Lorsqu'on longe la route d'Antélias (Metn) pour atteindre la mer, on aboutit sur une superbe plage de sable. Cependant, l'odeur nauséabonde trahit la présence d'ordures qui polluent ce beau paysage, ainsi que le déversement d'égouts à l'une des extrémités de la plage. Sans oublier le panorama qui laisse apparaître, juste en face, la localité de Bourj Hammoud avec sa montagne d'ordures bien visible même de loin. C'est sur cette plage que, samedi dernier, un groupe de 40 « pionnières du Mont-Liban 1 et 2 », des scouts, ont ramassé les déchets déposés ici par le public négligent et par des autorités dépassées par les récentes crises des déchets.
« Passer à l'action »
Avant leur action de nettoyage, les jeunes filles âgées de 18 et 19 ans ont assisté à un programme de « sensibilisation à l'importance du recyclage » au collège Saint-Georges, à Zalka, dont le maître-mot était « Dive into action » (« Passe à l'action »). Chaque année, les pionnières de chaque district montent un projet et, cette fois-ci, celles du Mont-Liban 1 et 2 ont décidé de concevoir le leur autour des problématiques environnementales.
Une première conférence a donc été organisée samedi dernier par l'association « Recycle Lebanon » pour montrer à ces jeunes filles qu'elles disposent d'un pouvoir au quotidien pour améliorer la gestion des déchets. Ainsi, des ateliers ont été mis en place pour créer des pots avec des bouteilles usagées, des cahiers avec des boîtes en carton, ou encore des sacs avec des t-shirts : une façon de montrer que tout n'a pas forcément à être jeté. Et Rania Bassil, médecin et membre de l'association, de souligner, en outre, qu'« il est possible de dire non à un sac en plastique qu'on nous donnerait au supermarché pour le remplacer par un sac en tissu ».
Ensuite, les jeunes pionnières ont pu assister à une deuxième conférence donnée par l'association « l'Écoute », qui vient en aide aux malentendants et aux handicapés. L'association finance ses activités par la vente de produits recyclables.
Pour Marcelle, qui fait partie des scouts, ces conférences ont été très utiles, puisqu'elles lui ont appris toutes les bases du tri et du recyclage. Elle apprécie le fait que les handicapés participent si activement à une activité très utile à la société. Quant à Jennifer, également pionnière du Liban, elle a pointé du doigt l'absence de culture du tri au sein de la société libanaise. Aujourd'hui, elle compte discuter d'un possible changement de mode de vie avec ses parents quand elle rentrera chez elle. C'est en participant à cette opération de nettoyage que la jeune femme a pris conscience de l'importance du problème.
Un nettoyage efficace
Sur le terrain, les jeunes femmes ont suivi les conseils des deux associations pour trier plus efficacement les déchets sur la plage. L'association Recycle Lebanon n'est pas novice en la matière, puisqu'elle a déjà nettoyé une plage à Naqoura, ou encore un parc à Bourj Hammoud : son prochain projet se déroulera sur la plage Costa Brava (qui accueille une des deux décharges prévues par le gouvernement).
Les scouts ont rempli samedi une vingtaine de sacs poubelles, pour beaucoup composés de bouteilles d'eau, mais également d'objets en carton qui feront l'objet d'un recyclage très prochainement. En ces temps de crise des déchets, ce sont donc de petites structures qui tentent de s'organiser, avec l'aide de certaines municipalités, comme celle d'Antélias qui a fourni les sacs, les gants et le déjeuner pour le groupe. Le nettoyage a été vécu comme une expérience enrichissante par Marcelle qui compte participer à d'autres journées comme celle-là si on le lui propose, d'autant plus qu'elle souhaite devenir architecte et travailler dans le développement durable.
Une prise de conscience par la crise
Au-delà de l'odeur qu'ils dégagent, et qui imposait aux volontaires de porter des masques de protection, les déchets représentent un problème sanitaire sur cette plage à côté de la décharge de Bourj Hammoud. En effet, selon les dires de Rania Bassil, activiste et médecin, les déchets contiennent des matières comme le plomb ou des métaux qui, en se dégradant, exhalent des vapeurs toxiques. Selon le médecin, ces vapeurs, une fois respirées, peuvent provoquer des cancers ou des maladies respiratoires. De même, les déchets polluent les nappes phréatiques d'où provient l'eau d'utilisation courante, favorisant donc la prolifération de bactéries et de maladies. Enfin, les microplastiques (des morceaux à peine visibles à l'œil nu), que les jeunes femmes n'ont pas pu extraire de la plage, sont la cause de la mort de milliers de poissons qui avalent ces matériaux. Ces microplastiques sont présents dans beaucoup de produits, en particulier dans les bouteilles de shampoing ou de gel douche : il revient donc à chaque individu de regarder la composition des produits qu'il consomme afin d'éviter qu'ils ne se transforment en agent de pollution du milieu aquatique.
Le tri à la source et le recyclage de la part des municipalités seraient, selon l'association Recycle Lebanon, la meilleure solution temporaire avant qu'une alternative à l'échelle de l'État ne prenne définitivement forme. Cependant, les municipalités manquent toujours de fonds pour mettre en place des usines de recyclage, et les citoyens libanais ne sont pas prêts ou n'ont pas les moyens de payer pour le recyclage de leurs déchets. Malgré cela, Elsa Keyrouz, guide des pionnières du Liban, reste positive, puisque la crise des déchets au Liban aura au moins permis aux mots « environnement », « pollution » ou encore « recyclage » de devenir courants, suscitant une prise de conscience chez les Libanais.
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commentaires (4)
Les municipalités ne manquent que de conscience et d'éthique, à Bikfaya ils recyclent avec bien peu de frais.
Christine KHALIL
16 h 40, le 31 août 2016