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Environnement

Six semaines pour une maison en paille

La société coopérative de Wallonie Paille Tech a mis au point un processus de préfabrication des murs unique qui réduit les délais de construction au maximum. La paille sort de l'autoconstruction pour se faire une place dans la construction traditionnelle.

Des murs en paille prêts à l’emploi. Photo Coralie Cardon

Les yeux à peine ridés par l'effort, trois ouvriers poussent un mur de trois tonnes à bout de bras. Les vieux chemins de roulement rachetés d'occasion à une entreprise voisine suffisent à faire tourner le processus de construction de ces murs fourrés aux ballots de paille. Tout ici est de fabrication artisanale et « maison ». Et pourtant, on est loin de l'image habituelle de la construction en paille associée le plus souvent à l'autoconstruction et aux « longs » chantiers collaboratifs.

Créée en 2009, la société coopérative Paille Tech, basée à Franière en Wallonie, a l'ambition de sortir la paille de ces expériences anecdotiques pour en faire un matériau de construction à part entière. « Il a donc fallu imaginer un processus de construction qui réduise considérablement les délais de fabrication et qui, en même temps, propose un produit dont la fiabilité et la qualité étaient indiscutables, explique Eric Smeesters, administrateur délégué de Paille Tech. Autrement dit, nous sommes partis de rien et nous avons avancé dans notre projet au gré de nos erreurs et de nos expériences. Toute la chaîne de production de nos murs en paille a été mise au point par nous-mêmes, avec des machines créées, testées et améliorées par nos soins. Aujourd'hui, nous pouvons considérer que notre processus est mûr et que nous sommes prêts pour une véritable production industrielle de nos murs. »


Le mécanisme mis au point par Paille Tech est à la fois simple et unique. Il consiste en une préfabrication totale des murs en atelier : de la mise en place des ballots de paille à la pose des enduits. « Notre principale innovation a été de poser les enduits directement en atelier, explique Eric Smeesters. Cela réduit considérablement le délai de fabrication. Les enduits sont posés en deux fois sur des murs à plat. Le séchage est plus rapide et le résultat est impeccable, sans affaissement ni fissure. Tous ceux qui ont essayé la paille en autoconstruction savent combien la pose des enduits est la plus fastidieuse. D'abord, il faut plusieurs couches et ensuite, il faut respecter un délai de séchage important. Nous, grâce à ce procédé, nous réalisons les murs précâblés d'une maison en quatre à six semaines. Et il faut entre trois et quatre jours pour les poser sur chantier. Après ça, le gros œuvre est terminé et la maison à l'abri des intempéries. »


Au fil des années, les coopérateurs de Paille Tech ont affiné leur processus de fabrication pour rendre leurs murs les plus performants possibles. Cachées sous des bâches de protection, trois machines sont préservées du regard des curieux. Créées par leurs soins, elles façonnent les ballots de paille au millimètre près, elles les compressent au maximum de leur rendement et elles les enduisent avec un mélange d'argile et de terre dont le dosage fait l'objet d'un brevet. « Toutes ces machines sont fabriquées à la main, sans la moindre électronique, ce qui nous permet de les dupliquer facilement mais aussi de les réparer rapidement. C'est en accord avec notre philosophie. Nous ne voulions pas être dépendant de grandes multinationales de l'électronique pour notre processus industriel. Celui-ci est très simple d'utilisation et demande peu d'investissement pour être dupliqué ou agrandi. Nous pouvons faire appel au soudeur du coin pour une réparation. Le bois vient d'une forêt voisine et la paille est fournie par un agriculteur d'Hélécine qui a, lui aussi, mis au point un processus de culture (choix des céréales, de la période de récolte...) qui lui permet d'offrir un produit spécifique pour la construction. »


Si l'économie locale et circulaire est au cœur du projet Paille Tech, les coopérateurs n'y opposent pas l'industrialisation de leur production. « La paille ne doit pas être un produit de luxe, destiné à quelques initiés, estime Jean-Luc De Wilde, administrateur délégué. Ses qualités doivent être accessibles au plus grand nombre mais pour cela, les coûts de fabrication doivent diminuer. Pour nous, cela passera par une augmentation de la production. C'est pourquoi nous devons conquérir de nouveaux marchés en dehors de la construction de maisons unifamiliales. »


Après avoir construit son premier bâtiment public en Wallonie – l'annexe d'un centre régional d'initiation à l'environnement – Paille Tech espère convaincre d'autres organismes publics belges comme des écoles ou des crèches de faire ce choix écologique.
« Placer ses enfants dans un environnement sain devient une préoccupation constante des autorités et des parents », ajoute Jean-Luc De Wilde, convaincu que la paille prendra sa place dans la construction traditionnelle. En Wallonie, on y croit aussi. Le cluster écoconstruction s'est associé à des associations françaises pour le projet de financement européen « Straw ». Il vise à la construction d'un vaste bâtiment en mur de paille qui abriterait des entreprises d'écoconstruction et qui servirait également de lieu d'études du matériau. Si la robustesse et la résistance au feu ne font aujourd'hui plus aucun doute, la paille a encore de nombreux secrets à livrer.

 

 

Les yeux à peine ridés par l'effort, trois ouvriers poussent un mur de trois tonnes à bout de bras. Les vieux chemins de roulement rachetés d'occasion à une entreprise voisine suffisent à faire tourner le processus de construction de ces murs fourrés aux ballots de paille. Tout ici est de fabrication artisanale et « maison ». Et pourtant, on est loin de l'image habituelle de la...

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