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Moyen Orient et Monde - Éclairage

En Tunisie, le jihad est aussi domestique

L'attaque de Ben Guerdane par l'EI n'est pas seulement le fait de la menace libyenne, elle révèle aussi les fractures internes qui s'aggravent.

De nombreuses personnes assistaient hier aux funérailles des soldats tués lundi lors des affrontements avec l’EI à Ben Guerdane. Zoubeir Souissi/Reuters

La Tunisie pourrait s'y habituer. À pleurer ses morts, panser ses blessés et à lutter surtout. Se battre contre le terrorisme, c'est le lot de nombreuses nations, sur tous les continents. Avoir des groupes armés qui tentent de prendre le contrôle de ses villes, c'est plus rare. Et très inquiétant. Lundi, lors d'une attaque contre les bâtiments publics de Ben Guerdane, dans le sud-est, une cinquantaine d'hommes sont morts lors des affrontements entre les jihadistes et les forces de l'ordre. Cette attaque marque sans doute un tournant tant dans la stratégie des groupes terroristes hostiles à la Tunisie que dans le discours des autorités.

Davantage que l'issue de l'offensive, il est nécessaire de relever la spécificité de son mode opératoire. L'année dernière, plusieurs attaques avaient touché la Tunisie. Dans la capitale, le musée du Bardo avait été le théâtre d'une fusillade meurtrière en mars; trois mois plus tard, c'est au tour d'une station balnéaire près de Sousse. De même, une explosion à bord d'un bus présidentiel au cœur de Tunis a causé en novembre la mort de 12 personnes. Située à une trentaine de kilomètres seulement de la Libye, la ville de Ben Guerdane, avec ses 60 000 habitants, est la plus importante agglomération du côté tunisien de la frontière, mais n'a aucune portée symbolique ou médiatique. Il ne s'agissait pas d'attaquer la culture, le tourisme ou bien la démocratie. Pour la première fois sur le sol tunisien, c'était une guerre de position, de possession. À l'instar de Sabrata en Libye quelques semaines plus tôt, l'État islamique s'est rendu maître des lieux, a cherché à maîtriser un territoire, à avoir le soutien d'une population. Bien que soldé par un violent échec, l'assaut donne à la Tunisie un sérieux avertissement.

(Lire aussi : « Le pire est à venir pour la Tunisie »)

 

« Nous avons remporté une bataille »
La menace du voisin libyen, de son anarchisme institutionnel était pourtant à l'esprit des autorités tunisiennes bien avant l'attaque de Ben Guerdane. Pour preuve, la déclaration de Farhat Horchani, ministre de la Défense nationale, début février : « Le travail est achevé. La Tunisie est capable de lutter contre le terrorisme d'une manière active et efficace. » Il parlait alors d'une barrière de sable, de tranchées remplies d'eau et de sentinelles le long de la frontière. Tout cela s'est révélé insuffisant, pour une opération d'une ampleur relativement modeste. Quelques heures après l'attaque de Ben Guerdane, le Premier ministre Habib Essid a déclaré de son côté lors d'une conférence de presse : « Nous avons remporté une bataille mais nous sommes prêts pour les autres. »

Déjà tourné vers le futur, l'exécutif tunisien a pu voir éclater au grand jour les failles de son système de sécurité. Malgré la victoire des forces de sécurité lundi, les services de renseignements n'avaient pu empêcher l'attaque à temps. Pour Mansouria Mokhefi, spécialiste du Maghreb et conseillère à l'Institut français de relations internationales (Ifri, à Paris) : « Les autorités, quelle que soit leur bonne volonté, ne sont pas suffisamment armées et équipées pour faire face à l'ampleur de la menace et aux mouvances jihadistes présentes à l'intérieur et à l'extérieur des frontières. Le pays est très faible en termes de moyens sécuritaires et a besoin de l'aide de l'Algérie et de l'Europe. »

(Pour mémoire : Le député Rahoui à « L'OLJ » : Ces terroristes nous en veulent parce que nous avons réussi notre révolution)

 

5 500 Tunisiens jihadistes ?
Il ne suffira pas de se barricader contre le voisin libyen, si instable soit-il : le danger couve également sur les terres tunisiennes. Loué pour sa transition démocratique, récompensé par le prix Nobel de la paix, érigé en modèle de lutte contre l'autoritarisme, le premier pays à s'être soulevé en 2011 révèle aujourd'hui sa fracture profonde. « On a construit en Europe l'idée d'une Tunisie sécularisée, pacifique et exemplaire. Sa personnalité musulmane a été glissée sous le tapis, et les régions du sud qui ont été négligées depuis l'indépendance ont constitué des terreaux fertiles pour le jihadisme qui s'est déjà manifesté dans les départs pour l'Afghanistan et l'Irak, des terres de combat que les jihadistes tunisiens ont rejointes en grand nombre. Pour comprendre l'ampleur du phénomène jihadiste tunisien aujourd'hui avec l'État islamique il faut remonter au jihad des années 1980 et 2000 », estime Mme Mokhefi.
Le chiffre donné par les Nations unies de 5 500 ressortissants tunisiens à combattre dans les groupes jihadistes sur la scène mondiale vient confirmer ce propos. La menace interne n'exclut pas le danger de l'extérieur, mais elle change beaucoup l'image du pays. Ce n'est plus une nation agressée, mais un peuple divisé.

