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Culture - Rencontre

Laure d’Hauteville, ou l’art de se réinventer

La directrice du Beirut Art Fair, dont la 7e édition (du 15 au 18 septembre) célèbre les femmes libanaises dans la peinture ainsi que les jeunes talents, en trace l'historique et les objectifs.

Laure d’Hauteville : « Très heureuse de voir combien l’art libanais occupe une place importante sur la scène internationale. » Photo Michel Sayegh

Femme d'affaires dans l'art, Laure d'Hauteville possède indéniablement l'art des affaires. Directrice de la foire artistique de Beyrouth, elle présente le programme de la 7e édition du Beirut Art Fair : un projet qu'elle dépeint avec talent et dont elle promeut la renommée acquise au court des sept dernières années. En 2015, 21 000 visiteurs et 3 200 000 dollars de chiffre d'affaires. Un accomplissement. En quelque sorte, son œuvre d'art à elle. Mais comment en est-elle arrivée là ?

Elle avait 24 ans quand elle a posé les pieds au Liban, en 1991. Elle s'exclame : « Ça m'avait bouleversée ! » Dans ce pays qui sort alors tout juste de la guerre, « les artistes voulaient vraiment communiquer et montrer le côté positif du Liban en passant par l'art », se souvient-elle. Puis, c'est le coup de foudre (artistique) pour Paul Guiragossian. Elle s'émerveille de ses peintures faites de nomades sans visages aux formes colorées. À travers le regard de cet artiste arménien libanais né à Jérusalem, elle parle des peuples en fuite : « Tous (ces peuples) se sont mêlés de culture, spécialement au Liban. » De cette diversité jaillit un arc-en-ciel aux couleurs du pays : une culture « triple », à la fois arabophone, francophone et anglophone.

Sept ans plus tard, en 1998, sa fascination pour la scène artistique libanaise la dirige vers la création : celle d'ArtSud, la première foire d'art contemporain de la région. On y trouve des artistes et des toiles, des galeristes et des jeunes peintres du Liban et d'ailleurs. La nature de ce projet ? « La foire permet de faire venir des artistes étrangers, de les confronter et de les faire dialoguer. » Bientôt, collectionneurs et spécialistes s'y amassent et s'y pressent. Ce succès, elle le doit à cette quantité « hallucinante » de Libanais qui s'intéressent à l'art. Elle reprend : « Dans chaque famille libanaise, vous avez un artiste, un collectionneur, quelqu'un qui veut travailler dans la culture et sur la mémoire pour ne pas oublier tout ce merveilleux patrimoine artistique et culturel que vous avez dans ce petit pays. »

L'attentat contre Rafic Hariri, en 2005, mettra un terme à l'événement, sans pour autant entamer la passion de son initiatrice pour l'art. En 2010, la foire renaît de ses cendres sous le nom de Beirut Art Fair. « Je me suis rendu compte de combien le Liban avait d'impact sur tous les autres pays du monde par le biais de sa diaspora. » Une diaspora puissante et étendue, qui représente quatre fois la population du pays. « Nous essayons de les mobiliser par l'art, en leur disant : voilà d'où vous venez, voilà qui vous êtes. » Du miracle économique libanais permis par la diaspora, « nous voulons un miracle émotionnel pour tous les Libanais ».

 

(Lire aussi : BAF 2016 : pleins feux sur la femme et la jeunesse)


La force de l'art

Pragmatique, Laure d'Hauteville évoque la partie commerciale et muséale du Beirut Art Fair. « Nous favorisons le tourisme culturel », assure-t-elle. Ainsi, un comité de réflexion s'interroge en amont sur la dimension à donner à la foire 2016, du 15 au 18 septembre au Biel. Il permet de s'interroger, avec davantage de recul, sur l'évolution du Liban : « Il faut vivre avec son temps. » Une urgence cette année ? « La place du patrimoine, avec la question des buildings », et de leur béton rampant.

À l'affiche, de nouveaux projets. D'abord, l'exposition « Lebanon Modern ! », qui rassemble des œuvres de collectionneurs et intellectuels de l'art. Cette édition met en outre les femmes à l'honneur. En tout, les vies de 13 d'entre elles seront exposées : celles qui ont marqué la modernité libanaise de 1945 à 1970. Laure d'Hauteville justifie ce choix : « À l'époque, être femme artiste n'était pas évident, surtout quand c'est l'homme qui est aux commandes. » Avant d'ajouter, sourire en coin : « Mais l'on dit bien que derrière chaque homme se cache une femme, non ? » Elle parle de la femme libanaise « passionnante », qu'elle admire pour « sa force de caractère » : « Elle est belle et maligne : elle sait s'occuper d'elle, faire évoluer les choses et parler aux hommes pour réussir ses projets. » Avant de conclure plus généralement : « La femme élève l'homme. »

Laure d'Hauteville se dit aussi « défricheuse de jeunes talents ». Elle cherche à encourager la découverte, le renouveau, la reconstruction et le fait de se « réapproprier un patrimoine », selon Pascal Odille, directeur artistique du Beirut Art Fair. L'espace Revealing permet ainsi à chaque galerie de présenter un artiste qui sera pour elle la star de demain : cette initiative a déjà permis à une dizaine d'artistes d'acquérir une notoriété à l'international. Enfin, le prix Byblos Award accorde une place particulière à la photographie, pour la cinquième année consécutive : « Tout le monde peut acheter une photo », affirme-t-elle, avant de reprendre : « L'artiste sketche, le photographe capte l'instant présent. » Une fois encore, les jeunes artistes sont encouragés : « Tous les ans, des experts coachent les photographes pendant un an ou deux, leur donnent des conseils sur l'angle, la manière de faire parler l'image. Ils sont suivis au-delà de la foire. » Ils sont ainsi formés à la médiation culturelle : « L'art est un vecteur de communication au sein des entreprises. » De ces 26 ans qui ont peu à peu dessiné le Beirut Art Fair, elle se dit « très heureuse de voir combien l'art libanais occupe une place importante sur la scène internationale ».

Des projets, de nouvelles ambitions ? Exporter l'art de plus en plus loin, partout où « le vent nous soufflera ». La messe est dite.

 

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