Les mauvais chiffres d'emploi de mai avaient tué toute chance de voir la Fed monter ses taux en juin. Mais, même sans cela, il n'est pas sûr que le FOMC aurait appuyé sur le bouton. Les minutes de sa dernière réunion ont en effet montré que l'incertitude avant le référendum britannique (12 jours après cette réunion) justifiait un statu quo monétaire. Compte tenu de l'incertitude après le vote pro-Brexit, les vagues intentions de hausse des taux, qui étaient encore formulées le 15 juin, sont en train de s'effriter. À force de différer la normalisation monétaire, le niveau actuel des Fed Funds apparaît maintenant déconnecté de ce que prescrirait la règle défendue jadis par Janet Yellen. Ou alors, il faut supposer que le taux d'intérêt naturel réel n'est pas nul, comme il est couramment admis, mais vraiment négatif. Les prochains mois seront marqués par la suite du Brexit, l'élection présidentielle américaine, sans compter les incertitudes qui viendront s'ajouter dans l'intervalle. On voit mal la Fed normaliser sa politique monétaire avant la toute fin d'année au plus tôt, et le risque d'un report sur 2017 ou 2018 est une opinion largement partagée par les marchés.
Les membres du FOMC sont encore réticents à théoriser cette paralysie monétaire. Le seul à l'avoir fait est James Bullard de la Fed de St-Louis. Il juge que l'économie est engluée dans un régime de taux bas et d'inflation basse. En conséquence, il ne prévoit plus de hausse des taux à moyen terme et refuse même de se prononcer sur le long terme. Charles Evans de la Fed de Chicago a avancé une autre idée qui est d'attendre un dérapage de l'inflation au-dessus de 2 % avant de monter les taux. Cela compenserait un peu les années de sous-performance de l'inflation par rapport à sa cible. Pour le moment, le trio Yellen-Fischer-Dudley, qui est le cœur de réacteur de la Fed, n'a montré que peu d'intérêt à suivre leur exemple. La position centrale devrait être que les taux sont toujours appelés à monter... quand les circonstances le permettront. En pratique, des excuses seront trouvées pour repousser au maximum l'échéance. Une telle divergence entre théorie, pratique et attentes des marchés est rare et ne présage rien de bon.
Cet article est réalisé par Fidus