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Moyen Orient et Monde - Entretien express

« Personne en Syrie n’a intérêt, aujourd’hui, à ce que le processus diplomatique aboutisse »

Le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov et le secrétaire d’État américain John Kerry, lors d’une réunion sur la Syrie à Munich en février dernier. Archives AFP

Deux semaines après l'échec du cessez-le-feu en Syrie, Washington et Moscou, parrains de la trêve, sont au bord de la rupture. Un an après le début de l'intervention militaire russe, la solution diplomatique semble de plus en plus difficile à atteindre. Émile Hokayem, analyste politique spécialiste du Moyen-Orient à l'Institut international pour les études stratégiques (IIES) et participant à Beyrouth à une lecture organisée hier par l'Institut Issam Farès de l'AUB, répond aux questions de L'Orient-Le Jour sur l'impasse diplomatique concernant la crise syrienne.

Après l'échec de la trêve, une solution diplomatique est-elle encore possible en Syrie ?
Avant même l'accord russo-américain, les bases d'une solution diplomatique en Syrie étaient très fragiles. Cette fragilité était notamment due à un énorme déséquilibre de forces et d'influence entre Moscou et Washington. En termes d'objectifs, les deux parrains du processus politique n'étaient clairement pas sur la même longueur d'onde. La Russie avait le choix entre deux options: une option diplomatique qui aurait été fructueuse, car elle aurait garanti beaucoup de bénéfices pour la Russie. Cette option n'a pas abouti. La seconde option, celle menée aujourd'hui, est militaire et se base sur une stratégie de conquête de territoire. Barack Obama, de son côté, veut éviter de marquer d'une tache la fin de sa présidence, d'où l'impasse diplomatique. Les conditions pour une désescalade militaire ne sont plus vraiment existantes aujourd'hui : se lancer dans une autre stratégie diplomatique aggraverait davantage la situation.

 

(Lire aussi : Pourquoi Alep-Est est le laboratoire idéal pour Moscou)

 

Comment en est-on arrivé à ce blocage diplomatique ?
Les limites du processus diplomatique sont directement liées aux parties en présence. Aujourd'hui, personne en Syrie n'a intérêt à ce que le processus diplomatique aboutisse. Bachar el-Assad pense qu'il gagne et les rebelles pensent qu'ils perdent dans des régions importantes. Il n'y a pas de mobilisations populaires en faveur de la négociation. Le désir est purement utilitaire : arrêter les combats pour que l'aide humanitaire arrive.

Quelle est la stratégie des Russes à Alep ?
Les Russes sont opportunistes : ils s'engouffrent dans chaque ouverture. La spécificité russe se retrouve dans leur capacité à évaluer un retour sur investissement. Ils ne réfléchissent pas seulement sur le terrain syrien, mais d'un point de vue beaucoup plus global. Lors de la dernière trêve, Moscou a adopté à la fois la position du juge en participant aux négociations de cessez-le-feu, mais aussi en acteur, en agissant pour la rupture de ce même cessez-le-feu. Les Russes pensent sur le long terme et poussent leur avantage pour s'établir dans la région. Aussi, pour Vladimir Poutine, faire de la Russie un État central en matière de politique moyen-orientale est fondamental. Une situation qui pourrait bien contraindre les options du prochain président américain. Ce qui était de l'opportunisme est désormais une stratégie.

 

 

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