Les talibans ont lancé lundi un assaut coordonné contre Kunduz, grande ville du nord de l'Afghanistan brièvement passée sous leur contrôle l'an dernier, illustrant l'instabilité persistante dans le pays à la veille d'une conférence de donateurs à Bruxelles. Cette réunion, prévue mardi et mercredi, à laquelle sont annoncés plus de 70 pays donateurs, doit évaluer l'aide financière à apporter à l'Afghanistan d'ici 2020, avec l'objectif avoué d'empêcher l'effondrement du pays.
Selon les témoins contactés à Kunduz, l'attaque a été lancée dans la nuit vers 03h00 (22h30 GMT dimanche) sur quatre fronts simultanés. Dans l'après-midi, les assaillants semblaient toutefois avoir été repoussés hors du centre tandis que les combats se poursuivaient dans les faubourgs, a indiqué le correspondant de l'AFP sur place. Le ministère de l'Intérieur et le gouverneur de Kunduz, Assadullah Omerkhill, ont aussi affirmé que "les forces de sécurité ont regagné le terrain perdu".
L'attaque était apparemment bien préparée, avec quatre colonnes de combattants convergeant en même temps vers le centre, selon plusieurs sources.
"Des dizaines de talibans ont lancé des attaques coordonnées dans plusieurs directions, équipés d'armes lourdes et légères" et "encerclant entièrement la ville", a rapporté un membre du conseil provincial, Ghulam Rabbani Rabbani.
Le directeur de l'hôpital de Kunduz, le Dr. Naeem Mangal, a précisé avoir reçu depuis l'aube "43 civils blessés et un mort, tous atteints par des balles et des éclats de mortier".
Un porte-parole des talibans a revendiqué cette attaque "dans le cadre de l'offensive Omari" lancée depuis le printemps, du nom de l'ancien dirigeant taliban, le mollah Omar. "Ce matin, nos moudjahidines ont lancé une offensive sur la ville de Kunduz depuis quatre directions", a indiqué Zabihullah Mujahid dans un communiqué.
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"Inacceptable" insécurité
Le chef du conseil provincial Yousuf Ayubi a accusé le gouvernement "de ne pas avoir su garantir la sécurité dans cette province, sous constante menace depuis longtemps".
Une situation "inacceptable", a renchéri une éminente députée de la région, Fatima Aziz devant le Parlement: "Quand il n'y a pas d'attaque pendant deux jours, le gouvernement prétend avoir éliminé la menace et tué tous les insurgés", a-t-elle dénoncé, en réclamant la démission des ministres de l'Intérieur et de la Défense.
Contactées, les forces américaines ont indiqué se tenir prêtes à "apporter un soutien, notamment aérien si nécessaire". Mais pour le général Charles Cleveland, leur porte-parole, "il n'y a pas preuve pour nous d'une offensive significative".
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Les talibans marquent ainsi le premier anniversaire de leur brève prise de contrôle de Kunduz, seule capitale provinciale tombée entre leurs mains depuis la chute de leur régime en 2001.
Ils se rappellent aussi au bon souvenir des Occidentaux qui soutiennent le régime du Président Ashraf Ghani, financièrement et militairement, avec près de 10.000 troupes, essentiellement américaines, déployées sous mandat de l'Otan.
Les insurgés réclament leur départ et la fin de toute intervention occidentale dans "l'émirat islamique d'Afghanistan", qu'ils assimilent à une "occupation coloniale".
Pour eux, la conférence de Bruxelles vise "une fois encore à remplir les poches des contracteurs étrangers et de leurs partenaires sans apporter la moindre amélioration au quotidien des citoyens ordinaires", selon un communiqué.
Le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, et le secrétaire d'Etat américain John Kerry participeront aux travaux de Bruxelles qui devraient garantir au moins trois milliards d'euros par an à Kaboul jusqu'en 2020.
Dans un contexte de crises multiples au Moyen-Orient, "personne ne peut se permettre que l'Afghanistan soit de nouveau déstabilisé", a estimé un haut responsable européen avant la réunion.
Or, depuis l'offensive précédente de septembre 2015, le contrôle des forces gouvernementales sur Kunduz reste fragile, comme dans de nombreuses provinces régulièrement ciblées par les insurgés qui entretiennent une insécurité persistante.
Fin septembre 2015, les talibans avaient tenu la ville trois jours durant avant d'annoncer leur retrait complet le 15 octobre.
Selon un rapport des Nations unies, la bataille de Kunduz avait fait 289 morts et 559 blessés parmi les civils. Lors de la contre-offensive, une frappe aérienne américaine avait dévasté le 3 octobre 2015 l'hôpital de Kunduz géré par Médecins sans frontières, tuant 42 personnes.
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C'est comme l'histoire du Yémen, toutes les coalitions du monde contre des talibans et on arrive pas à les défaire. On nous ment quelque part .
13 h 35, le 03 octobre 2016