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A Marseille, le vivre-ensemble à l'épreuve du repli sur soi

"Si on se replie, c'est une catastrophe".

C'est une image fermement accrochée à Marseille: celle d'une mosaïque de communautés, qui vivent pacifiquement les unes avec les autres. Photo d'archives AFP.

C'est une image fermement accrochée à Marseille: celle d'une mosaïque de communautés, qui vivent pacifiquement les unes avec les autres. Beaucoup s'interrogent sur la réalité de ce tableau après l'agression antisémite lundi d'un enseignant par un lycéen turc se réclamant du groupe État islamique.

L'appel lancé après cette attaque par le responsable du consistoire local, qui a incité les juifs marseillais à ne plus porter la kippa dans la rue, a révélé un malaise au sein de la communauté juive locale après plusieurs agressions antisémites au cours des derniers mois. "Ce n'est pas l'esprit de Marseille: Marseille est un port depuis 2.600 ans révolus, Marseille a toujours été habituée à l'étranger, Marseille doit avoir ce respect, plus que dans d'autres villes", avait déjà tonné le maire LesRépublicains Jean-Claude Gaudin en novembre, après deux agressions distinctes ayant visé un autre enseignant juif et une musulmane voilée.

La ville comptait en 2010, selon le recensement de l'Insee cité par le sociologue Michel Peraldi dans "Sociologie de Marseille", 12,9% d'immigrés (contre 20,3% à Paris) et 7,8% d'étrangers (14,9% à Paris). Elle compte aussi -ce que ne traduisent pas ces chiffres- de nombreux Français issus d'une immigration plus ou moins ancienne. La ville rassemble quelque 70.000 juifs, - une des plus importantes communautés de France et d'Europe-, et 220.000 musulmans, dont 70.000 pratiquants.
"La réputation n'est jamais fondée sur du vide, le vivre ensemble existe toujours", assure Christophe Lomon, un pasteur membre de Marseille Espérance, une structure qui regroupe des dignitaires de toutes les religions de la ville.

 

( Lire aussi : Le débat sur le port de la kippa déborde sur la classe politique française )

 

"Marius et Jeannette, un conte"
A Marseille, "il y a moins de cloisonnement des communautés", souligne Michèle Teboul, présidente du Crif Marseille Provence, rappelant que de nombreux juifs marseillais sont originaires d'Afrique du Nord où ils ont toujours cohabité avec des musulmans. "Franchement, c'est dur en ce moment", souffle-t-elle cependant: "les communautés seront mélangées le jour où il y aura plein de mariages mixtes, mais on en est loin".

Directeur du seul collège musulman conventionné de Marseille, Mohsen Ngazou, insiste sur le travail à mener: "Le vivre ensemble est à construire au quotidien, je veux pousser les miens vers les autres. Si on se replie, c'est une catastrophe". Ce repli, cette communautarisation croissante, c'est pourtant ce que décrivent beaucoup de Marseillais, dans une ville où le Front national était en tête dans 13 des 16 arrondissements au soir du premier tour des régionales. Il a aussi remporté en 2014 la mairie du secteur le plus peuplé et l'un des plus populaires dans les quartiers Nord.

"Marseille est une ville (...) qui n'a pas plus de règles de vivre ensemble communautaires et ethniques que les autres", juge le sociologue Michel Peraldi. L'actualité - les récents attentats parisiens ou celle du Proche-Orient - contribue comme ailleurs parfois à ces "frottements" entre communautés, selon lui. Mais elle n'explique pas tout, estime Gari, un des membres du Massilia Sound System, groupe de ragga fondé dans la cité phocéenne en 1984: "Mes grands-parents, ils roulaient les +r+, ils vivaient dans cette espèce de ghetto rital de la Belle de Mai, et nous les petits Ritals, les petits Arméniens, les petits Rebeus, les petits Blacks, on a tous été élevés ensemble". Aujourd'hui, regrette-t-il, "tout s'est cloisonné". "C'est aussi à cause de nous: on s'est tirés dans de beaux quartiers pour mettre nos enfants à l'école".

"La ville est plus mixte que d'autres, mais ça ne se passe pas forcément facilement", souligne la directrice d'une école d'un quartier difficile, décrivant des enfants et des parents prompts à échanger des insultes racistes en cas de conflit: "Le plus préjudiciable, c'est la méconnaissance de l'autre".

"Marseille est un lieu de métissage (...) mais Marseille est conviviale tant que tout le monde travaille. Dans une situation de crise, de chômage endémique, les Marseillais ne sont pas meilleurs que les autres", regrette auprès de l'AFP le cinéaste Robert Guédiguian.
De ses films, comme "Marius et Jeannette" (1997), le réalisateur a souvent fait des hymnes au vivre ensemble. Mais ce long métrage est un "conte", souligne-t-il, en évoquant la courette dans laquelle se retrouvent tous ses personnages: "Je n'ai pas fait le film parce que la cour existe, mais pour qu'elle existe".

 

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