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Culture - Musique

Jazz à corps perdu

La musique habite Tom Hornig comme elle habite le Jazzmine Bey Trio*. Saxophoniste résidant au Liban depuis de nombreuses années, il partage sa longue expérience de musicien.

Le Jazzmine Bey Trio. Photo Karim Sakr

Ils se balancent de gauche à droite : le saxophone, la contrebasse, la batterie. On perçoit les regards complices, ravis et accordés des musiciens du Jazzmine Bey Trio. « On trouve notre identité dans les autres : on essaye de jouer en temps et en heure, accordés les uns aux autres. » Les doigts de Ruedi Felder rebondissent avec agilité sur les cordes de sa contrebasse, Arnaud Oeggerli fait tourner ses baguettes tandis que Thomas Hornig s'abandonne à corps perdu au saxo. Le souffle de la musique passe. Il se compose de leurs émotions, de leur générosité et de leur professionnalisme. De petites volutes d'indolence, d'ivresse et de volupté couplée à une énergie savamment maîtrisée emplissent l'espace de ce café aux allures d'Amérique des années 20.
La particularité de ce trio : l'absence d'instruments harmoniques, tels que la guitare ou le piano. Ce vide permet de laisser place à chaque instrument. Leurs solos successifs sont applaudis à grand bruit par les attentifs, connaisseurs et romantiques. « Jouer du Jazz ? C'est un très grand mot !
C'est comme la cuisine : j'essaye de faire des miracles avec des cacahuètes », s'exclame Tom Hornig. On ne peut que hocher de la tête face à la qualité de leur musique. Et balancer cette même tête sur leurs airs jazzy.
« On essaye de rêver ensemble  », confie ce professeur (américain) au Conservatoire national libanais de musique. Saxophoniste de renom, il parle de musique comme d'un membre de son propre corps. Comme si son instrument avait toujours fait partie de lui. Et qu'il avait grandi avec. Il façonne son jeu aussi bien que celui-ci le façonne : « La musique est le reflet de nos pensées et de notre expérience », selon lui. Depuis l'âge de 9 ans, il n'a jamais cessé de jouer. En 82, il s'envole pour Hawaï avec le Concert Band. « Cinq cent musiciens qui jouaient pour un match de foot ! Cette expérience m'a stupéfait », assure Hornig. Les gammes, apprises auprès de son premier professeur David Sanborn, le conduisent à s'inscrire à l'École normale de musique à Paris. En 1996, il a 20 ans et il joue dans le métro parisien en compagnie d'un talentueux guitariste de Madagascar. Alain Boueyh est alors son « mentor ». C'est à Paris qu'il rencontre aussi sa future épouse – libanaise –, avec qui il viendra vivre à Beyrouth. Là, Tom Hornig va rejoindre l'Orchestre philarmonique du Liban. Ainsi que le Jazzmine Bey Trio : une formation qui naît à la Résidence des Pins, où les trois musiciens venaient jouer en compagnie du précédent locataire attitré, l'ex-ambassadeur de France au Liban Patrice Paoli.
Ces moments de communion musicale sont devenus son opium. Le saxophoniste évoque l'énergie qu'il met dans ces concerts comme « une expérience intime, si forte qu'elle en devient indescriptible. Quand je présente une performance, j'ai le cerveau en feu », confie-t-il. Avant d'ajouter : « Il s'agit surtout d'être en phase avec son instrument et avec le groupe. »
Aussi fortuite qu'elle paraisse, la musique jazz est le fruit d'années d'expérience, d'un travail appliqué – entre 2 à 6 heures de répétitions par jour – et d'une connaissance intime de l'instrument : pour Tom Hornig, un Selmer, la référence ultime des saxos. « Il s'agit d'apprendre à produire un son "mature", harmonieux et riche, quelle que soit l'émotion qui s'en dégage », dit-il.
Le musicien s'en tient au squelette qui structure les bases du genre ainsi qu'aux standards essentiels qui le composent : des gammes majeures, des mesures précises issues du blues (12), qui lui permettent de sortir du cadre et de donner libre court à son inspiration à partir de références propres. À l'instar de Henry Texier, Michel Petrucciani, Seamus Black, ou encore l'air de Little Sun Flower. « C'est un langage avec des codes qui, maîtrisé, permet de s'exprimer au-delà des mots », indique-t-il. Avant de conclure, dans un sourire : « C'est le plus beau des langages. »

*Le groupe musical Jazzmine Bey Trio doit se produire ce lundi 4 juillet à l'Onomatopea.

Ils se balancent de gauche à droite : le saxophone, la contrebasse, la batterie. On perçoit les regards complices, ravis et accordés des musiciens du Jazzmine Bey Trio. « On trouve notre identité dans les autres : on essaye de jouer en temps et en heure, accordés les uns aux autres. » Les doigts de Ruedi Felder rebondissent avec agilité sur les cordes de sa contrebasse, Arnaud...

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