur le front, mais en faisant attention que les gouttes qui suintaient sur mon visage n'atteignent pas ma bouche. Quand j'ai été transférée à la prison des femmes à Baabda, j'ai passé 23 jours seule dans une cellule, les pieds en l'air. L'endroit était trop petit pour que je me tienne allongée », a-t-elle dit.
« Ma condamnation à mort a été finalement commuée en prison à perpétuité. Choquée, j'ai été victime d'une attaque de paralysie. Durant des semaines, j'étais incapable de parler et de marcher », a-t-elle ajouté. C'est à ce moment qu'Amnesty International évoque l'affaire. Antoinette Chahine reçoit alors des lettres du monde entier. Après un nouveau procès, elle est libérée en 1999.

 

(Pour mémoire : Rifi appelle de nouveau à abolir la peine de mort)

 

« Le rôle du journaliste est d'inverser les tendances »
Intervenant à son tour, Anne-Marie el-Hage a estimé qu'aucun « être humain ne peut ôter la vie à un autre et aucune justice ne peut être faite en ôtant la vie », précisant qu'elle est « très engagée dans la défense des droits de l'homme et l'abolition de la peine de mort, qui sont des convictions personnelles et professionnelles ». « La peine de mort est un crime et on ne peut pas devenir criminel au nom de la justice », a-t-elle déclaré, mettant l'accent sur « les erreurs judiciaires qui existent et qui peuvent mener à la condamnation à mort de personnes innocentes » et soulignant également que les faits montrent que l'abolition de la peine de mort n'entraîne pas une hausse de la criminalité. En ce qui concerne le rôle du journaliste, Mme Hage a souligné qu'il est indispensable que celui-ci « argumente son opposition à la peine de mort ».

De son côté, Paul Khalifé a mis l'accent sur « les obstacles qui entravent le chemin des personnes qui veulent lutter contre la peine de mort ». « Une majorité de l'opinion publique est hostile à l'abolition de la peine de mort. En revanche, ceux qui mènent un combat pour son abolition sont minoritaires et il est bien difficile de travailler à contre-courant. Le rôle des journalistes est d'inverser ces tendances », a-t-il dit.
Il a également noté que « suite à des erreurs judiciaires, 4 % des personnes exécutées se sont avérées innocentes par la suite. Il faut convaincre l'opinion publique que la peine de mort est inutile. Il faut bâtir notre argumentation sur les faits et les chiffres ». « La peine de mort ne contribue pas à faire baisser la criminalité », a-t-il ajouté, donnant notamment l'exemple du Canada, qui a aboli la peine de mort en 1975 et qui a connu depuis 40 % de baisse de la criminalité. Il a aussi souligné l'importance « de moderniser les lois et le système carcéral et d'œuvrer à faire baisser la violence dans les sociétés ».

Le débat a été conclu par la projection du film Ascenseur pour l'échafaud de Louis Malle (1958).

 

 

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