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Moyen Orient et Monde - Éclairage

En Irak, Kurdes et Turkmènes sont plus que jamais divisés

Dans un pays déjà morcelé par l'EI, les tensions entre les deux ethnies mettent en exergue les revendications territoriales et historiques.

Des membres des forces de sécurité kurdes positionnés à un poste de contrôle durant un déploiement de sécurité intensif à la périphérie de Kirkouk. Reuters

Constituant le troisième groupe ethnique d'Irak avec les Arabes et les Kurdes, les Turkmènes, qui seraient environ 1,5 million dans ce pays, sont implantés principalement dans le Nord, se retrouvant de ce fait en première ligne face à l'État islamique.

À cette menace s'ajoute le grand rival kurde, qui se distingue grâce à ses victoires face à l'EI, lequel a perdu une bonne partie du territoire irakien conquis depuis juin 2014.

Ces succès kurdes ne sont pas gratuits : ils sont avant tout la concrétisation des revendications kurdes, d'ordre territorial d'abord, comme en témoigne la prise de plusieurs zones à l'EI par les Kurdes au début de l'été 2014, incluant notamment la ville pétrolière de Kirkouk, convoitée également par les Turkmènes mais encore sous contrôle kurde aujourd'hui.

Plus encore, ces revendications se sont matérialisées par la construction par les Kurdes d'une large tranchée de près de 1 000 km qui suivrait le tracé de la ligne de front entre combattants kurdes et ceux de l'EI, soit de la ville de Rabia, bordant la Syrie, à celle de Khanaqine, près de la frontière iranienne. Jugée comme étant une entrave à l'unité nationale par les Turkmènes, les Kurdes y voient une protection contre l'EI et ses attaques. Là où les Kurdes y voient un enjeu sécuritaire, les Turkmènes y perçoivent le début de la division de l'Irak et de leurs terres ancestrales. En effet, cette tranchée large de trois mètres et profonde de deux englobe les villes de Tal Afar, Kirkouk et Tuz Khurmatu dans le giron de la région autonome d'Irak.

 

(Lire aussi : Alors que l'EI recule au nord de l'Irak, de nouveaux conflits (re)surgissent)

 

Cet « expansionnisme kurde », selon les mots de Jassem al-Bayati, député turkmène au Parlement de Bagdad, a déjà entraîné des affrontements entre Kurdes et Turkmènes, notamment à Tuz Khurmatu, à quelques dizaines de kilomètres de Kirkouk. L'accrochage entre des peshmergas kurdes et une milice turkmène opérant au sein des forces paramilitaires progouvernementales, majoritairement chiites, appelées aussi Hachd al-Chaabi, ont fait 22 morts le 24 avril dernier. En novembre 2015, c'est un incident à un barrage de contrôle qui avait mis le feu aux poudres.

Ville divisée et disputée depuis la création de l'Irak, Kirkouk, centre d'une région riche en pétrole, reste aujourd'hui celle qui cristallise les tensions entre les deux ethnies. D'un point de vue historique, elle a été la cible de campagnes d'arabisation du régime baassiste à partir des années 1960, touchant durement à la fois les Kurdes mais aussi les Turkmènes. Cette ville s'est retrouvée encore une fois sur le devant de la scène irakienne en 2003. Cette date est en effet l'arrivée au pouvoir de facto des Kurdes et conduit à une politique de désarabisation, se concrétisant notamment par l'arrivée, « massive » selon certaines sources, de populations kurdes dans la ville et ses environs, contribuant à une atmosphère explosive entre Kurdes et Turkmènes. Renad Mansour, chercheur irakien, associé au Carnegie Middle East Center à Beyrouth, relativise néanmoins l'importance de cette réimplantation, précisant que « beaucoup de Kurdes n'étaient pas prêts à se réinstaller dans Kirkouk ».

 

(Lire aussi : Le Kurdistan irakien, région kurde la plus autonome)

 

Cependant, ils y restent clairement majoritaires « et cela se ressent lors des élections », indique M. Mansour. Les grands partis kurdes font d'ailleurs front commun lorsqu'il s'agit de ce qu'ils surnomment même la « Jérusalem kurde », selon l'appellation employée par Jalal Talabani, leader de l'Union patriotique kurde, en 2003.

Aujourd'hui, la ville est partagée entre Turkmènes, qui y sont fortement présents, et peshmergas qui la revendiquent comme faisant partie de la région autonome du Kurdistan irakien. Selon M. Mansour, la tension entre les deux communautés est montée d'un cran en raison « des relations qu'entretiennent beaucoup de Turkmènes avec les milices paramilitaires, accentuant les problèmes avec le gouvernement régional du Kurdistan irakien (GRK) ». « Les groupes turkmènes sont même plus loyaux envers les Hachd al-Chaabi », précise M. Mansour, et cela accentue la méfiance entre les deux communautés. Néanmoins, toujours d'après le chercheur, malgré l'intégration d'unités turkmènes au sein des Hachd al-Chaabi, les tensions entre les deux communautés n'ont pas de connotation confessionnelle, les deux communautés fonctionnant essentiellement sur un « mode d'appartenance ethnique ».

 

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