À la veille de Noël, le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a transmis ses vœux aux Libanais, dans un message où il a passé en revue certains des grands blocages de la vie politique, ainsi que les composantes du compromis politique lancé par Saad Hariri, comme la loi électorale. Mais le chef de l'Église maronite a tenu à insuffler un espoir de sortie de crise aux chrétiens et aux musulmans qui fêtent tous deux la naissance du fondateur de leur foi religieuse. Concrètement, le patriarche a appelé à une loi électorale qui « empêche que des députés soient imposés à leur communauté par la force des blocs confessionnels », une condition qu'il formule ainsi pour la première fois, et qui met définitivement fin à toute velléité de ressusciter la loi électorale de 1960. Par ailleurs, se faisant l'écho des craintes d'implantation des réfugiés syriens au Liban, le patriarche a plaidé pour leur retour « obligatoire » en Syrie.
« Nous présentons nos vœux aujourd'hui aux musulmans et aux chrétiens, sachant que cette année, les fêtes de Noël et de la naissance du Prophète coïncident », a indiqué d'emblée le patriarche Raï, dans son message traditionnel de Noël, retransmis en direct par les médias audiovisuels. « Nous présentons nos vœux également à ceux qui souffrent des conflits en Syrie, en Irak et en Terre sainte », a-t-il ajouté, en affirmant sa détermination à « porter le message (de l'Église) face au terrorisme et au takfirisme ».
Du désespoir à l'espérance
Sur le plan interne, le chef de l'Église maronite a souhaité « que les blocs politiques offrent aux Libanais l'élection d'un président de la République, afin de leur permettre de passer du stade du désespoir et de l'inquiétude à celui de l'espérance et de la paix ».
« Le patriarcat a mis entre les mains des décideurs politiques trois documents, qui représentent autant de feuilles de route, en vue d'édifier un État de droit moderne, capable et productif, fondé sur une démocratie saine et qui respecte l'égalité entre tous ses citoyens », a rappelé le prélat, avant d'exposer les grandes lignes et la finalité de chaque document et de regretter le peu d'attention accordée par les dirigeants à ces textes. « L'enthousiasme qu'ils ont provoqué a été étouffé par les intérêts mesquins et bloqué par l'incapacité à prendre des décisions courageuses et libres », a déploré le chef de l'Église maronite.
« Pourquoi un accord global ? »
« Il faut élire un président immédiatement. Il s'agit d'une responsabilité nationale générale qui ne relève pas seulement des chrétiens ou des maronites en particulier. Il est le chef de l'État, pas le représentant d'une communauté », a martelé Mgr Raï, avant d'appeler les blocs politiques et parlementaires à « se pencher sérieusement sur la nouvelle initiative avancée pour l'élection d'un président », en allusion à la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié. « Elle est sérieuse, comme le montre la réaction positive qu'elle a suscitée dans les milieux financiers et bancaires, ainsi que la nouvelle dynamique qu'elle a suscitée au niveau des rapports entre le 14 Mars et le 8 Mars », a affirmé Mgr Raï. « Les blocs parlementaires et politiques doivent l'examiner et prendre la décision de se rendre au Parlement afin d'élire un président. Pourquoi évoquer un accord global ou un "package deal" et le lier à l'élection présidentielle ? » s'est interrogé le prélat, qui a rappelé les principales fonctions d'un chef de l'État.
Il a ensuite appelé le Parlement à élaborer une nouvelle loi électorale « qui soit conforme au pacte national ». « Cette loi doit assurer une juste représentativité, une transparence des élections, un vote libre, et empêcher que des députés ne soient imposés à leurs communautés respectives, par la force de blocs confessionnels », a-t-il fait remarquer, en jugeant inadmissible que le Parlement tarde à élaborer cette loi « sur base de laquelle les législatives doivent être organisées au début du mandat du nouveau président ».
« Enfin, le gouvernement doit assumer ses responsabilités, en conformité avec la Constitution. Mais ce gouvernement fait face à de nombreuses difficultés en raison de la vacance à la présidence. Toutefois, il doit assumer ses fonctions au niveau de la question des réfugiés, et le poids que cela implique pour le pays », a insisté Mgr Raï.
L'expression « de leur plein gré » inacceptable
Le patriarche maronite s'est arrêté ensuite sur le problème des réfugiés syriens, estimant que le gouvernement ne peut pas l'ignorer : « Ils étaient un million et demi l'an dernier. Ce chiffre a ensuite augmenté du quart en raison des naissances, et le nombre des écoliers syriens est passé à 400 000 », a-t-il rappelé, en citant ainsi les résultats d'un récent colloque parlementaire sur la question. À cet effet, il a souligné : « Nous sommes solidaires, au niveau humanitaire, avec nos frères réfugiés, mais nous craignons que s'ils restent au Liban pour une période prolongée, ils soient exploités par les intégristes et les organisations terroristes en vue de porter atteinte à la sécurité et à la stabilité du pays, et se retrouvent contraints de commettre des crimes pour gagner de l'argent, tout en créant le chaos et en déstabilisant la société. »
Commentant la résolution 2 254 du Conseil de sécurité de l'Onu sur la crise syrienne, le chef de l'Église maronite a salué cette décision. Toutefois, il a fait savoir que le retour des réfugiés doit être obligatoire. « Nous n'acceptons pas le terme "de leur plein gré", car ces réfugiés doivent regagner leur pays. »
La disposition dont il s'agit stipule qu'il importe au plus haut point au Conseil de sécurité de l'Onu de créer des conditions permettant aux réfugiés et aux personnes déplacées de retourner « de leur plein gré » et en toute sécurité dans leur région d'origine, et aux régions touchées de se relever, conformément au droit international, notamment aux dispositions de la convention et du protocole relatifs au statut des réfugiés, et en tenant compte des intérêts des pays qui accueillent des réfugiés.
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commentaires (4)
PATRIARCHE RAÏ... DITES FRANCHEMENT CE QUE VOUS EN PENSEZ ET NE LAISSEZ PAS D'ESPACE POUR L'ÉQUIVOQUE. NOMMEZ LES CHOSES PAR LEURS NOMS...
LA LIBRE EXPRESSION
14 h 17, le 26 décembre 2015