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Le monde en 2015

Le peuple syrien n’a pas d’amis

Sur cette affiche du village de Kafranbel en Syrie, se lit tout le désespoir d’un peuple : « Il paraît que nous, les Syriens, n’avons pas le droit de vivre sur cette terre. Ok ! Pourquoi ne pas vous faire plaisir en nous envoyant sur Mars, par exemple ? » Source : Facebook

Les chiffres sont effroyables : plus de 250 000 morts, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). On estime par ailleurs le nombre de disparus entre 100 000 et 200 000. Au moins 4 millions de réfugiés, sans oublier les quelque 7,6 millions de déplacés à l’intérieur même de la Syrie. Ce qui signifie que près de 50 % des Syriens ont été contraints de quitter leurs domiciles à cause des violences, selon l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Depuis plus de quatre ans, le peuple syrien est avant tout la victime de l’indifférence du monde, autant que de la tyrannie de Bachar el-Assad et de la barbarie des jihadistes du groupe État islamique (EI, ou Daech).

Subissant quotidiennement les exactions des milices de tous bords, les bombardements aveugles aux barils d’explosifs de l’aviation du régime syrien, appuyé depuis septembre par les frappes aériennes des forces russes, la population civile paye un lourd tribut dans cette guerre qui a complètement détruit un pays devenu le théâtre d’enjeux régionaux et de lutte d’influence, impliquant notamment l’Iran, la Turquie, les monarchies du Golfe et même Israël, sans oublier Russes, Américains et Européens.

Surtout, toutes les démarches et les initiatives actuelles, qu’elles soient militaires, politiques ou diplomatiques, occultent complétement, voire cyniquement, le peuple syrien.

En effet, chaque acteur présent aujourd’hui en Syrie suit son propre agenda, alimentant encore plus la tragédie de ce peuple martyr.

À commencer par l’Iran qui s’est enfin libéré sur le plan diplomatique après la signature d’un accord sur son nucléaire, renforçant ainsi sa politique de domination sur la région.  Ainsi, à travers l’envoi de combattants chiites (iraniens, irakiens et libanais) en Syrie, Téhéran  vise à maintenir coûte que coûte le régime de Bachar el-Assad pour assurer la pérennité du Hezbollah, son ouverture sur la Méditerranée.

De son côté, l’Arabie saoudite tente désespérément de contrer l’influence iranienne dans le monde arabe à travers son soutien aux rebelles syriens, illustré par la conférence de Riyad qui a eu lieu en décembre et qui visait à unir une opposition fragmentée et déchirée  tant sur le plan idéologique que tactique.

C’est le cas également du Qatar et de la Turquie, qui appuient des opposants proches de leur idéologie politique, à savoir les islamistes, et notamment les Frères musulmans. Ces pays sont en outre accusés de soutenir du moins indirectement l’EI. Dans ce contexte, l’offensive turque contre le terrorisme lancée en juillet dernier après de sanglants attentats en Turquie montre la priorité du pouvoir turc : en intervenant militairement, les Turcs ont attaqué principalement les groupes kurdes proches du PKK comme le PYD, qui constituent actuellement la menace principale pour Ankara appréhendant la création d’un État kurde.

Même scénario pour Moscou, qui s’est invité militairement au conflit syrien en septembre 2015, prétendument pour combattre l’EI après l’attentat contre un avion russe au Sinaï, mais qui cible principalement les groupes d’opposants qui menaçaient directement la région alaouite et pour soutenir son allié Bachar.

Seule la France a timidement frappé quelques cibles de l’UE en Syrie, en réponse aux attentats du 13 novembre, à Paris, qui ont fait près de 130 morts.

En gros, Daech n’est la priorité de personne.

Pour sa part, l’Union européenne (UE) s’est enfin décidée à réagir dès qu’elle a subi de plein fouet l’afflux massif de réfugiés entraînant une crise sans précédent en Europe qui a vu arriver plus d’un million de migrants, dont la plupart sont syriens et irakiens. Toutefois, la seule réponse des Européens a consisté en des manœuvres diplomatiques, notamment avec la Turquie, pour juguler l’émigration vers l’Europe. Là aussi, les Syriens n’ont été qu’un moyen de pression, entre l’UE et Ankara, qui s’est vu promettre une réactivation de son processus d’adhésion en échange d’arrêter le départ des réfugiés vers l’Europe.

C’est également le manque d’intérêt et d’implication des États-Unis dans le conflit syrien qui a laissé un vide énorme dont tous ces acteurs ont essayé de combler, créant ce chaos désormais insupportable. Accusée d’hésitation, voire de lâcheté face au drame syrien, l’administration Obama a finalement opté en 2015 en faveur d’une solution politique. Ainsi, le Conseil de sécurité de l'Onu a adopté le 18 décembre à l’unanimité une résolution qui entérine un ambitieux plan de paix pour la Syrie. Cette résolution s’inscrit dans la lignée de la Conférence internationale de Vienne qui a inclus l’Iran pour la première fois dans les négociations. Néanmoins, la présence à cette conférence de 17 pays n’a que mis en valeur l’absence totale des Syriens, opposants et régime. 

Alors que Bachar el-Assad semble jouer de plus en plus le rôle de figurant sans réel pouvoir, pouvoir partagé actuellement par la Russie et l’Iran, les oppositions syriennes restent divisées, sans légitimité populaire.

Reste le grand absent : le peuple syrien. Les Assad père et fils ont ainsi réussi à occulter complètement la société et la population syriennes depuis plus de 40 ans. Le fameux slogan « La Syrie d’Assad » (« Souriya el-Assad » en arabe) illustre parfaitement comment le régime syrien a toujours su jouer avec les enjeux régionaux pour se maintenir au pouvoir aux dépens du peuple syrien, dont le sort n’intéresse finalement personne.

Les chiffres sont effroyables : plus de 250 000 morts, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). On estime par ailleurs le nombre de disparus entre 100 000 et 200 000. Au moins 4 millions de réfugiés, sans oublier les quelque 7,6 millions de déplacés à l’intérieur même de la Syrie. Ce qui signifie que près de 50 % des Syriens ont été contraints de quitter leurs...