Une session de yoga, dans le centre-ville de Beyrouth. Archives AFP
L'affaire de l'interdiction d'une « rave party » organisée à la Saint-Sylvestre à Yahchouch (après avoir été interdite une première fois à Baïssour), qui a donné lieu à une véritable chasse aux « adorateurs du diable », a récemment pris une nouvelle tournure. L'un des organisateurs de la fête, durant l'une des sessions d'interrogatoire, a dû répondre à une question insolite : pratiquez-vous le yoga ? En répondant par l'affirmative, il semble qu'il ait accru les soupçons de satanisme qui pèsent sur lui, sans aucun fondement bien sûr. On aura tout vu...
Ce qui a apparemment suscité la réaction des policiers à cet égard est une idée présentée par un prêtre dans un article, qui place le yoga – pratiqué par de très nombreux Libanais comme sport, rappelons-le, et enseigné dans de nombreux centres – dans le cadre de « croyances hindoues et inventions sataniques insolites » (sic ! ). C'est ce qui a été dénoncé dans un article virulent écrit par un blogueur, Gino Raïdy.
L'avocat du jeune homme questionné, entre autres, sur ses pratiques de yoga, Me Khaled Merheb, donne de plus amples détails, sans nommer son client. « Concernant l'origine de toute cette affaire, c'est-à-dire l'interdiction de la rave party, je ne connais toujours pas les mobiles qui ont motivé cette campagne, dit-il à L'Orient-Le Jour. Mon expérience me dit que ce dossier n'a aucune base juridique qui devait autoriser l'interrogatoire de mon client et d'autres. En effet, il n'y a aucune mention de ce qu'on appelle l'adoration du diable dans la loi libanaise. Bien au contraire, la Constitution protège la liberté de croyance. À mon avis, ceux qui sont à l'origine de cette campagne ne veulent pas s'avouer vaincus après la première vague d'interrogatoires qui n'a rien donné, et cherchent par tous les moyens à aggraver l'affaire. »
Sur la question du yoga, l'avocat affirme « n'avoir rien vu de tel au cours de toute (sa) carrière ». « Un prêtre a prétendu qu'il y a un lien entre le yoga et le satanisme, et voilà qu'on interroge les gens sur cela, souligne-t-il. Le yoga est, à l'origine, une pratique liée à une religion donnée, dont de nombreux adeptes vivent au Liban même s'ils ne sont pas libanais. Attaquer le yoga de cette façon équivaut donc à une entorse à la Constitution qui protège la liberté de croyance. Ces gens-là commettent, par conséquent, un délit. »
Nous avons tenté de contacter à cet égard le père Abdo Abou Kassem en sa qualité de directeur du Centre catholique d'information pour avoir son avis sur cette affaire, mais sans succès.
Me Merheb ajoute que son client est un étudiant très instruit, qui termine un master. « Pourquoi la police perd-elle son temps et celui des jeunes en se basant sur une illusion ? se demande-t-il. Je comprends que des autorités religieuses se sentent menacées, mais qu'en est-il de la police ? »
Et d'ajouter : « Je suis convaincu qu'il faut contre-attaquer, du moins par une campagne pour sensibiliser le public et les législateurs. D'un autre côté, si l'une des personnes lésées dans cette affaire désire porter plainte, elle peut le faire. »
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22 h 27, le 28 janvier 2016