La présidente du Brésil Dilma Rousseff a été destituée mercredi par le Sénat pour maquillage des comptes publics au terme d'une procédure hautement controversée qui met fin à 13 ans de gouvernements de gauche dans le plus grand pays d'Amérique latine.
"Le Sénat a pris une décision qui entre dans l'histoire des grandes injustices. Il a commis un coup d'Etat parlementaire", a dénoncé Mme Rousseff, réaffirmant son "innocence".
Michel Temer, son ancien vice-président de centre-droit qui a précipité sa chute, devait prêter serment au Sénat à 19H00 GMT, et diriger un Brésil dans la tourmente jusqu'aux prochaines élections législatives et présidentielles fin 2018.
Une majorité de plus des deux tiers requis des sénateurs ont voté sans surprise pour la destitution de la dirigeante de gauche, première femme avoir été élue à la tête du Brésil en 2010, puis réélue de justesse en 2014. Sur les 81 parlementaires, 61 ont voté pour sa destitution et seulement 20 ont voté contre.
"Dilma Rousseff a commis des crimes de responsabilité importants (...), elle a été condamnée et perd ainsi son mandat de présidente de la République", a conclu le président de la Cour suprême (STF) Ricardo Lewandowski, qui dirigeait les débats du Sénat transformé pour l'occasion en tribunal.
Mme Rousseff a en revanche conservé ses droits civiques à la faveur d'un second vote, où la majorité des deux tiers requise pour l'en priver pendant huit ans n'a pas été atteinte. Seuls 42 sénateurs ont voté pour, 36 contre et 3 se sont abstenus. "Cela signifie qu'elle reste éligible. Elle pourra être candidate à des mandats de sénatrice, de députée, mais pas à la présidence en 2018 puisqu'elle a déjà été élue pour deux mandats consécutifs", a expliqué à l'AFP un universitaire en droit de Rio, Rogerio Dultra dos Santos.
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'A bientôt'
"Nous reviendrons", a d'ailleurs promis l'ex-dirigeante, s'exprimant devant un petit groupe de partisans depuis sa résidence du palais de l'Alvorada où elle avait suivi le vote en compagnie de son mentor, l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva. "Il ne s'agit pas d'un adieu, mais d'un à bientôt", a-t-elle lancé à l'adresse des Brésiliens, annonçant une opposition féroce au nouveau "gouvernement putschiste".
Après sa prestation de serment, le nouveau président Michel Temer, 75 ans, s'envolera vers la Chine pour participer à un sommet du G20, où il tentera de redorer le blason terni de la première économie d'Amérique latine, également cinquième pays le plus peuplé de la planète. Il devrait selon les médias s'exprimer dans la soirée dans une allocution télévisée enregistrée. Tout aussi impopulaire que sa rivale, il exerçait déjà la présidence à titre intérimaire depuis la suspension de l'ancienne dirigeante le 12 mai par le Sénat.
Englué depuis la réélection de Mme Rousseff fin 2014 dans une crise politique et économique de magnitudes historiques, sur fond de méga-scandale de corruption, le Brésil rompt ainsi avec 13 ans de gouvernements du Parti des travailleurs (PT) initiée en 2003 par Lula. Une longue page d'histoire marquée par le "miracle" socio-économique des années 2000 qui a vu sortir 29 millions de Brésiliens de la misère, avant les affaires de corruption et un brutal retournement économique qui ont précipité le Brésil et Mme Rousseff dans l'abîme.
Les chiffres officiels publiés mercredi ont confirmé que la récession s'installe au Brésil, avec un sixième trimestre consécutif de baisse du PIB.
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Procès marathon
Le verdict est tombé au sixième jour d'un procès marathon, de dizaines d'heures de débats techniques et passionnés où le droit de la défense et la Constitution auront été scrupuleusement respectés sur la forme, sans forcément convaincre de la culpabilité de Mme Rousseff au plan strictement juridique.
La dernière session s'est conclue sur les discours enflammés de sénateurs de chaque camp: "Temer n'a pas la légitimité pour gouverner ce pays", a lancé la sénatrice Vanessa Grazziotin (PCdoB, parti allié du PT).
Le sénateur Ronaldo Caiado (DEM, droite) a rétorqué que "les vraies canailles sont ceux qui pillent les coffres de Petrobras et s'enrichissent avec l'argent public, les vraies canailles sont ceux qui laissent des millions de Brésiliens sans emploi".
Le motif de cette destitution? Le maquillage des comptes publics pour camoufler l'ampleur du déficit, via un tour de passe-passe faisant incomber certains frais à des banques publiques, et l'approbation de trois décrets engageant des dépenses sans le feu vert du Parlement.
Pour la défense de Mme Rousseff, tous ses prédécesseurs ont eu recours aux manoeuvres budgétaires incriminées sans avoir été inquiétés. Il s'agit donc d'un "coup d'Etat" institutionnel orchestré par l'opposition de droite et Michel Temer. Le vice-président avait porté un coup fatal à l'ex-guérillera de 68 ans torturée et emprisonnée sous la dictature (1964-1985) en poussant en mars son grand parti centriste, le PMDB à claquer la porte de sa coalition.
La démonstration de combativité administrée lundi par Dilma Rousseff, répondant pendant plus de 14 heures au feu roulant de questions des sénateurs avec calme et fermeté, n'était donc qu'un baroud d'honneur pour la postérité. "Votez contre la destitution, votez pour la démocratie", avait-elle lancé aux sénateurs, dont plus de la moitié sont soupçonnés de corruption ou visés par une enquête.
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21 h 03, le 31 août 2016