L'attaque frontale menée par le Hezbollah contre le président de la République, au cours du week-end écoulé, et la riposte sibylline mais tout aussi virulente de ce dernier, augure clairement de ce que seront les rapports entre les deux parties d'ici à la fin du mandat présidentiel, dans moins de trois mois.
L'affrontement entre Baabda et Haret Hreik n'en est certes pas à sa première escarmouche. Depuis l'accession de Michel Sleiman à la première magistrature, en mai 2008, et sa prestation de serment, il paraissait évident que l'orbite souverainiste et légaliste sur laquelle il s'était placé d'emblée allait inévitablement entrer en collision, un jour ou l'autre, avec celle de l'argumentaire du Hezb.
Mais jusque-là, la confrontation se déroulait en gros à fleurets mouchetés, avec de temps en temps quelques éclats de part ou d'autre, comme à l'occasion du discours présidentiel du 1er août dernier, lors de la cérémonie pour la fête de l'Armée. M. Sleiman s'était montré ce jour-là particulièrement critique à l'égard de la politique du Hezbollah en Syrie. Le soir même, une roquette s'abattait comme par hasard dans les environs du palais de Baabda, sans bien sûr que le tir ne soit revendiqué.
Vendredi dernier, inaugurant un congrès à l'Usek, le chef de l'État est cependant allé beaucoup plus loin dans le face-à-face avec le Hezb, s'en prenant cette fois-ci directement aux symboles mêmes de la rhétorique du parti, comme le fameux triptyque « armée-peuple-résistance », et leur substituant ceux qui, à ses yeux, fondent les assises de la souveraineté et de la légalité de l'État libanais.
La réponse est venue dès le lendemain, foudroyante : « Le locataire de Baabda n'est plus en état de distinguer entre l'or et le bois », affirmait un communiqué du Hezbollah, le président ayant parlé d'un nouveau triptyque « en or », formé de la « terre », du « peuple » et des « valeurs communes », et ayant fustigé plus loin les « équations en langue de bois ».
Non moins foudroyante fut la réplique du chef de l'État, mais seulement au niveau du fond, pas de la forme, les sources de la présidence ayant clairement fait savoir qu'il n'était pas question pour le palais d'entrer dans des polémiques avec qui que ce soit. M. Sleiman s'était ainsi contenté de rappeler sèchement au Hezb qu'avant de se dédire, ce dernier avait été signataire de la fameuse déclaration de Baabda.
Hier, rien de nouveau ne s'est produit sur ce plan et l'on apprenait que des contacts ont été entrepris entre des proches des deux parties afin de « limiter les dégâts ».
L'attention des observateurs s'est cependant focalisée sur le mutisme total observé autour de la querelle par le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, dans son homélie dominicale, et ce en dépit de la violence de l'attaque verbale du Hezbollah contre le chef de l'État. Il convient à ce propos de rappeler que même lorsque Bkerké était en conflit politique ouvert avec Baabda, comme à l'époque du président Émile Lahoud et du patriarche Nasrallah Sfeir, le second s'était à plusieurs reprises opposé aux attaques en provenance de la classe politique contre M. Lahoud.
(Lire aussi : Les réactions à l'attaque contre le chef de l'État)
La déclaration ministérielle
D'après une source ministérielle, il paraissait clair au cours du week-end que la crispation issue de la querelle entre Baabda et le Hezb n'allait pas faciliter le déblocage des discussions en cours sur la déclaration du gouvernement.
Une huitième réunion de la commission ad hoc chargée de la rédaction du texte de la déclaration doit se tenir ce soir, à partir de 18h30, et l'on sait que les pourparlers se heurtent toujours à la formulation qui doit accompagner le terme de « résistance ».
Le 14 Mars avait fini par accepter que ce mot figure dans le texte, mais à la condition qu'il soit accompagné de la mention « sous la supervision de l'État », ce qui a été rejeté par le Hezbollah.
Commentant ce rejet, le ministre du Travail, Sejaan Azzi, se demande comment se fait-il que le parti chiite se permet de coordonner avec le régime syrien et avec l'Iran, alors qu'il refuse de le faire avec l'État libanais.
La source ministérielle a fait état de nombreux contacts entrepris ces deux derniers jours pour tenter d'aplanir l'obstacle, mais sans résultat tranchant jusqu'ici. Le point de friction, souligne-t-elle, est de savoir s'il y aura enfin une référence à l'État libanais ou bien si la « résistance » devra continuer à exister en tant qu'entité autonome. Cette dernière option se heurte au refus catégorique des ministres du 14 Mars.
On en est là pour le moment, souligne la source, qui observe d'une part que le chef du PSP, Walid Joumblatt, s'est quelque peu rapproché tout dernièrement de la position du 14 Mars, mais d'autre part que les chancelleries étrangères, et en particulier celle des États-Unis, souhaiteraient voir la déclaration ministérielle rapidement adoptée.
Il semble néanmoins, toujours selon la même source, que le Hezbollah soit déterminé à ne pas lâcher du lest avant la conférence du Groupe de soutien international au Liban, prévue les 5 et 6 mars à Paris.
C'est élémentaire, pour qui ne souhaite pas que le président Sleiman aille à cette conférence avec davantage de crédit et de force...
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commentaires (8)
Un pays tribal toujours par excellence ou chaque confession obéit à son chef au lieu que toutes ces tribus devraient obéir seulement au chef de l'Etat.
Sabbagha Antoine
18 h 12, le 03 mars 2014