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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

L’hystérie (suite)

Le lecteur peut se demander pourquoi autant d'articles sur l'hystérie ? La réponse est simple : l'hystérie porte haut les « couleurs » féminines et montre que dans le conflit hommes/femmes qui dure depuis le début de l'humanité, la femme est défavorisée. La femme est défavorisée parce que c'est l'homme qui choisit les armes et le terrain de bataille. À ses dépens, la femme hystérique veut dénoncer cela. Elle le payera cher. Mais avec les honneurs de l'histoire.

Si tout le monde reconnaît que l'hystérie évolue avec son temps, je soutiens quant à moi qu'elle fait évoluer son temps. Les psychanalystes savent bien que lorsque leurs patients obsessionnels, phobiques et même psychotiques « s'hystérisent » dans leurs cures, on peut parler de succès thérapeutique. Mais nous verrons plus loin que les analystes, eux non plus, n'échappent pas à la stigmatisation de l'hystérique. Ce rejet, nul autre que François Perrier (l'un des principaux élèves de Lacan) ne l'a si bien saisi : « C'est parce que le terme hystérie mobilise les défenses inconscientes contre le mystère toujours redoutable de la sexualité féminine que la ligue se reforme pour dénoncer, d'époque en époque, l'hystérie comme impudique imago de la mauvaise mère et, tout autant, ambigu désordre d'une chair androgyne. »

Cette description de François Perrier, quoique difficile à aborder par le lecteur, est d'une justesse clinique et historique, et d'une exceptionnelle beauté poétique. « L'hystérie mobilise les défenses inconscientes... » indique que l'être humain se défend farouchement, sur un plan inconscient, chaque fois qu'il est confronté, chez l'autre, à des mots, des actes, des comportements qui réveillent en lui, en son inconscient, en sa mémoire oubliée, des désirs refoulés dont il ne veut rien savoir. Avant que son inconscient ne se réveille complètement, il va attaquer cet autre à l'extérieur de lui. Ce qui explique l'homophobie, l'islamophobie et l'hystérophobie.

Ces « défenses inconscientes se mobilisent contre le mystère toujours redoutable de la sexualité féminine... » La sexualité féminine est un mystère, et ce mystère est redoutable. Voilà donc contre quoi se mobilise, à titre individuel et collectif, celui, celle et ceux qui ont peur de la sexualité féminine, incarnée par l'hystérie. Mais qu'incarne l'hystérie ? Le fait que « la ligue se reforme, pour dénoncer, d'époque en époque, l'hystérie... » indique le danger que constitue l'hystérie pour l'ordre social.

«La ligue se reforme pour dénoncer d'époque en époque... » Quel besoin les hommes et les femmes ont-ils de se liguer contre l'hystérie ? Un individu seul ne peut pas dénoncer ce qu'il voudrait dénoncer chez l'hystérie ? D'une part, le risque est grand qu'il ou elle perde la bataille, grâce au pouvoir de séduction de l'hystérique. De l'autre, en se liguant, en se mettant en groupe, l'individu perd les limites de son identité sexuelle. Il n'est plus ni homme ni femme alors que l'hystérique revendique les deux à la fois : elle est homme et femme. Voilà pourquoi elle se présente comme un « ambigu désordre d'une chair androgyne ». Elle a les cheveux courts, elle se maquille exagérément comme elle peut aussi ne pas se maquiller du tout. Elle porte des habits provocants, des jupes très courtes ou des pantalons très serrés. Comme dans la chanson de Sylvie Vartan : « Comme un garçon j'ai les cheveux longs (on est en 1967), je porte un blouson, un médaillon, un gros ceinturon, comme un garçon je suis têtue, je distribue des corrections... Pourtant je ne suis qu'une fille, et quand je suis dans tes bras, une petite fille... perdue quand tu n'es pas là. »

Cette chanson décrit bien le comportement de l'hystérique, comportement qui fait horreur aux hommes et aux femmes, car personne ne supporte de voir ainsi incarnée la bisexualité, la bisexualité étant dans l'inconscient de chacun. L'hystérique veut être femme et homme à la fois parce que dans notre monde phallocratique, fait par les hommes pour les hommes, la femme n'a pas de place. À moins d'être une « vache laitière », une mère qui ne peut en aucun cas être femme en même temps. Et c'est l'autre aspect de l'hystérique que ne supporte pas l'ordre social, cette « impudique imago de la mauvaise mère ». Nourrie de fantasmes infanticides qui lui font horreur, l'hystérique se plaît à s'afficher comme une mauvaise mère, afin de montrer que s'il fallait choisir entre être femme ou être mère, elle choisit d'être femme. Voilà l'autre raison pour laquelle elle fut pourchassée et le sera toujours. L'Inquisition (XIIIe au XVIe siècle) brûla sur le bûcher environ 60 000 soi-disant sorcières qui n'étaient en fait que des hystériques. On continue à pratiquer « l'excision » des petites filles pour abolir leur capacité au plaisir clitoridien (200 millions de filles et de femmes dans le monde, Unicef). Et aujourd'hui, la psychiatrie américaine qui a établi le DSM IV (années 80) puis actuellement le DSM V, référence mondiale de la classification psychiatrique, raya tout simplement le nom même d'hystérie de son répertoire.
Nous verrons cela par la suite.

 

 

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