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Le monde en 2015

Scandales, corruption, dopage : l’antipodium…

Une succession inédite d'affaires judiciaires a secoué la planète foot et le monde de l'athlétisme, mettant à mal les valeurs supposées du sport.

Trois petits jours et puis s’en va : alors qu’il vient à peine d’être réélu pour un 5e mandat à la présidence de la Fifa, fin mai, Joseph Blatter annonce sa démission et appelle à l’élection d’un nouveau président lors d’un congrès extraordinaire électif, le 26 février 2016. Cette annonce choc, faite début juin, intervient moins d’une semaine après le séisme qui a jeté à terre le système Fifa. Le 20 juillet à Zurich, c’était censé être la conférence de presse de la rédemption pour Blatter, chargé d’y présenter une série de réformes destinées à « moraliser » le fonctionnement de la Fifa. Mais tout ce qui est resté, c’est l’image de cette pluie de billets, jetée par l’humoriste Lee Nelson, parfaite synthèse du parfum de corruption qui entoure la Fifa depuis que le FBI et la justice suisse se sont penchés sur elle. Fabrice Coffrini/AFP

Plus vite, l’enchaînement des scandales. Plus haut, le niveau de corruption. Plus fort, le scepticisme envers les supposées valeurs du sport. Fifa, dopage en Russie, chantage à la sex-tape... Une succession inédite d’affaires judiciaires a secoué l’année sportive et toutes rebondiront en 2016. « Il y a une énorme pression sur le sport pour qu’il change ses pratiques et devienne plus transparent », observe l’Anglais Patrick Nally, l’un des papes du marketing sportif.

Vous pensiez connaître le vocabulaire du sport sur le bout des doigts ? Révisez vos lexiques, car il a évolué cette année. La feuille de match ? Un mandat d’amener. Le marché des transferts ? Une cascade d’extraditions. Les arbitres ? FBI et juges d’instruction.

Médaille d’or : la Fifa, décapitée par le plus gros scandale qui ait jamais touché une instance sportive. Elle est la plus puissante au monde, quasiment l’égale d’un État, puisque le football est le sport roi. Depuis des années, les soupçons de corruption enflaient, enflaient, jusqu’à ce que les coutures finissent par craquer en mai. L’explosion a été dévastatrice. Des caciques arrêtés au saut du lit dans un palace de Zurich à la demande des États-Unis. Un président, Joseph Blatter, qui, à peine réélu, démissionne sous la pression, est suspendu pour huit ans et mis en examen par la justice suisse. Un dauphin tout désigné, Michel Platini, lui aussi suspendu pour huit ans à cause d’un versement contesté de 1,8 million d’euros. Le nouveau patron de la Fifa sera élu le 26 février et aura bien du mal à reconstruire une crédibilité en ruine.

« Les gens sont dégoûtés par tout ça », assure l’Allemande Sylvia Schenk, spécialiste du sport à l’ONG anticorruption Transparency International. « Certains pensent que rien ne changera jamais et les autres espèrent un changement radical du jour au lendemain, dit-elle. Aucune des deux hypothèses n’est la bonne : ça prendra du temps pour que la Fifa change en profondeur. »

 

Guerre froide

L’étincelle qui a déclenché les enquêtes est l’attribution des Coupes du monde de football 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar. À ce jour, 17 des 24 membres du Comité exécutif en place lors de ce vote en 2010 ont été radiés, suspendus ou inquiétés. Trente-neuf personnes sont pour l’instant mises en cause par la justice américaine, qui juge « inconcevable » le niveau de corruption à la Fifa : selon elle, 200 millions de dollars de pots-de-vin y ont circulé depuis 1991.

