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Bach Door

Un grandiose concert symphonique russe dans Palmyre dératisée, un maire musulman élu à Londres et puis ces déconcertantes municipales de Beyrouth. Oui, mais quel rapport ?


Si ces trois évènements marquants du week-end dernier interpellent et émeuvent, c'est bien parce qu'ils reflètent des conceptions diverses de la culture. Ce dernier mot étant pris dans son sens le plus large, du moment que même la grande musique n'échappe plus guère à la manipulation des sociétés : pour tout dire, à la politique.


Ce n'est pas pour discréditer Valéri Guerguiev, chef d'orchestre de célébrité mondiale, doublé d'un homme de cœur. Cet artiste s'est fait une spécialité de jouer de la baguette dans des sites dévastés par la guerre ou par des catastrophes naturelles : les fonds collectés allant au bénéfice des victimes et des sinistrés.


Mais c'était trop demander à Bach et Prokofiev, que de couvrir, par leurs accents, la clameur des populations civiles sciemment bombardées au même instant, pas trop loin de là, par le protégé de la grande Russie : le tyran de Damas qui jetait son dévolu, cette fois, sur un misérable camp de déplacés. C'est une culture de mort – pire encore, un malsain culte de la mort – que dénotait ce concert de basse propagande, qui aura fait insulte au majestueux décor des ruines de Palmyre.


En ces temps de migrations massives, et même si l'électrochoc en a assommé plus d'un, c'est une gigantesque bouffée d'espoir qu'apporte en revanche, à l'humanité en détresse, l'élection du nouveau maire de Londres. Fils d'un immigré pakistanais qui fut chauffeur d'autobus, Sadiq Khan est musulman ; parfaitement intégré, ancien député et ministre, cet avocat de profession, militant des droits de l'homme, se veut un modèle de réussite et de modération pour les minorités de par le monde. Avec son élection, ce sont les Britanniques cependant qui donnent à la planète une magistrale leçon d'ouverture à toutes les cultures et, bien sûr, de démocratie. D'autant plus fracassante est d'ailleurs cette leçon qu'elle est administrée à l'heure où le fameux rêve américain, celui-là même qui autorise les ambitions les plus folles, se trouve battu en brèche, vicié, par le cauchemar Trump.


C'est sur un réveil en demi-teinte, celui des lendemains de soirées un peu trop arrosées, que débouche, quant à lui, le rêve de nombre de Beyrouthins. Rêve pas trop délirant pourtant, que celui d'une ville d'extraordinaire diversité culturelle qui serait enfin prise en charge, gérée avec conscience et dévouement par des édiles issus de la société civile, libres de toute allégeance partisane et n'ayant d'autre ambition que celle de servir. Rêve contrecarré certes par la houleuse alliance tactique entre les diverses forces politiques, comme par la faible affluence des électeurs, elle-même signe de la désaffection, du désabusement d'une bonne partie de l'opinion publique. Rêve dont rien n'interdit néanmoins qu'il reprenne de plus belle, de là même où il s'est coupé dimanche dernier. Rêve qu'autorise, que commande même le score plus qu'honorable réalisé, malgré tout, par le collectif Beyrouth Madinati. Ce n'était là qu'une première passe d'armes, la bataille pour le renouveau ne fait, en réalité, que commencer.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Un grandiose concert symphonique russe dans Palmyre dératisée, un maire musulman élu à Londres et puis ces déconcertantes municipales de Beyrouth. Oui, mais quel rapport ?
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