Suite présidentielle à 880 euros, meubles tibétains, vue sur les pics enneigés... Le luxueux hôtel Artel est le symbole des ambitions chinoises au Tibet : augmenter de moitié le nombre de touristes dans la région d'ici à 2020 et « aider »les Tibétains. Il est la propriété de Poly, un grand groupe étatique chinois spécialisé dans l'immobilier, la culture et les ventes d'armes, qui a investi 280 millions de yuans (37 millions d'euros) dans l'établissement.
L'établissement de 103 chambres a ouvert mi-août à Lulang, un village pittoresque situé à 3 700 m d'altitude, dans le Sud-Est forestier de la région autonome du Tibet. Il fait partie d'un complexe touristique édifié sur un ancien quartier rasé de la commune : surnommé « la Suisse de l'Orient », le nouveau Lulang possède désormais une rue commerçante, un lac et un centre artistique, et est présenté par les autorités comme un projet-phare de l'industrie touristique locale.
« Le Tibet avait accueilli 4 millions de touristes chinois en 2005. On en espère 24 millions cette année et 35 millions en 2020 », affirme Wang Songping, vice-directeur de la commission régionale du développement touristique.
Côté infrastructures, une autoroute et une ligne de TGV, prévue pour 2021, relieront la capitale régionale, Lhassa, à Nyingchi, la ville-préfecture dont dépend le village de Lulang.
Les derniers à en bénéficier
« Le tourisme est tout à fait indiqué pour le développement économique du Tibet. C'est le tourisme de masse qui pose de gros problèmes », souligne Françoise Robin, tibétologue à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) à Paris.
« Les spectacles présentés aux visiteurs chinois sont des relectures de l'histoire favorables à la Chine, ou des spectacles de chants et danses sinisés. Les acteurs tibétains eux-mêmes finissent par se faire à ces formes dénaturées», déplore-t-elle.
Impact positif
« Mais ce n'est pas rentable économiquement. L'objectif numéro un qu'on nous a assigné, c'est d'aider la population locale », déclare Li Mingxin, le directeur général de l'établissement, assurant que les Tibétains représentent plus du tiers des employés.
« Ce serait plus simple si le gouvernement facilitait la venue de touristes étrangers », admet Ray Peng, la directrice commerciale.
Les étrangers représentent moins de 5% des visiteurs au Tibet.
Plusieurs hôtels de chaînes internationales ont déjà ouvert à Lhassa : un Intercontinental, un Shangri-La, un St-Regis et un Sheraton.
Un Sofitel et un Hilton devraient suivre.
« Si touristes et médias étrangers peuvent voyager librement au Tibet et recueillir les véritables opinions des gens, alors le tourisme peut avoir un impact positif », déclare à l'AFP Acharya Yeshi Phuntsok, vice-président du Parlement tibétain en exil.
« Sinon, personne ne parlera des problèmes des Tibétains. »
Ludovic EHRET/AFP
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