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À La Une - Israël

Dans le Golan, la guerre syrienne au bout de la piste de ski

"Notre rêve, c'est qu'un jour cette région soit plus sûre et qu'au tournant d'une piste on puisse se retrouver en Syrie, et qu'on remonte à la station depuis le Liban en télésiège", soupire le chef des pisteurs.

Des soldats israéliens en train de skier sur le mont Hermon. AFP / THOMAS COEX

Seule la crête enneigée du mont Hermon sépare deux mondes: la Syrie ravagée par les combats et une station de ski où les vacanciers israéliens dévalent les pistes sur fond de musique techno, boivent du vin chaud et slaloment au milieu des soldats. Au sommet du télésiège, là où les skieurs ajustent leurs fixations à 2.200 m d'altitude et se tartinent de crème solaire, on voit Damas par beau temps. La capitale syrienne n'est qu'à 40 km, mais inatteignable au-delà de la ligne de démarcation départageant deux pays officiellement toujours en guerre.

Pour les Israéliens, le mont Hermon, massif aux confins du Liban et de la Syrie qui se prolonge au sud dans le Golan occupé et annexé par Israël, est une zone ultra-stratégique placée sous haute surveillance.
Mais chaque année, dès les premiers flocons, les réalités géopolitiques sont balayées. Le temps d'une courte saison, le mont Hermon devient côté israélien une station de sports d'hiver comme n'importe quelle autre dans le monde, ou presque.

Des panneaux signalant la présence de mines dissuadent les skieurs tentés par le hors-piste. Au loin, de hautes antennes givrées marquent les vastes bases militaires israéliennes. L'armée est omniprésente. Chaque cabane d'arrivée de remonte-pente est jouxtée par un avant-poste militaire où les soldats scrutent l'horizon avec des jumelles.
"Si un Syrien veut s'infiltrer ici, il a intérêt a être très bon skieur. Si c'est l'été, il a intérêt à être champion de motocross", plaisante Nabir Abu Saleh, chef des pisteurs, anorak rouge siglé d'une grosse étoile de David, en montrant du doigt la pente ardue qui sert de frontière naturelle avec la Syrie.

Chute d'obus
L'armée israélienne redoute moins les infiltrations de combattants que la chute par inadvertance d'un obus tiré par l'armée ou les rebelles syriens durant leurs combats. "On a déjà dû évacuer le site à plusieurs reprises. C'est très bien réglé: on fait descendre tout le monde dans le calme", explique à l'AFP le directeur de la station, Liron Milles.

"On ne sent pas la guerre ici. On est protégé, il y a l'armée, la police", assure celui qui est aussi instructeur de ski dans l'unité de réservistes des alpinistes de l'armée. A ses heures perdues, le trentenaire initie aux rudiments du ski les jeunes appelés déployés dans la région. Malgré leurs combinaisons de camouflage blanches, les soldats sont aisément repérables. Fusil au vent, ils pratiquent un chasse-neige hésitant au milieu des skieurs chevronnés.

Les Israéliens, dont le pays touche au désert dans le sud, ne sont pas réputés pour être des experts des sports d'hiver. Mais l'unique station du pays et ses quatorze pistes sont capables d'accueillir jusqu'à 8.000 visiteurs par jour.

Itay, 28 ans, a pris un jour de congé. De Tel-Aviv, au bord de la Méditerranée, il a fait trois heures de voiture, embouteillage à l'entrée de la station compris, pour tester entre amis la première neige de l'année et se sentir "un peu comme en vacances à l'étranger". "On ne s'empêche pas de prendre le bus parce qu'il pourrait exploser ni de venir surfer parce qu'il y a la guerre à côté", dit-il, reflétant un état d'esprit répandu chez les Israéliens habitués aux violences.

Remonter du Liban en télésiège
"On n'a pas beaucoup de neige en Israël. Donc venir ici, c'est une attraction, on ne pense à rien d'autre qu'à s'amuser", confirme un visiteur, Amir Cohen, qui a amené ses enfants faire de la luge au pied des pistes.

Dans cette partie de la station réservée aux non-skieurs se croise une foule hétéroclite et surexcitée de femmes arabes voilées, de juifs ultra-orthodoxes ou de soldats de l'Onu en permission qui rappellent que des Casques bleus veillent dans le Golan au respect de l'armistice entre Israël et la Syrie.

Les projectiles échangés ici dans l'insouciance sont des boules de neige. "De toute façon, les bombardements, on les entend plus fort dans les villages du bas de la vallée qu'ici", explique Fayad Abou Saleh, qui est, comme la majorité des autres employés du site, originaire des villages druzes voisins.

"Notre rêve, c'est qu'un jour cette région soit plus sûre et qu'au tournant d'une piste on puisse se retrouver en Syrie, et qu'on remonte à la station depuis le Liban en télésiège", soupire Nabir Abou Saleh, le chef des pisteurs.
"Tous les jours quand on monte ici, on pense à ce qui se passe en Syrie, aux enfants, aux réfugiés qui dorment dans des tentes par ce froid. Nous, on vient avec nos équipements, nos combinaisons, et on sent encore le froid.

Alors eux? Mais d'ici, on ne peut pas faire grand-chose, on souhaite juste que ça se termine le plus vite possible".

 

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