En occultant magistralement la question de l'élection présidentielle dans son discours hier soir, le chef du Hezbollah devait implicitement confirmer ce que nombre de Libanais savaient déjà : à savoir que la énième séance parlementaire prévue aujourd'hui pour l'élection d'un chef de l'État sera, une fois de plus, une séance pour rien.
Pour la trente-sixième séance consécutive, le folklore entourant cette échéance se poursuivra, à la différence près que Saad Hariri en sera la vedette cette fois-ci, comme l'a justement relevé hier la LBCI. Le chef du courant du Futur a pourtant voulu tenter une fois de plus l'impossible en conviant son candidat, Sleiman Frangié, à faire acte de présence pour que les députés, une majorité selon le pointage, puissent procéder à son élection. Une situation devenue surréaliste sachant que, quand bien même il aurait de fortes chances d'être élu, s'il devait décider de venir avec les parlementaires de son bloc, le chef des Marada continue de se priver d'une victoire arithmétiquement possible par fidélité politique à ses alliés et au nom « de la nécessité de coordonner avec eux ».
C'est en des termes très clairs que le leader du Nord, dont la candidature est, rappelons-le, soutenue par les haririens, a exprimé hier « son allégeance » inébranlable au camp du 8 Mars. C'est également un signe avant-coureur indiquant que les blocs relevant de cet agglomérat du 8 Mars – le Hezbollah et le bloc aouniste – brilleront demain, une fois de plus, par leur absence à l'hémicycle. M. Frangié a d'ailleurs justifié sa position par le fait que le conflit actuel est « très profond », allant même jusqu'à parler d'un nouveau Sykes-Picot dans la région. Un constat de gravité qui a d'ailleurs été répercuté par le chef du Hezbollah lui-même lorsque ce dernier a parlé d'une bataille décisive qui a actuellement lieu, appelée à définir « l'avenir de la région y compris celui du Liban ». Une fois de plus, l'élection présidentielle s'efface devant les calculs géopolitiques et stratégiques et son occultation semble justifiée à leurs yeux par la « vulnérabilité » d'un pays tel que le Liban, caractéristique qui sera largement reprise par Hassan Nasrallah dans son discours.
Balayant au départ toutes les « rumeurs et informations sensationnelles et infondées » véhiculées par les « amateurs de la discorde » à propos des tensions et crispations dont le pays a été le témoin ces derniers jours, le numéro un du parti chiite s'est paradoxalement étendu sur l'incident des protestations « spontanées » de la rue chiite, rappelant ses sympathisants à l'ordre avant de les inviter à s'en remettre aux seules directives du parti.
Le dignitaire chiite devait par ailleurs formuler plusieurs mises en garde contre un conflit sunnito-chiite latent lequel, d'après lui, est constamment attisé par l'Arabie saoudite. Celle-ci serait ainsi à l'origine de tous les maux de la région, de la Syrie jusqu'au Yémen, en passant par les voitures piégées plantées au Liban, a affirmé Hassan Nasrallah.
Deux jours avant la tenue d'un Conseil des ministres dont la crédibilité a été sérieusement entamée par la démission de l'un de ses membres puis par la crise de la suspension de l'aide saoudienne à l'armée, le chef du parti chiite a réitéré son attachement au calme et à la stabilité au Liban, ainsi qu'au dialogue et au maintien du gouvernement. Le message à retenir est à l'accalmie sur le plan interne, même si la guerre se poursuit ailleurs, en l'occurrence avec l'Arabie saoudite, dit-il en substance. Entendre qu'au Liban, il faut éviter tout dérapage et toute escalade à caractère confessionnel qui risquerait de déstabiliser un peu plus le pays.
C'est le même mot d'ordre qui ressort d'ailleurs de la rencontre lundi dernier entre Saad Hariri et le chef du Parlement, Nabih Berry, qui, assurent les sources proches de Aïn el-Tiné, a convaincu son interlocuteur de reprendre le chemin du dialogue amorcé entre sa formation et le Hezbollah, seul moyen de contrer l'effervescence sectaire de part et d'autre.
C'est en direction de l'apaisement qu'œuvrerait également l'Arabie saoudite par le biais de son ambassade à Beyrouth. Selon des informations relayées par les médias, celle-ci aurait incité les différents leaders sunnites à une réunification qui aurait pour objectif apparent d'éviter des débordements ou les clivages intracommunautaires aux conséquences tout aussi désastreuses. Cette initiative pourrait toutefois servir l'objectif de la création d'un front sunnite uni pour faire face au bloc chiite, croient savoir certains observateurs.
C'est dans ce contexte qu'il faut placer les visites effectuées par l'ancien ministre Abdel Rahim Mrad, membre du 8 Mars, à Saad Hariri, puis à l'ancien ministre Fayçal Karamé. Ce dernier a évoqué sans ambages à l'issue de la rencontre « une tentative saoudienne auprès des sunnites pour les inciter à se retrouver autour d'une plateforme commune afin d'éviter l'enlisement dans des conflits communautaires qui pourraient conduire à la violence ».
Entre-temps, le gouvernement se prépare à affronter, une fois de plus, jeudi, un dossier encore plus pressant pour les Libanais, celui des déchets. Les chiffres évoqués hier en commission des Finances sur des centaines de millions de dollars partis en fumée ne feront que rajouter de l'huile sur le feu.
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commentaires (15)
Les Syriens ont le choix entre le régime criminel de baschar et les terroristes de daech .... J espère que le choix des libanais ne se réduira pas à le hezbollistan ou le zbellestan...
CBG
13 h 51, le 04 mars 2016