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Culture - Exposition

Les faussaires et les contrebandiers sont aujourd’hui acquittés par Yto Barrada

L'artiste franco-marocaine joue le « Faux guide » à la galerie Sfeir-Semler et entraîne le visiteur sur les chemins détournés des trésors archéologiques.

Chez les Eskimos « celui qui a des yeux » désigne le chaman, le clairvoyant. L'œil, de tous les organes des sens, est le seul qui enregistre, qui conserve et qui permet une vision intégrale. Celui de Yto Barrada est vif, curieux et en quête de vérité. Regarder à travers les yeux de cette artiste à la galerie Sfeir-Semler, c'est pénétrer un monde fantasque, merveilleux, poétique et débordant d'humour.
Artiste franco-marocaine, Yto Barrada est née à Paris en 1971. Après avoir suivi des études d'histoire et de sciences politiques à la Sorbonne, elle fréquente le Centre international de la photographie à New York et s'engage dans la voie de l'art.
Son approche artistique décrit les réalités politiques et sociales de la vie au Maroc. À travers ses sculptures, ses films et ses installations, elle offre un regard différent sur le quotidien marocain et le combat de son peuple. Barrada partage son temps entre Tanger et New York, travaille sur le territoire géographique en l'abordant comme un matériel d'échange et s'occupe notamment de la restauration d'un ancien cinéma tangérois pour en faire la cinémathèque de Tanger. Son travail a été présenté parmi tant d'autres lieux, au Moma, au Tate Modern et au Centre Pompidou.

Un regard curieux
Faux guide, exposé à la galerie Sfeir-Semler, est un long projet sur lequel Yto Barrada travaille depuis quatre ans. « Mon point de départ est ma curiosité et mon ignorance », avoue l'artiste. « Je voulais apprendre » , ajoute-t-elle. Elle se tourne alors vers la paléontologie, l'étude des fossiles, et s'intéresse au processus qui part de l'objet trouvé au désir de le collectionner, de le transformer et de le recomposer.
Aussi, elle rend hommage à la femme qui découvre les premiers ossements de dinosaures dans le sable marocain par une suspension de squelettes qu'elle monte d'une manière fantaisiste. « Le Maroc est un pays ouvert aux chercheurs de fossiles », note-t-elle. La loi n'étant pas assez efficace pour protéger la fuite des trésors, Barrada, par sa démarche artistique, cherche à honorer les paléontologues du Maroc qui se battent pour ouvrir des musées locaux, et tentent de se procurer une collection de références avec les meilleures pièces. Un musée dont la construction est interrompue et dont la maquette trône au milieu de la galerie, comme une belle maison de poupées... abandonnée.

Un apprentissage ludique
Pour Barrada, l'art populaire instruit. Elle l'utilise et le met en scène avec humour et légèreté. C'est ainsi que les bouteilles de Coca-Cola, sculptées dans la pierre d'orthoceres (un matériau fossilisé typique de la région), dénoncent un objet de consommation devenu objet d'art. Et l'on s'étonne de découvrir que les guides proposent ces sculptures de canettes aux touristes...
Exposée également, une collection de panneaux faits par les commerçants de pierres informant sur les différentes époques géologiques. « Chaque époque a ses couleurs particulières et chaque période a ses fossiles », précise Yto Barrada en ajoutant que les codes des couleurs internationalement reconnus et représentés sur cette carte se retrouvent dans les nuances d'un tapis qui trône au milieu d'une salle de la galerie.
Barrada sait reconnaître un diplodocus (un des plus grands dinosaures de tous les temps) d'un oviraptor ou d'un tyrannosaure. Les tableaux des dinosaures marocains en témoignent et le jouet en bois représentant un de ces reptiles remplacera un jour, espère l'artiste, le chameau dans les boutiques pour touristes. La collection de jouets qui vient d'Afrique du Nord, plus précisément d'Algérie, tels « l'escalier du rat », ou les poupées faites avec des bouts de bois et des restes de tissus, réconforte l'artiste dans ses convictions. « Il y a un rapport direct entre l'art primitif et l'enfance, dit-elle. L'art premier est à l'abri de la corruption de la société, et les enfants réalisent des objets merveilleux en toute liberté avant de passer à l'âge adulte. Il y a une sorte de curiosité pour les civilisations lointaines de la même manière qu'il y a une curiosité pour ce que font les enfants avant d'intégrer les établissements scolaires et de se voir contraints de dessiner à l'intérieur des lignes. »

L'artiste comme guide
Yto Barrada met en scène un jeu autour de l'acte de la collection, du choix et de la sélection. Elle retient la leçon et constitue sa propre collection autour de fossiles, de jouets et de tuyaux de plomberie. Faux guide réhabilite ces jeunes gens qui accueillent les touristes pour une performance en 15 minutes et contre lesquels on met en garde. Elle avoue être elle-même un faux guide qui prend le négatif et le transforme en positif, s'empare d'une accusation et lui redonne ses lettres de noblesse. Les faussaires et les contrebandiers, par l'entreprise de cette artiste, sont aujourd'hui acquittés.
Pour avoir eu comme guide de cette exposition l'artiste elle-même, des écouteurs qui diffusent le timbre de sa voix pour mener le visiteur au son de son discours intelligent et subtil est une innovation que plus d'une galerie devrait adopter.

« Faux guide » de Yto Barrada, jusqu'au 26 août, à la galerie Sfeir-Semler, secteur de la Quarantaine.

Chez les Eskimos « celui qui a des yeux » désigne le chaman, le clairvoyant. L'œil, de tous les organes des sens, est le seul qui enregistre, qui conserve et qui permet une vision intégrale. Celui de Yto Barrada est vif, curieux et en quête de vérité. Regarder à travers les yeux de cette artiste à la galerie Sfeir-Semler, c'est pénétrer un monde fantasque, merveilleux, poétique et...

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