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Liban - Crise des déchets

Pourquoi le tri à domicile est-il rendu aussi difficile ?

Les associations qui offrent des services de collecte sélective de déchets recyclables triés sont, au mieux, débordées, au pire, face à des problèmes insolubles.

Les déchets amoncelés dans les rues se transforment en montagnes, et la solution de l'exportation, aussi controversée soit-elle, est plus incertaine que jamais, selon certaines sources. En attendant mardi prochain – délai de présentation, par la compagnie britannique Chinook (la seule qui reste), des preuves d'approbation d'un pays destinataire (faute de quoi elle perd sa garantie et son contrat) –, l'incertitude persiste, notamment pour les anciens déchets. Dans un tel contexte, sept mois après le début de la crise, on avait cru que soutenir les efforts de tri et de recyclage serait une priorité. À constater les difficultés auxquelles font face certaines associations qui offrent de tels services, on ne le dirait pas...

Terre-Liban œuvre dans la sensibilisation au tri et au recyclage depuis plus de vingt ans, et collecte depuis plusieurs années le carton et le papier de dizaines d'entreprises. Depuis la crise, dans un effort pour encourager les citoyens à trier les déchets et réduire le volume des ordures sur les routes et dans les vallées, l'association s'est mise à récolter de nombreux recyclables. « Le volume des déchets que nous entreposons dans la cour du siège de l'association a quintuplé, raconte Paul Abi Rached, président de Terre-Liban. Si la crise n'avait pas duré si longtemps, nous aurions pu nous en sortir. Malgré les dépenses supplémentaires et le travail, nous étions soucieux de contribuer à cette nouvelle culture, d'autant plus que nous recevions les déchets triés de plus de deux cents immeubles rien qu'à Baabda, sans compter les autres régions. »

Les choses devaient cependant se compliquer. « Sur la durée, cette activité décuplée a provoqué la colère du propriétaire du terrain, qui nous a empêchés de poursuivre dans cette voie, raconte-t-il. Nous récoltons toujours les cartons et papiers de nos partenaires d'origine, mais nous avons dû interrompre les services auprès des nouveaux. Nous ne savons pas si ceux-ci ont pu persister dans le tri ou s'ils ont dû abandonner. »

 

(Lire aussi : « Vous pensez vous en être débarrassés dans la nature, mais la mer n’en veut pas non plus... »)

 

« Nous avons tout arrêté »
L'expérience de l'association L'Écoute, qui offre ce service depuis plusieurs années, est similaire. Dans leur dépôt à Hadeth, ce sont les voisins qui ont porté plainte. « Nous avons beau leur expliquer que les objets que nous transportons sont des produits propres, destinés à la vente et au recyclage, le seul fait qu'ils les considèrent comme des déchets les rebute, affirme le père Jean-Marie Chami, président de l'association. Nous avons même eu la visite des Forces de sécurité intérieure (FSI), qui nous ont dit sur place que la situation est acceptable et qui ont fait leur rapport au procureur général, dont nous ignorons la teneur. Le mohafez nous a accordé un mois pour obtenir un permis et régler le problème : nous nous sommes renseignés, il n'y a aucun permis spécifique pour notre cas, vu que nous sommes un atelier de tri pas une usine de recyclage. »
L'Écoute cherche un nouveau lieu de stockage, ce qui s'est avéré loin d'être évident. « Nous avons trouvé un terrain dans une zone industrielle, mais nous n'avons pas le budget nécessaire pour y construire un hangar », dit-il.

Le père Chami redoute le moment où il serait acculé à mettre la clé sous la porte. « Ce sont 25 familles qui se retrouveraient au chômage, sachant que 60 % de nos employés souffrent d'un handicap, notamment les malentendants, qui trouveraient difficilement un emploi ailleurs », dit-il. Déjà, il doit repousser des projets qui devaient être entamés faute de place. « Nous avions lancé un projet avec une municipalité pour desservir 600 domiciles prêts à trier leurs déchets, nous avons tout arrêté », déplore-t-il.

