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Quai des brumes

L'approche de l'automne n'y est absolument pour rien : l'épais brouillard entourant la mobilisation internationale contre l'État islamique n'est pas près d'être dissipé : on l'avait vu une première fois déjà la semaine dernière à Djeddah, et la vaste conférence qui s'est tenue lundi au Quai d'Orsay, à Paris, n'y a pas changé grand-chose.


Des dizaines de pays, et non des moindres, se sont solennellement engagés, c'est vrai, à soutenir l'Irak par tous les moyens, y compris militaires. Mais de ces moyens, seules se détachent avec netteté les frappes aériennes américaines. Ces raids viennent de s'étendre aux faubourgs de Bagdad, mais leur efficacité réelle ne pourra sans doute apparaître qu'à plus ou moins longue échéance. Encore plus lent à la détente promet d'être le dispositif d'accompagnement, consistant en vols français de stricte reconnaissance, aides humanitaires, ou encore armement et entraînement au combat de l'opposition à Bachar el-Assad.
Écartée aura été ainsi la question intrinsèque de Syrie, où les hordes de Daech, qui contrôlent déjà une vaste portion de territoire, frappaient spectaculairement, hier, aux portes de Damas. Simple est d'ailleurs la raison de ce black-out. Pour les pays occidentaux, il ne faut surtout pas, en effet, qu'une éventuelle débandade des terroristes ait pour résultat un renforcement d'une tyrannie non moins convaincue de terrorisme.


Moins simple à gérer, en revanche, est le besoin, pour Washington et ses alliés, de s'assurer une coopération minimale, non point du régime syrien comme il l'exige, mais de ses protecteurs russes et iraniens : fréquentations scabreuses, fréquentations qu'Américains et Iraniens se défendent avec la même vivacité d'avoir recherchées ; fréquentations néanmoins obligées, incontournables... Toutes proportions évidemment gardées, la diplomatie libanaise n'échappe pas à l'ambiguïté ambiante ; membre enthousiaste de la coalition internationale, notre pays se distancie dans le même temps d'un peu tout le monde, tout en plaidant à demi-mot pour une concertation avec le pestiféré de Damas.


Pour erratique et poussive qu'ait été la doctrine Obama face aux dramatiques événements du Levant, elle trouve toujours son explication dans le souci obsessionnel du président américain d'éviter les erreurs commises par son aventureux prédécesseur. En excluant tout engagement au sol, il ne fait pas qu'épargner à son propre peuple les affres d'une guerre encore plus meurtrière peut-être que celles d'Irak et d'Afghanistan ; ralliant à sa campagne le plus grand nombre possible de pays musulmans, Barack Obama peut surtout faire taire, d'emblée, ceux qui sont toujours prêts à crier à la croisade.


Cette logique de prudence occidentale et d'implication active du monde arabo-musulman, il serait bien difficile de la contester. Après tout, et avant même les minorités chrétiennes ou autres, c'est l'islam lui-même, dans son essence et ses valeurs, que menace ce barbare simulacre d'islam qu'est le terrorisme d'inspiration prétendument divine. C'est vrai que dans ce cas précis, affronter Daech par tous les moyens (et lui couper le flot de pétrodollars n'est pas assez !) est, avant tout autre, l'affaire et la responsabilité des sunnites. Mais jamais cette évidence ne saurait faire passer pour innocentes lubies les dérives théocratiques, soif de conquête et autres rêves d'hégémonie se réclamant abusivement d'autres branches de l'islam.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

L'approche de l'automne n'y est absolument pour rien : l'épais brouillard entourant la mobilisation internationale contre l'État islamique n'est pas près d'être dissipé : on l'avait vu une première fois déjà la semaine dernière à Djeddah, et la vaste conférence qui s'est tenue lundi au Quai d'Orsay, à Paris, n'y a pas changé grand-chose.
Des dizaines de pays, et non des moindres,...