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Culture - Initiative

Dans la jungle, l’évidence du théâtre... et de Zoukak

Dans la tragiquement dénommée « Jungle de Calais », des milliers de migrants ont participé à une expérience théâtrale menée par la troupe libanaise Zoukak. Omar Abi Azar et Junaid Sarieddine ont mené cette action à l'invitation de Good Chance Calais. Comme si, dans le vif du drame, la chose la plus évidente, la plus logique était de faire du théâtre.

« We Have A Dream » s’inscit en lettres géantes sur les remparts de la jungle calaisienne. (Photo Omar Abi Azar)

Réveillon de la St-Sylvestre. Le monde célèbre le passage à la nouvelle année. D'heure en heure, le tic-tac, jubilatoire, s'emballe, égrenant les réjouissances d'une planète dans l'attente de son premier janvier. Nous sommes en France. Il est minuit à Calais, il fait nuit sur nos consciences. Entretien avec Omar Abi Azar et Junaid Sarieddine – metteurs en combat – au plus près de la tragédie.

 

Tout d'abord, est-il possible/décent de se souhaiter une bonne année depuis Calais ?
Il est préférable de se souhaiter une meilleure année. Bien que « la jungle », comme on la nomme, soit une ville bâtie sur l'espoir, personne n'est dupe de sa situation et de la difficulté des mois et des années à venir. Ici nous sommes dans le gouffre des sociétés, une meilleure année serait donc un très bon souhait.

 

Qui peuple la « Jungle » de Calais ?
Des gens venus des quatre coins de la planète avec une seule idée en tête : fuir une mort imminente et brutale ou un état de pauvreté permanente. Pakistanais, Afghans, Iraniens, Kurdes, Irakiens, Koweïtiens, Syriens, Libanais, Palestiniens, Égyptiens, Soudanais, Libyens, Érythréens, Somaliens : une population migrante qui compte beaucoup de jeunes adolescents, des familles, des femmes, des enfants...

 

Qui sont les acteurs, les protagonistes du drame calaisien ?
Migrants de plus de 13 nationalités différentes. Police. Chiens. Barbelés et barrières. Volontaires. David Cameron. François Hollande. La pluie. Le froid et les frontières...

 

Pourquoi Calais ?
Calais est le témoin d'un tournant de l'histoire. Nos sociétés mirages et illusoires qui ont soigneusement été construites à grand renfort de discriminations, de racismes et de brutalités sont en train de vivre leurs propres chutes. Les migrants de Calais et leurs camps sont la preuve vivante de cet échec imminent. Ici réside l'essence de notre travail dans la compagnie, théoriquement et pratiquement : être aux charnières de l'histoire où tout est encore possible.

 

Quel a été l'écho de votre travail sur place ?
Régulièrement confrontés aux situations d'urgence, nous nous posons souvent la question de la pertinence et de l'utilité du travail théâtral dans de telles circonstances. Pourquoi, par exemple, opter pour le théâtre et non pour l'aide humanitaire ? Nous nous sommes vite rendu compte qu'à Calais, le faire-théâtre n'était absolument pas une question. Comme si, dans le vif du drame, la chose la plus évidente, la plus logique était de faire du théâtre. Comme si ce dernier était précisément créé pour de telles situations.

 

Que peut le théâtre encore aujourd'hui ?
Rassembler plus de 350 migrants de différentes nationalités, cultures, religions et opinions politiques, sous une même tente, dans le froid et sous la pluie, le soir du jour de l'an, pour assister à un spectacle créé par une vingtaine de jeunes migrants également de nationalités, de cultures, et de religions différentes, et puis célébrer le passage à la nouvelle année ensemble, aux heures respectives de tous les pays dont ils sont originaires ; donner à voir ou entendre, à chaque célébration, un petit spectacle, une chanson ou un poème du pays célébré. Tout cela dans le respect et l'écoute, souvent, d'une culture et d'une langue qu'ils ne comprennent pas. C'est cela que peut faire le théâtre de nos jours : réussir ce que les politiques actuelles ne peuvent ou ne veulent pas faire.

 

« Il était une fois Calais »... Comment continueriez-vous cette phrase ?
Une ville qui, comme la Palestine, est bâtie sur l'espoir malgré l'oppression.

 

Comment va le monde vu depuis Calais ?
Mal.

 

Zoukak, une incise dans les maux du monde ?
Plutôt : Zoukak, comme beaucoup d'artistes, a décidé d'habiter les plaies du monde.

 

Voir aussi

www.zoukakdiaries.tumblr.com

Pour mémoire

La mort chez Zoukak, des âmes qui n'ont plus de causes...

 

 

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