Arcenciel ne fait pas face à de pareilles difficultés, mais, selon la responsable du dossier environnement, Olivia Maamari, « l'association n'élargit plus son activité à de nouveaux domiciles ou entreprises, faute de nouveaux centres et de véhicules suffisants ». Mais elle a par contre entamé une collaboration avec certaines municipalités qui lui envoient des déchets prétriés qu'elle fait passer au tri secondaire avant de les écouler.
Olivia Maamari reconnaît qu'il y a, en général, « un problème lié à l'acceptation des centres, les gens craignant la proximité de ce qui reste, à leurs yeux, des déchets ». Elle préconise une multiplication des campagnes de sensibilisation envers le grand public. L'association aspire également à trouver des solutions aux déchets non recyclables, nommément les déchets organiques : elle pense développer un projet pilote de compostage dont elle a présenté l'étude d'impact environnementale au ministère de l'Environnement, dans l'attente d'une réponse.


(Lire aussi : Le tri des déchets chez soi, pas si compliqué que ça !)

 

Formalités compliquées
En bref, de plus en plus de foyers aspirent à effectuer le tri à domicile, mais si peu acceptent de se trouver à proximité d'un centre où des produits propres ne font que transiter. On n'est pas à une contradiction près.
Les difficultés sont aussi liées à des formalités de plus en plus compliquées. « Je vous cite un exemple : pour renouveler le permis d'une simple camionnette, on nous fait attendre des mois, dit Paul Abi Rached. Bien d'autres associations affrontent de pareils écueils. Toutes les formalités prennent beaucoup de temps. Si celles-ci étaient plus simples, il y aurait eu bien plus d'initiatives de ce type. »
Le militant va même plus loin. « Si la crise avait duré deux ou trois mois, la société civile aurait pu combler le vide, mais dans la durée, et en l'absence de toute sorte de soutien, il est normal que nous ne puissions tenir le cap, estime-t-il. Les autorités veulent-elles nous mettre dans une position d'échec pour dire que la société civile n'est pas capable de générer des solutions ? Ce n'est pas impossible, mais les difficultés que nous traversons ne sont pas synonymes d'échec. »

Interrogée sur un éventuel manque de soutien, officiel ou autre, Olivia Maamari affirme que son association « aspire à soutenir les autres plutôt qu'à être soutenue, étant donné la gravité de la situation pour tout le monde ».
Par un simple calcul des domiciles ou sociétés qui ne sont plus desservis par cet échantillon d'associations, ou de ceux qui auraient pu l'être si la situation s'améliorait, ou si d'autres initiatives voyaient le jour, on voit bien qu'ils se comptent par centaines. Pour quelles obscures raisons cette filière, qui devait être un atout en temps de crise, n'est-elle pas davantage exploitée ?

 

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commentaires (2)

Je regrette que l'OLJ , n'explique pas plus clairement en 4 langues au moins (arabe, Français, anglais ,sri-lankais ) et/ou à l'aide de pictogrammes internationalement reconnus ... comment le tri s'opère t'il à domicile...entre les plastiques alimentaires , les métaux, alu et autres boites de conserves, le vert épluchures de légumes restes alimentaires , le verre, bocaux, bouteilles , le papiers etc..

M.V.

17 h 52, le 21 janvier 2016

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Commentaires (2)

  • Je regrette que l'OLJ , n'explique pas plus clairement en 4 langues au moins (arabe, Français, anglais ,sri-lankais ) et/ou à l'aide de pictogrammes internationalement reconnus ... comment le tri s'opère t'il à domicile...entre les plastiques alimentaires , les métaux, alu et autres boites de conserves, le vert épluchures de légumes restes alimentaires , le verre, bocaux, bouteilles , le papiers etc..

    M.V.

    17 h 52, le 21 janvier 2016

  • Pourquoi pas une page pour du crowdfunding, je veux bien donner moi

    George Khoury

    10 h 36, le 21 janvier 2016

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