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Sport - Athlétisme - Focus

« Beaucoup de gens pensent que je suis fou »

Le rêve de Mohammad Khatib : courir pour la Palestine... aux JO de Rio avec Usain Bolt et monter sur le podium.

En trois ans, à force de pugnacité et sans coach, Mohammad Khatib est passé de 15 à 11 secondes sur 100 mètres. Ce mois-ci, il va suivre un stage au Texas après s’être déniché un entraîneur. Abbas Momani/AFP

Mohammad Khatib a un rêve : décrocher la première médaille olympique de la Palestine. Ce professeur de yoga diplômé de sociologie s'est mis en tête, il y a trois ans, de faire flotter le drapeau national au-dessus du mythique podium du sprint. Chaque jour, inlassablement, il s'élance à toute vitesse sur les rares pistes – ni très professionnelles ni très sûres – qu'il trouve à Ramallah en Cisjordanie.
« Il y a des stades de foot, mais, en athlétisme, quasiment rien. Il y a bien un couloir tracé pour le 100 mètres, mais il est en asphalte et ça peut causer de nombreuses blessures », déplore le jeune homme de 25 ans à tignasse bouclée, keffieh aux couleurs de la Palestine autour du cou. Malgré l'adversité, le garçon aux yeux noisette, toujours plissés par un sourire, place la barre haut : « Créer de l'espoir et du bonheur » pour les Palestiniens, qui vivent sous occupation israélienne et attendent leur État depuis 70 ans.
Le déclic, il l'a eu en 2013, quand un autre Palestinien, le Gazaoui Mohammad Assaf, a remporté Arab Idol, l'un des télé-crochets les plus regardés dans le monde arabe. « J'ai vu à quel point les gens étaient heureux. Ils ont fait la fête toute la nuit parce qu'un Palestinien l'avait emporté grâce au vote du public à l'échelle du monde arabe. Je me suis dit : imagine ce que ça pourrait être si un Palestinien remportait une compétition mondiale, par son seul mérite », dit-il.
Depuis cette nuit à écouter les klaxons résonner à travers les territoires occupés, Mohammad s'entraîne, seul, à force d'exercices qu'il a trouvés sur YouTube. « Beaucoup de gens pensent que je suis fou d'avoir choisi les disciplines les plus dures, les 100 et 200 mètres. Mais je suis sûr que je peux y arriver, et je vais leur montrer », martèle-t-il.

Trance et reggae dub
Il a chaussé les pointes par tous les temps et couru, écouteurs vissés sur les oreilles, « de la trance psychédélique – croyez-le ou non ! – et du reggae dub, pour le rythme ». Il a adapté son emploi du temps aux horaires d'accès au stade. Sur la piste, sourire aux lèvres parce qu'il « médite en même temps » qu'il court, il fait fi des travaux de construction qui empiètent sur son couloir et des plaques de tôle branlantes qui menacent l'athlète lancé à toute vitesse.
Il lui reste à découvrir les compétitions internationales, l'adrénaline des stades remplis, le stress dans les starting-blocks. Mais il a connu les compétitions « où les couloirs ne sont pas courbes mais carrés, avec des virages à 90 degrés, et les entraînements dans la rue, parfois dans des pentes ».
Le découragement ne l'a pas épargné. Mais il est passé en trois ans de 15 à 11 secondes sur 100 mètres. Il est encore loin du record mondial de 9 sec 58 du Jamaïquain Usain Bolt, et surtout des minimas de 10 sec 16 pour se qualifier pour Rio.
D'autres portes d'entrée que les minimas existent : le contingent des places décernées aux meilleurs non-qualifiés ; ou les invitations délivrées aux comités nationaux qui n'auraient aucun représentant. Sur les cinq membres de la délégation palestinienne aux Jeux de 2012 à Londres, quatre bénéficiaient de wildcards. Le 5e, le judoka Maher Abou Remeleh, était le premier de l'histoire olympique palestinienne à s'être jamais qualifié.

S'entraîner au Texas
La petite nation sportive de Palestine n'a jamais gagné de médaille olympique. Son comité national ne cache pas qu'il compte à nouveau sur les invitations. Il ne se fait aucune illusion quant aux chances de briller sportivement. Comme les matches de qualification pour la Coupe du monde de foot, la participation aux JO sera non seulement un événement sportif, mais une déclaration politique en faveur de l'État palestinien.
L'acte revendicatif n'est pas étranger à Mohammad Khatib : « L'occupant (israélien) – et c'est l'idée colonialiste même – veut nous convaincre qu'on ne peut rien faire. ''Vous resterez toujours des arriérés'', voilà ce qu'ils veulent faire croire aux Palestiniens, dit-il. Je vais leur prouver le contraire. » Au lieu de dépenser son énergie en lançant des pierres contre les soldats israéliens comme beaucoup de jeunes Palestiniens le font depuis des années, « je préfère l'utiliser pour construire quelque chose pour ma société. L'idée des Jeux olympiques, c'est de créer de l'espoir, de montrer qu'on est capable de réussir ».
Alors, après des années sans coach, il s'est déniché un entraîneur... au Texas ! Une fois le visa obtenu – et ce n'est pas qu'une formalité pour un Palestinien –, il lui restait à trouver près de 8 000 dollars pour financer ses trois mois aux États-Unis. Il a lancé une collecte sur Internet. « En trois ou quatre jours, j'avais réuni la somme », rapporte-t-il. Quelques jours plus tard, il avait même près de 13 000 dollars.
S'il parvient après son entraînement américain, prévu ce janvier, à se porter en tête du classement palestinien, « nous sommes prêts à le soutenir », explique Munther Masalma, secrétaire général du Comité olympique palestinien. Car, cette année, la Palestine veut « réussir un coup inédit et envoyer entre 8 et 10 athlètes à Rio », affirme le responsable.

Sarah BENHAIDA/AFP

Mohammad Khatib a un rêve : décrocher la première médaille olympique de la Palestine. Ce professeur de yoga diplômé de sociologie s'est mis en tête, il y a trois ans, de faire flotter le drapeau national au-dessus du mythique podium du sprint. Chaque jour, inlassablement, il s'élance à toute vitesse sur les rares pistes – ni très professionnelles ni très sûres – qu'il trouve à...

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