Ce qui va suivre pourrait paraître comme une histoire médiocre, certains d'entre vous diront même que ce serait un gaspillage d'essence et de temps. Si c'est le cas, l'histoire n'est peut-être pas pour vous.
Jeudi dernier au soir, aux alentours de 20h30, alors que la dernière lueur dorée caressait la face de la terre, je me suis installé dans ma voiture pour une de mes croisières habituelles. La clé enclenche et agite la bête féroce qui vit sous le capot, un bouton actionne les fenêtres qui sont avalées par les portières et un autre branche ma musique dans le système. Cette fois, j'ai opté pour un rock électronique instrumental.
La route de ce soir, en forme de boucle, s'étend sur 80 km autour d'un parc naturel. Pleine de serpentards, mais assez large pour ne pas frôler la catastrophe quand la vitesse inévitablement dépassera les limites de l'éthique, elle m'a procuré un plaisir immense auparavant. Les quelques premières bornes étaient parsemées de feux et d'intersections. Le reste de la route prend la forme d'une autoroute, vide, qui se faufile parmi des arbres gigantesques et des montagnes mythiques. Cette croisière et toute sa sérénité, pour un accro d'auto comme moi, est une pure béatitude.
Avec un paysage attrayant, je me laisse emporter dans un rêve pendant des kilomètres élastiques. Les vents jouent et dansent à l'arrière de la voiture ramenant une brise fraîche parfumée de pollen. La musique, bien que présente, est ombragée par le sens de liberté dans une route dégagée qui semble, pour un moment futile, m'appartenir.
Chacun d'entre vous devrait avoir sa ou ses versions de cette fantastique épopée. De mon côté, elle est dictée par mon humeur. Je peux bien être solitaire, submergé par mes pensées, ou avec ma partenaire en crime. La route sélectionnée peut sillonner les montagnes en hurlant avec les chanteurs, comme avoir la monotonie silencieuse d'une autoroute aussi droite que le vol d'un oiseau portant une œillère. Les combinaisons sont infinies.
N'importe quelle voiture devrait faire l'affaire. Cela dit, il n'est pas du tout désavantageux d'avoir 268 chevaux turbochargés. Le but du jeu est de conduire l'auto de façon à raser les pneus sur chaque tournant, à réfuter les lois de la physique et à tester les limites du véhicule. L'adrénaline ne doit jamais quitter le système sanguin et le sourire ne peut échapper. Si les muscles faciaux ne sont pas courbaturés le lendemain, la partie est perdue et doit être rejouée. Remarque importante : si la partie est gagnée, l'immense récompense est la possibilité de la rejouer.
Après un peu moins d'une heure, je remets en laisse la bête en furie pour qu'elle se calme. En écrivant ces mots, je la vois à travers les fentes du rideau de la fenêtre de ma chambre ; elle m'attend patiemment pour une prochaine escapade.
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