Signe de l'impact de l'attaque de la frontière, le Premier ministre a eu des mots très forts en annonçant une « guerre totale contre le terrorisme ». Jusqu'ici, le gouvernement ne faisait pas du terrorisme son premier cheval de bataille. Mansouria Mokhefi explique cela par le fait que « le mécontentement social est très fort, les investissements étrangers au plus bas et le tourisme en chute libre. Ce dernier point est très grave, tant l'économie du pays reposait sur ce secteur. Le gouvernement, qui lutte contre le terrorisme avec les moyens dont il dispose, vise aussi à rassurer sur la stabilité du pays, rassurer à la fois l'opinion publique tunisienne et les partenaires étrangers susceptibles d'investir dans le pays et de ranimer le secteur du tourisme. La tâche n'est pas aisée. »
Cette semaine, la Tunisie était sous le feu des projecteurs. Si cette dernière attaque ne contribuera sûrement pas à aider le secteur touristique, elle permettra peut-être (enfin) à son gouvernement de prendre le problème du jihadisme à bras-le-corps.

 

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La Tunisie pourrait s'y habituer. À pleurer ses morts, panser ses blessés et à lutter surtout. Se battre contre le terrorisme, c'est le lot de nombreuses nations, sur tous les continents. Avoir des groupes armés qui tentent de prendre le contrôle de ses villes, c'est plus rare. Et très inquiétant. Lundi, lors d'une attaque contre les bâtiments publics de Ben Guerdane, dans le sud-est, une...

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Le prédicateur saoudien Mohammad Anzé, a souligné que « la décision du CCG d’ « inscrire le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes » est une tache de honte sur le front du roi Salman et des alSaoud sans oublier tous les Etats arabes du Golfe ». Il a déclaré sur son compte Tweeter que « nul n’accepte une telle offense sauf un sioniste arabe » ajoutant que « la décision de qualifier le Hezbollah d’une organisation terroriste est une décision sioniste ». Le prédicateur saoudien Anzé, qui occupait le poste d’Imam à la mosquée Abou Youssef, dans la capitale Riyad, a écrit sur son compte : « Aucun honnête musulman, aucun honnête homme, quelque soit sa religion n’accepte pareille humiliation. Et pour cause, l'Arabie-Saoudite, la source du terrorisme wahhabite dans le monde, a le culot de déterminer qui est terroriste ou pas ? » Et de poursuivre : «les faits confirment la défaite cuisante de Daech en Irak grâce aux Hachd alChaabi (les rassemblements populaires), de même en Syrie où Daech est écrasée par la Russie et l’armée syrienne. Daech n’est que le prolongement de la pensée takfiriste-wahhabite saoudienne. Or, si Salman pense, avec le reste de ses sujets, que nous sommes avec eux dans leur bataille contre le Hezbollah, ils délirent voire ils sont en-dehors de la réalité. Car, la vérité c’est que nous sommes des passionnés de la Résistance et nous soutenons et soutiendrons Sayyed Nasrallah jusqu’à mourir en martyre.

FRIK-A-FRAK

12 h 08, le 10 mars 2016

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Commentaires (1)

  • Le prédicateur saoudien Mohammad Anzé, a souligné que « la décision du CCG d’ « inscrire le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes » est une tache de honte sur le front du roi Salman et des alSaoud sans oublier tous les Etats arabes du Golfe ». Il a déclaré sur son compte Tweeter que « nul n’accepte une telle offense sauf un sioniste arabe » ajoutant que « la décision de qualifier le Hezbollah d’une organisation terroriste est une décision sioniste ». Le prédicateur saoudien Anzé, qui occupait le poste d’Imam à la mosquée Abou Youssef, dans la capitale Riyad, a écrit sur son compte : « Aucun honnête musulman, aucun honnête homme, quelque soit sa religion n’accepte pareille humiliation. Et pour cause, l'Arabie-Saoudite, la source du terrorisme wahhabite dans le monde, a le culot de déterminer qui est terroriste ou pas ? » Et de poursuivre : «les faits confirment la défaite cuisante de Daech en Irak grâce aux Hachd alChaabi (les rassemblements populaires), de même en Syrie où Daech est écrasée par la Russie et l’armée syrienne. Daech n’est que le prolongement de la pensée takfiriste-wahhabite saoudienne. Or, si Salman pense, avec le reste de ses sujets, que nous sommes avec eux dans leur bataille contre le Hezbollah, ils délirent voire ils sont en-dehors de la réalité. Car, la vérité c’est que nous sommes des passionnés de la Résistance et nous soutenons et soutiendrons Sayyed Nasrallah jusqu’à mourir en martyre.

    FRIK-A-FRAK

    12 h 08, le 10 mars 2016

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