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Basta Jasta !

Il est fort courant qu'un président des États-Unis use du plus puissant de ses colts constitutionnels – le veto – pour bloquer une loi votée par le Congrès ; on a même vu un Franklin Delano Roosevelt dégainer gaillardement et tirer plusieurs centaines de fois. Bien plus rarement, il arrive aussi que le législatif se rebiffe, qu'il persiste et signe, passant outre ainsi au veto présidentiel.

C'est ce même et cinglant camouflet qu'a dernièrement essuyé Barack Obama, avec le refus réitéré du législatif de renoncer à l'extravagante, la hasardeuse loi Jasta. Comme on sait, celle-ci offre la possibilité aux familles de victimes d'actes terroristes de poursuivre, devant les juridictions locales, les États assistant directement ou indirectement les auteurs de tels attentats perpétrés sur le sol américain.

On pense évidemment, en priorité, au carnage des tours jumelles de New York qui se solda, il y a quinze ans, par près de 3 000 morts. Et on pense inévitablement aussi – suivez le regard des élus américains – à l'Arabie saoudite, blanchie certes en tant que telle par l'enquête, mais dont des ressortissants constituaient le gros du commando terroriste. Voilà qui porta d'ailleurs le rapport d'enquête à considérer tout de même l'éventualité de complicités de bas niveau au sein du royaume.

Or non seulement l'Arabie se trouve être un des plus anciens et plus solides alliés de l'Oncle Sam dans notre partie du monde, mais elle dispose de sérieux moyens de rétorsion, essentiellement financiers. Plus grave encore, Jasta court-circuite proprement la loi américaine sur l'immunité des étrangers ; elle met sur la touche les institutions fédérales concernées ; et elle permet à n'importe quel juge ou jury de condamner un État étranger, au risque de provoquer une crise diplomatique. Ou bien, s'agissant par exemple de l'Iran au passé terroriste des plus chargés, de compromettre les importantes réalisations diplomatiques de Washington. Quoi qu'il en soit, c'est le code régissant les relations internationales qui se trouve soudain remis en question. On pourrait voir ainsi maints pays suivre l'exemple du Capitole et demander des comptes à plus d'une puissance, à commencer par les États-Unis eux-mêmes.

Sans même aller jusqu'à évoquer les opérations souterraines conduites par la CIA (et dont certaines mériteraient bien le label de terroristes), les interventions militaires US, qu'il s'agisse de l'Irak, de l'Afghanistan ou de la Libye, ont souvent causé ce que l'on appelle pudiquement des dommages collatéraux : des victimes civiles dont les proches pourraient s'estimer en droit d'invoquer la clause terroriste et d'exiger réparation.

Que l'on imagine un peu quelle gigantesque salle des pas perdus serait le monde, de quel vertigineux chassé-croisé de procès il serait le théâtre si devait se répandre, s'universaliser Jasta. Nos juristes, en tout cas, auraient bien du pain sur la planche.

Ils pourraient même prétendre au record mondial en volume des affaires, si nombreux furent en effet – Israéliens, Syriens, Iraniens, Irakiens, Libyens, Somaliens et compagnie – les très terroristes tourmenteurs du Liban.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Il est fort courant qu'un président des États-Unis use du plus puissant de ses colts constitutionnels – le veto – pour bloquer une loi votée par le Congrès ; on a même vu un Franklin Delano Roosevelt dégainer gaillardement et tirer plusieurs centaines de fois. Bien plus rarement, il arrive aussi que le législatif se rebiffe, qu'il persiste et signe, passant outre ainsi au veto...