L'arrivée en tête du Front national au premier tour des élections régionales dans un contexte où le discours politique est dominé par l'obsession sécuritaire était un véritable camouflet pour le Parti socialiste au pouvoir comme pour les Républicains. Au second tour, il faudra recourir à la pléthore verbale générale anti-FN et les manœuvres stratégiques risquées du PS pour parvenir à contrecarrer le parti d'extrême droite. Cette situation est-elle le signe d'un déficit politique structurel ? Réponses avec l'intellectuel et essayiste belge Jean Bricmont.
Suite à l'échec du Front national à ce second tour, peut-on parler de sursaut républicain ?
Oui, si l'on veut. Ce résultat n'a rien de surprenant. Comme en 2002, nous avons assisté à une mobilisation intense des élites politiques et intellectuelles et des médias pour faire barrage aux candidats frontistes. Nous avons également eu des désistements de la gauche au profit de la droite dans le Nord et dans le Sud, une augmentation du taux de participation, etc. On remarque que le Parti socialiste a joué à un jeu très dangereux puisqu'à l'avenir, il pourrait être amené systématiquement à s'effacer au deuxième tour devant les Républicains. Mais en réalité, il faut surtout voir que l'agitation d'une menace « fasciste » qui viendrait du Front national vise surtout à légitimer les partis traditionnels. Si l'accession au pouvoir du FN est une mauvaise chose, il n'est pas vrai qu'elle engendrerait une dynamique fasciste, c'est une magnification du danger frontiste.
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Après cet épisode, risque-t-on d'assister à des réajustements ou des changements réels de ligne politique de la part des états-majors du PS et des Républicains ?
C'est impossible, il ne peut pas y avoir de changement de fond. Ce que l'on a tendance à négliger dans les analyses, c'est que la France n'est plus un pays souverain, elle fait partie de ce grand ensemble qu'est l'Union européenne, elle a perdu sa souveraineté sur le plan monétaire depuis 2002. La France a également réintégré l'Otan sous la présidence de Nicolas Sarkozy, ce qui restreint sa marge de manœuvre et lui impose un ensemble de contraintes, notamment en matière de politiques économique et sociale. Quelle que soient les réformes entreprises, elles s'inscrivent dans le cadre de la libéralisation économique et des politiques de rigueur imposées dans le cadre européen. Aujourd'hui, on constate qu'il n'y a pas de clivage idéologique entre le PS et les Républicains ou de visions politiques antagonistes portant sur un projet de société. Seul le discours reflète une différence entre les partis. Chez certains, il est plus violent dans l'affirmation des valeurs identitaires françaises qui servent à produire du symbolique. En dehors de cela, il n'y a pas d'alternative réelle.
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Quel est le potentiel électoral du FN désormais ?
C'est difficile à dire. Jusqu'ici, le FN n'a jamais remporté de régions, ses conquêtes se jouent sur le terrain des élections municipales. À chaque fois que le FN monte en puissance, une stratégie collective de lutte contre le parti est déployée. Le problème c'est qu'à force de faire de ce parti la menace unique et centrale qu'il faut contrer par le vote utile, sans présenter d'alternative, tous les mécontents finiront à terme par se tourner vers cette formation politique.
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commentaires (3)
ILS PAYERONT LE PRIX... SI... ILS VONT DORMIR SUR LEURS FAUX LAURIERS...
LA LIBRE EXPRESSION
14 h 41, le 14 décembre 2015