Le feuilleton Fifa, mauvais remake des Affranchis de Martin Scorsese ? Pour l’athlétisme russe, c’est plutôt un roman de John Le Carré. Dopage d’État : l’expression renvoie à la guerre froide et à l’ex-RDA. Cette accusation vise pourtant la Russie de Vladimir Poutine, soupçonnée d’avoir mis en place un système de dopage organisé en athlétisme et menacée d’être bannie des Jeux olympiques 2016 dans cette discipline. La bombe tient en 300 pages, celles d’un rapport publié début novembre par l’Agence mondiale antidopage (AMA). Avec des anecdotes à peine croyables, comme ce contrôleur qui fuit par la fenêtre en pleine nuit pour éviter que la police ne fasse disparaître des tests positifs.

Le Sénégalais Lamine Diack, président de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) jusqu’en août, est mis en examen par la justice française, soupçonné d’avoir couvert les tricheurs russes. Ce n’est que le début : la deuxième partie du rapport est attendue début 2016 et pourrait mettre en cause d’autres pays – comme le Kenya – et d’autres sports.

 

Limite

Toutes ces affaires éclatent au grand jour car les pratiques opaques des instances sportives se heurtent à l’exigence de transparence de l’époque. « Par le passé, on ne savait pas, ou plutôt beaucoup ne voulaient pas savoir », juge Sylvia Schenk. Ces institutions sont des multinationales qui brassent des millions, mais fonctionnent avec des structures peu professionnelles héritées de l’après-guerre, avant l’afflux massif d’argent dans le sport grâce à la télévision. Conflit d’intérêts, lobbying, corruption : les lignes jaunes y sont floues.

Le nouveau président de l’IAAF, l’Anglais Sebastian Coe, a ainsi dû renoncer à son contrat d’ambassadeur de Nike après avoir été accusé de conflit d’intérêts dans l’attribution des Mondiaux d’athlétisme 2021 à Eugene, aux États-Unis, ville d’origine de la marque américaine. Là encore, la justice française enquête. L’organisation du Mondial 2006 de foot par l’Allemagne est également entachée de soupçons de corruption : « On est allé à la limite » pour l’obtenir, a avoué l’icône Franz Beckenbauer, alors patron du comité de candidature. Mais où est la limite ?

« Après ce coup de projecteur sur la Fifa et l’IAAF, ça va être le tour d’autres fédérations », prédit Patrick Nally.

Question scandale, l’équipe de France de football a fait très fort. Sa vedette, Karim Benzema, est mise en examen dans l’affaire de chantage à la sex-tape contre une autre star des Bleus, Mathieu Valbuena. Sexe, argent, humiliation, justice... Ce cocktail fangeux est inédit dans une sélection nationale. Et trop amer à avaler pour l’opinion : Benzema a été écarté de l’équipe de France et manquera sans doute l’Euro à domicile.

Les affaires n’empêchent pas le sport de (bien) se vendre. Il n’y en a jamais eu autant à la télévision et les droits de retransmission du foot explosent : 6,9 milliards pour le championnat anglais et 2,65 milliards pour la Liga espagnole sur leur marché domestique entre 2016 et 2019. Car côté terrain, 2015 a également été illuminée par des moments de grâce ! Le deuxième titre mondial d’affilée des All Blacks, qui ont ensuite porté le deuil de Jonah Lomu, star planétaire du rugby. Sans oublier les coups de génie du FC Barcelone de Messi, Neymar et Suarez. L’Euro 2016 ou les JO de Rio promettent aussi leur lot de frissons l’été prochain.

La vitrine du sport reste donc belle. Mais difficile désormais de l’admirer sans se demander ce qui se trame dans l’arrière-boutique…

Plus vite, l’enchaînement des scandales. Plus haut, le niveau de corruption. Plus fort, le scepticisme envers les supposées valeurs du sport. Fifa, dopage en Russie, chantage à la sex-tape... Une succession inédite d’affaires judiciaires a secoué l’année sportive et toutes rebondiront en 2016. « Il y a une énorme pression sur le sport pour qu’il change ses pratiques et devienne...