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À La Une - crise

Réfrigérateurs et estomacs vides dans un Venezuela sous tension

De plus en plus de Vénézuéliens sont excédés d'avoir faim, alors que le pays sombre dans le chaos économique.

 

"Mon quotidien, c'est sortir pour faire la queue, pour voir ce que je peux obtenir", confie Liliana Rojas, 44 ans. Photo AFP.

"Mon réfrigérateur est décharné", soupire Mayra de Ramos, montrant les étages quasi-vides de son appareil électro-ménager. Comme elle, de plus en plus de Vénézuéliens sont excédés d'avoir faim, alors que le pays sombre dans le chaos économique.

Pour cette retraitée de 64 ans qui vit à Catia, quartier populaire de Caracas, avec trois enfants et trois petits-enfants, nourrir toute la famille est chaque jour un casse-tête. Mayra vient de faire la queue toute la journée, juste pour acheter deux paquets de farine de maïs et de pâtes. "Non, nous ne mangeons pas trois fois par jour, on petit-déjeune et on déjeune tard, c'est tout. On donne un plat à base de farine de maïs aux enfants pour les faire dormir", raconte-t-elle.

Dans ce pays devenu pauvre avec la chute des cours du pétrole, sa principale ressource, on ne fait plus ses courses librement. Il faut y aller un jour précis dans la semaine, déterminé par le dernier chiffre de son numéro de carte d'identité, puis patienter des heures sans avoir l'assurance de trouver ce qu'on cherche.
"Souvent on sort et on revient sans rien, les mains vides", se désole Mayra.

Dès l'aube de larges queues se forment devant les supermarchés, désormais gardés par les militaires face à la hausse des pillages, dans un climat d'exaspération populaire. "Nous avons faim", criaient encore cette semaine des manifestants à Caracas, avant d'être dispersés par les gaz lacrymogènes des forces de l'ordre.

Au même moment, l'opposition apprenait, furieuse, l'annulation par les autorités électorales d'une réunion cruciale où elles pouvaient donner le feu vert au processus de référendum pour révoquer le président socialiste Nicolas Maduro. Jugé responsable de l'effondrement économique du pays, le chef de l’État, élu en 2013 et jusqu'en 2019, est la cible du mécontentement des Vénézuéliens, qui sont désormais sept sur dix à souhaiter son départ.

 

( Pour mémoire : L'opposition appelle à la désobéissance )

 

'Si on déjeune, on ne dîne pas'
Mais si les habitants sont pour l'instant peu nombreux à manifester, c'est aussi qu'ils ont autre chose à faire : "Mon quotidien, c'est sortir pour faire la queue, pour voir ce que je peux obtenir", confie Liliana Rojas, 44 ans.

"Ici, quand on petit-déjeune, on ne déjeune pas, et si on déjeune, on ne dîne pas, pour pouvoir tirer le maximum de notre farine, pour qu'elle dure deux jours", explique cette femme qui vit aussi à Catia.
"Regarde comment est le frigo", ajoute-t-elle. Vide, comme toujours.

Le Venezuela importe la quasi-totalité des produits qu'il consomme mais a de moins en moins les moyens de le faire, d'où les rayons vides dans les supermarchés. Nicolas Maduro accuse les chefs d'entreprises de droite, soutenus par l'opposition, de mener une "guerre économique" en créant artificiellement la pénurie pour le déstabiliser.

Sous une pluie intense, Rosa Gomez, femme au foyer de 38 ans, rentre chez elle à Petare, quartier de l'est de Caracas. Dans son sac de courses : deux paquets de farine de maïs, deux poulets et trois barquettes de beurre, le fruit de nombreuses heures d'efforts. "Je suis sortie de chez moi à cinq heures du matin, j'ai passé toute la journée à faire la queue, pour ramener ça. Il faut le faire, car sinon on ne mange pas. Je n'ai pas les moyens d'acheter au noir", dit-elle.

 

( Pour mémoire : Près de deux millions de Vénézuéliens réclament le départ de Maduro )

 

Les contrebandiers, cibles du gouvernement, proposent au prix fort les produits introuvables dans les magasins. "Un paquet de farine coûte 2.000 bolivars au noir" contre 190 au tarif officiel, régulé par le gouvernement, raconte Rosa. "Avec mon salaire ce n'est pas possible!".

Pour tenter de contourner le problème, le gouvernement a instauré un plan de distribution de sacs contenant des aliments comme du riz, du sucre ou encore de la farine, via les "Clap" (Comités de fourniture et de production). Mais les habitants se plaignent que ces sacs arrivent en trop faible quantité et soient souvent distribués en fonction des préférences politiques.

"Le sac qu'ils me donnent chaque mois est pathétique, avec quatre ou cinq produits", témoigne Mayra, qui tente de filtrer avec un tissu l'eau trouble qui sort du robinet, avant de remplir des bouteilles qu'elle glisse au réfrigérateur. "De l'eau, c'est tout ce qu'il y a".

 

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