L'entrevue entre le chef du bloc du Changement et de la Réforme, Michel Aoun, et celui des Marada, Sleiman Frangié, à Rabieh mercredi, a mal tourné. Que ce soit dans la forme ou dans le fond, la rencontre entre les deux leaders chrétiens – tous deux candidats à la présidentielle – n'a donné aucun résultat concret, chacun ayant maintenu sa position de principe lors d'un échange tendu, comme le confirment des sources concordantes des deux bords.
Devant son visiteur, le général Aoun a assuré qu'il est « toujours candidat », soulignant avoir encore « un espoir » d'accéder à Baabda. À cela, M. Frangié a répondu que si c'est le cas, il continuera de le soutenir. « Mais que faire si vous n'y arrivez pas ? » lui a demandé le chef des Marada, qui est sorti « mécontent » de la réunion, rapportent des milieux proches du leader de Zghorta.
Des sources informées ont d'ailleurs fait état de propos acerbes adressés par M. Frangié au chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, qui était présent à la réunion, notamment pour ce qui est de la position affichée par ce dernier sur la candidature du chef des Marada, qu'il avait qualifié de simple « membre du bloc » et non d'« allié ».
Les échanges qui ont suivi ont porté sur une série de clarifications réclamées par M. Aoun sur certains dossiers avant de demander à M. Frangié s'il « compte prendre les rênes du pouvoir sans le CPL et le Hezbollah ».
Le message était bien clair : le locataire de Rabieh ne se désistera pour personne tant qu'il continue de jouir du soutien du parti chiite. Du coup, le pari placé sur l'appui escompté du 8 Mars à la candidature du chef des Marada est tombé, assurent les milieux aounistes à qui veut les entendre.
En effet, on continue d'affirmer du côté de Rabieh que la solution-compromis initiée par le chef du bloc du Futur, Saad Hariri, n'est autre qu'une manœuvre visant à porter un coup aux différentes composantes du 8 Mars, en ciblant le Hezbollah ainsi que le général Aoun dont on chercherait à briser le prestige et à porter atteinte à la popularité. Dans la même logique, on avance l'idée que le parrain du compromis présidentiel sait pertinemment que le parachutage de M. Frangié à Baabda ne permettrait en aucun cas l'arrivée concomitante de M. Hariri à la tête du gouvernement et que seul Michel Aoun est le candidat dit « fort » sur la scène chrétienne.
Selon une figure de proue du 14 Mars, le Hezbollah se trouve aujourd'hui dans l'embarras, pris en tenailles entre son attachement à Michel Aoun qui refuse de se désister et l'insistance de M. Frangié à ne pas rater sa chance d'accéder à la présidence.
Le parti chiite préfère ainsi observer un mutisme dans une tentative de fuite en avant qui lui éviterait de prendre position dans un sens comme dans un autre. Des sources proches du 8 Mars tiennent à rappeler à ce propos le « package deal » suggéré par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, à savoir l'élection présidentielle, la constitution d'un gouvernement et la loi électorale. Des requêtes qui se sont affinées avec le temps, le parti ayant apporté plus de précisions relatives à ce panier de revendications, à savoir l'adoption de la proportionnelle, la répartition des portefeuilles ministériels et des quotes-parts dans les nominations et une entente préalable sur le dossier du gaz, les armes du parti, voire même un accord sur la question épineuse du Tribunal spécial pour le Liban. Autant de conditions qui expliquent les doutes émis dans les milieux du 8 Mars qui se disent sceptiques quant à l'acception du parti chiite du compromis Frangié dans sa forme actuelle, soit avant un examen préalable des détails et avant de pouvoir convaincre son allié Michel Aoun de la transaction finale.
Une chose est certaine : toutes les parties en présence, que ce soit au sein du 8 ou du 14 Mars, se trouvent désarçonnées, d'autant que les échéances régionales font pression sur l'ensemble des protagonistes. C'est ce qui a poussé un membre influent du CPL à se rendre dans un pays du Golfe pour expliciter le refus de M. Aoun d'avaliser la candidature de M. Frangié, espérant faire parvenir le message, par ricochet, à l'Arabie saoudite. La réponse des interlocuteurs est venue claire et limpide, à savoir que la décision revient aux seuls Libanais et plus précisément aux leaders chrétiens. Une position répercutée par certains milieux diplomatiques qui persistent à dire que les puissances extérieures n'ont pas de préférence pour un candidat ou un autre, encore moins de veto, soulignant qu'elles n'interféreront pas dans le processus et le choix. Ces milieux accusent les leaders chrétiens de faire obstacle à l'élection de M. Frangié sans avancer une solution de rechange.
À ce titre, les milieux du Hezbollah assurent également que l'Iran n'a rien à voir avec cette échéance, qui reste une affaire libanaise interne, et insistent pour dire que le parti jouit d'une liberté de décision inconditionnelle. De retour d'Iran où il effectuait une visite, le ministre Ali Hassan Khalil a reflété une position de soutien de la République islamique à l'échéance présidentielle en tant que telle, tout en encourageant les Libanais à convenir entre eux d'un candidat.
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commentaires (6)
Iznogoud-Aoun parano, parano et mégalo comme toujours. Sa mauvaise foi est mise à jour. C'est moi ou personne même si le ciel nous tombe sur la tête! Or il n'y parvient pas à cette présidentielle le pauvre bougre!
Dounia Mansour Abdelnour
12 h 30, le 11 décembre 2015