Avec l'approche de l'élection d'un nouveau président aux États-Unis, les développements régionaux semblent brusquement s'emballer. Au cours des derniers dix jours, l'armée turque a réussi à reprendre à Daech, en un temps record, la ville syrienne de Jarablous au nord du pays (les combattants se sont pratiquement enfuis sans mener une véritable bataille). En même temps, le secrétaire d'État américain John Kerry, en visite en Arabie saoudite, a proposé une feuille de route pour une solution à la guerre menée par Riyad au Yémen depuis un an et demi. Le même Kerry a eu une rencontre-marathon à Genève avec son homologue russe Sergueï Lavrov sur la Syrie. Et, en Syrie, le régime a récupéré la ville importante de Daraya, proche de Mazzé, et donc de la capitale, après un accord conclu avec les éléments armés qui a prévu leur retrait avec leurs familles, après avoir déposé les armes.
Il faut encore évoquer le long coup de fil entre le président russe Poutine et son homologue turc Erdogan pour comprendre que cette succession d'événements ne peut pas être une simple coïncidence. Si les contours de la solution globale ne sont pas encore clairs, parce que les parties concernées ne sont pas parvenues à un accord définitif, il semble toutefois que quelque chose se prépare aussi bien à l'échelle régionale qu'internationale. Mais le vrai problème réside dans le fait que les négociations russo-américaines restent secrètes et que les partenaires régionaux tâtonnent pour en connaître le contenu et le sérieux, tout en cherchant à marquer des points sur le terrain pour ne pas être exclus des accords finaux.
D'ailleurs, les médias régionaux reflètent les appréhensions des différents protagonistes, face à ce qui se trame entre Washington et Moscou. Les médias prosaoudiens ont ainsi tendance à minimiser l'importance des discussions russo-américaines, en avançant l'argument suivant : on voit mal comment les Russes pourraient conclure un accord avec une administration américaine sortante, sachant que seulement deux mois nous séparent encore de l'élection d'un nouveau président aux États-Unis et que les délais sont donc devenus trop courts pour régler les dossiers en suspens. Les Saoudiens souhaitent ainsi clairement gagner du temps en attendant l'arrivée d'un nouveau locataire à la Maison-Blanche, qui, selon eux, ne pourrait pas être pire pour l'Arabie saoudite que Barack Obama. De leur côté, les Iraniens ne ratent pas une occasion pour déclarer qu'ils ne peuvent absolument pas faire confiance aux États-Unis, quelle que soit l'identité de leur président, et qu'ils seront même prêts à remettre en question l'accord conclu sur le nucléaire si les Américains veulent poursuivre leur politique de sanctions économiques. De son côté, la Turquie cherche à profiter de toutes les occasions pour s'imposer comme un partenaire incontournable de la Russie et des États-Unis, en Syrie et dans la plupart des dossiers régionaux.
Décidant brusquement de se rallier directement à la guerre contre le terrorisme, la Turquie a donc lancé une opération militaire contre Jarablous. Mais son véritable objectif n'est pas tant de combattre Daech (avec lequel il n'y a pas eu de véritables combats) que les forces kurdes, elles-mêmes aidées par les Américains. Depuis deux jours, les affrontements sont d'ailleurs directs entre les forces kurdes et l'armée turque dans les localités voisines de Jarablous. Ce qui montre bien où sont les priorités des autorités turques, qui n'hésitent pas à mener directement la bataille tout en affirmant appuyer l'Armée syrienne libre, qui avait pourtant presque disparu du paysage militaire.
Face à ce nouveau champ de bataille, le régime syrien n'a pas les moyens militaires, ni les effectifs nécessaires pour affronter à la fois l'armée turque et les forces kurdes. Il se contente donc de les laisser se battre après avoir publié un communiqué pour condamner l'intervention militaire turque sur son territoire. Mais, au fond, la Syrie n'en est pas à une seule atteinte à sa souveraineté et son intégrité territoriale. La protestation est donc de principe et le régime préfère concentrer ses efforts sur le compromis de Daraya qui lui permet d'abord de reprendre le contrôle d'une localité importante, qui depuis le début de la guerre en Syrie était un fief des groupes opposants.
En même temps, Damas souhaite utiliser cet accord comme un modèle pour d'autres localités autour de la capitale et dans d'autres régions du pays. L'accord qui porte sur le retrait de près d'un millier de combattants avec leurs familles (au total près de 4 000 personnes) montre le sérieux des forces du régime dans le respect de leurs engagements. Au point qu'une partie des combattants (300 environ) ont préféré rester dans les zones contrôlées par le pouvoir, dans des centres d'accueil prévus pour eux et leurs familles, alors que 700 autres ont choisi de se rendre à Idleb pour rejoindre Daech et les autres organisations de l'opposition.
Dans cette période confuse où l'on ne sait plus très bien qui se bat contre qui sur le sol syrien, le succès de l'évacuation de Daraya est donc un point marqué par le régime, qui montre sa capacité à conclure des accords avec ceux qui l'ont combattu et les récupérer. Cet accord tombe aussi à point nommé au moment où John Kerry et Sergueï Lavrov discutent du sort de la Syrie et butent encore sur deux points importants, selon des sources diplomatiques bien informées. Le premier porte sur le sort du président Bachar el-Assad après la période transitoire et le second concerne la nature des forces d'opposition qui devraient faire partie de la solution politique...
Chaque pays a ainsi ses « poulains » auxquels il voudrait donner un rôle dans le paysage politique de la « nouvelle Syrie », mais il semble que le terrain décidera qui restera dans la course.
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commentaires (7)
LA CONNIVENDE DONT UN INTERNAUTE PLUS MOI NE FAISONS QUE REPETER Y EST MAITRESSE... C,EST LA SECONDE FOIS, MADAME, QUE VOUS VOUS Y REFEREZ... DONC, PERSONNE NE PEUT CONNAITRE OU PREVOIR... QUAND TOUT FINIRA ET QUE TOUS SANS EXCEPTION COMPTERONT LEURS PLAIES ET PLEURERONT LES RESULTATS... ON SAURA DE QUOI ETAIT CETTE CONNIVENCE DE SON DEBUT JUSQU,A SA FIN ! WA HOUNALIKA AL BOUKAOU WA SARIROU AL ASNANI !
LA LIBRE EXPRESSION
17 h 21, le 30 août 2016