Entre mars 2011 et février 2016, quelque 358 attaques contre des structures médicales auraient été perpétrées en Syrie. Parmi ces frappes, 288 ont été perpétrées par le régime, 16 par la Russie, 13 par l'État islamique (EI) et 11 par des groupes armés rebelles, selon l'ONG américaine Physician for Human Rights (PHR).
Dernières attaques en date, celles de structures médicales à Alep, dans le Nord syrien. Dénonçant fermement ces attaques lors d'une conférence organisée mercredi 4 mai à l'Université américaine de Beyrouth (co-organisée avec Issam Farès Institute), Médecins sans frontières (MSF) rappelle qu'aux yeux du droit international, cette pratique, devenue courante en Syrie, constitue « un crime contre l'humanité ».
Une nouvelle stratégie militaire semble donc naître en Syrie, et l'hôpital civil d'al-Qods en a fait les frais la semaine dernière. « Non moins de 54 personnes sont mortes suite à des frappes aériennes. Six d'entre elles faisaient partie du personnel médical », indique à L'Orient-Le Jour Muskilda Zancada, chargée de mission pour MSF en Syrie, de passage dans la capitale libanaise. « Il n'y a plus de laboratoire. Près de 80 % de la pédiatrie a disparu également. On découvre petit à petit les dégâts, mais le 3e et le 4e étages sont entièrement détruits », ajoute-t-elle, précisant que l'hôpital ne pourra rouvrir que dans deux semaines. De leur côté, les rebelles ne sont pas en reste : ils ont ainsi attaqué mardi une maternité à l'ouest d'Alep, faisant 19 morts, dont un bébé venant tout juste de naître. « Ce phénomène est vraiment nouveau. Nous avons découvert cela en Syrie », s'étonne Françoise Bouchet-Saulnier, directrice juridique de MSF, également présente lors de la conférence. Devant une telle escalade de violence, la question de l'intentionnalité est soulevée. « Personne n'avoue avoir bombardé volontairement », réfute aussitôt la juriste de MSF, affirmant à L'Orient-Le Jour que « ces attaques doivent cesser. Peu importe qu'elles soient justifiées ou non ».
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Méthode de la double frappe
De plus en plus fréquents, ces bombardements ont plusieurs objectifs. Avant tout, le personnel de santé est visé, puni donc pour ses affiliations politiques présumées qui, pour beaucoup, sont visibles en fonction des personnes soignées, d'après Fouad Fouad, chirurgien de formation et physicien syrien, originaire d'Alep, qui ajoute que les attaques « visent également à faire peur aux médecins de l'ennemi ». La méthode de la double frappe témoigne de cette intentionnalité. « Elle consiste à frapper une première fois les civils. Un deuxième bombardement vient frapper les urgences lorsqu'ils se réfugient dans les hôpitaux. L'objectif est de porter un coup au moral de l'adversaire », en plus des dégâts considérables occasionnés par les deux frappes, précise le praticien.
Pour endiguer ce phénomène, une résolution a été votée mardi aux Nations unies sous l'impulsion de MSF et de Human Rights Watch (HRW), réaffirmant que les personnels médicaux et les centres de santé doivent impérativement être protégés lors des conflits. « Ce n'est que le début d'une bataille », explique Mme Bouchet-Saulnier. « Jusqu'à présent, nous vivions dans l'hypocrisie absolue disant que l'État ne faisait que se battre contre des groupes criminels. Le recours à la force des États était légitimé dans ses atrocités par le caractère démoniaque qu'il attribuait aux rebelles. »
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Le problème vient du fait que le droit international se heurte au droit syrien. En effet, le régime, à la fois partie prenante dans la guerre et État souverain, peut édicter les règles du conflit. La législation internationale devrait garantir la sécurité des hôpitaux et l'accès aux soins, mais tout cela est effacé sur le terrain, le régime s'estimant en état de légitime défense, selon la directrice juridique de MSF. « L'État impose aux blessés de se faire soigner dans les hôpitaux militaires, développe la juriste. La présence de blessés dans les hôpitaux civils étant "interdite" » au regard des autorités syriennes, « le régime peut les bombarder sans inquiétude, ce qui constitue un moyen de dissuasion extrêmement fort ». Beaucoup se demandent si ces bombardements resteront impunis, mais « à ce niveau d'atrocité, l'idée d'une punition ne nous suffit pas », déplore Mme Bouchet-Saulnier.
Pendant ce temps, une aide logistique et médicale continue d'arriver aux hôpitaux d'Alep à travers un réseau de médecins syriens vers les zones contrôlées par les rebelles avec l'aide de MSF. Elle se fait de manière clandestine, car le gouvernement s'y oppose, explique la juriste. « Les Nations unies essayent d'autoriser l'approvisionnement en médicaments », sans succès, s'indigne la directrice juridique de MSF, alors que « des stocks sont prêts à être livrés ». En attendant, les médecins et les civils payent le prix fort du conflit, notamment à Alep où il ne reste plus que 70 à 80 médecins pour 250 000 habitants dans la partie non gouvernementale de la ville, selon Muskilda Zancada.
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Il aurait été intéressant, honnête, et impartial, de mentionner que le 20 décembre 2013 les terroristes ont détruit le plus grand hôpital d'Alep avec d'un camion suicide.
05 h 45, le 06 mai 2016