Il y a, au Liban, deux types de corruption : la première, d'ordre financier et administratif, mine l'État et la collectivité nationale, dilapide les énergies de la société et confisque l'avenir des générations. La seconde, institutionnelle, sape l'autorité des pouvoirs publics, abolit la bonne gouvernance, détruit la République, fait le lit de l'État de non-droit et prépare... la guerre.
Par ignorance, par facilité ou par paresse d'esprit, la plupart des Libanais ne semblent obnubilés que par la première. La situation est telle qu'on flaire aujourd'hui la magouille et les dés pipés à la moindre adjudication, au moindre contrat signé, ce qui pousse dans la rue des nuées de « collectifs » aux appellations de plus en plus aguicheuses.
C'est le triomphe du « tous-pourris », ce concept démagogique s'il en est, par lequel une société civile qui s'autoproclame vertueuse exorcise ses démons en rejetant la responsabilité de ses malheurs sur une classe politique considérée comme une entité à part entière et supposée uniformément vicieuse.
Vouloir combattre la corruption financière et administrative avec une telle approche équivaut à réduire tout le problème à un bête jeu de cowboys et d'Indiens. Et ignorer l'autre corruption, politico-juridique, plus grave encore que la première, ne fait que perpétuer le mal. Car sans bonne gouvernance, non seulement on ne pourra pas élire un président, mais on ne réussira guère plus à ramasser les ordures.
Un peu moins de deux années écoulées et trente-cinq séances électorales à la Chambre et le Liban n'a toujours pas de président... Pourquoi ? À la trente-cinquième séance, le contexte devient ubuesque, avec les deux candidats déclarés du 8 Mars qui boycottent la réunion pendant que leurs parrains respectifs du 14 Mars y assistent... Pourquoi ? Et par-dessus le marché, le jeu d'un parti – le Hezbollah –, qui soutient un candidat sans le soutenir vraiment, refuse d'envisager l'idée que le président puisse être le fruit d'une élection et le veut à tout prix issu d'une cooptation et cherche encore à ajouter du temps au temps... Pourquoi ?
De la réponse à ces interrogations naîtra l'ébauche du débat de fond dont le Liban – État et société civile – ne saura faire l'économie s'il entend guérir un jour le mal qui le mine. D'entrée de jeu, nombreux seront ceux qui pointeront une fois de plus le système politique, alors qu'en réalité, on est aujourd'hui plus éloigné que jamais du système, de la Constitution, des textes et des coutumes. Le problème se situe plutôt dans la dérive consensualiste imposée par les acteurs insatisfaits du système et qui est à l'origine de cette interminable succession de blocages.
De cette impasse, on ne sortira que de deux façons : le retour à la règle du jeu ... ou aux barricades !
commentaires (7)
Mr. Fayad, quand vous mentionnez les deux types de corruption, vous en omettez un troisieme qui est, de loin, le plus virulent des trois.Je parle de l'origine et de la base du systeme entier de corruption dans notre pays:LE SERVICE DEMESURE DE LA DETTE.Pour commencer par la fin, je signalerais que si l'on voulait decider (par miracle) de rembourser la dette publique endeans quinze ans, toutes les economies conventionelles durant cette periode pourraient atteindre un maximum de $42 milliards, les recettes du petrole s'il devait voir jour, pourraient amener, au maximum $72 milliards, tandis qu'une simple baisse de deux pour cent du taux d'interet de la dette reduirait cette dette de $114 milliards en 15 ans.I "rest my case" comme dirait l'avocat de la defense.
George Sabat
08 h 39, le 10 février 2016