En choisissant vendredi de ne rien changer à sa stratégie actuelle, malgré les excédents pesant sur le marché, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a opté pour un attentisme bénéfique à ses plus gros producteurs mais qui en dit aussi long sur ses divisions internes.
Fidèle à la position adoptée un an plus tôt et maintenue en juin, le cartel a ainsi décidé, au terme d'une réunion particulièrement longue à Vienne, de maintenir sa production à ses niveaux actuels, sans toutefois annoncer explicitement qu'il relevait son plafond de production. Alors que ce dernier a été reconduit à 30 millions de barils par jour (mbj) lors de la précédente réunion du cartel, il est dans les faits largement dépassé par ses membres et se situe actuellement, d'après plusieurs études, aux alentours de 32 mbj.
« Nous n'avons pas jugé nécessaire de donner des chiffres dans le communiqué », a fait savoir le ministre nigérian du Pétrole Emmanuel Ibe Kachikwu, à l'issue de la réunion, précisant que, s'il fallait en donner un, « ce serait le niveau de production actuel » du cartel. Tout en reconnaissant que le niveau réel de sa production dépassait le quota qui avait été approuvé parmi ses membres, le cartel a jugé vendredi que « réduire ce niveau n'allait pas avoir beaucoup d'effet sur le marché ».
La chute des cours du brut, qui ont perdu plus de 60 % de leur valeur depuis la mi-2014, est pourtant en grande partie imputable à l'offensive commerciale de l'Opep, et notamment de son chef de file, l'Arabie saoudite, qui inonde le marché d'or noir pour contrer l'essor des hydrocarbures de schiste aux États-Unis.
« Gagner du temps »
« L'Opep ne produit qu'environ 35 à 40 % de la consommation mondiale. Nous avons besoin de nous adresser aussi aux pays non membres de l'Opep afin qu'ils nous rejoignent dans cette volonté de stabilité (des prix) », a ainsi argué le ministre nigérian du Pétrole, qui préside l'organisation cette année.
« Je crois que l'Arabie saoudite essaie de gagner du temps et que la prise en compte de la hausse de la production ne se fera qu'a posteriori, potentiellement en juin (NDLR : date prévue pour la prochaine réunion du cartel) à l'occasion du relèvement du plafond », a noté Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque.
Avec l'arrivée imminente de l'Iran sur le marché, qui n'a cessé de répéter qu'il ne laisserait en aucune façon l'Opep l'empêcher d'augmenter sa production une fois les sanctions occidentales levées, et le retour de l'Indonésie au sein du cartel, le moment serait en effet mal choisi pour les pays du Golfe de renoncer aux parts de marché qu'ils se sont si désespérément efforcés de conserver au cours de l'année écoulée.
Selon Abhishek Deshpande, analyste chez Natixis, si le Venezuela et l'Algérie, qui souffrent particulièrement de la baisse des cours du pétrole, appellent à des réductions de production, ce n'est pas le cas de l'Iran, de l'Irak ou encore de l'Arabie saoudite, qui ont tout intérêt à maintenir une production élevée car celle-ci leur permet, d'une part, de s'assurer des parts de marché plus importantes quand les prix repartiront et, d'autre part, de vendre davantage car les cours sont très bas.
« Étant donné les circonstances actuelles, le meilleur résultat pour l'Opep pourrait en fait être que les prix restent déprimés un peu plus longtemps », a abondé Fawad Razaqzada, analyste chez Gain Capital trading Group.
Ainsi, pour M. Deshpande, seul un baril restant durablement en dessous de 40 dollars permettrait de mettre réellement à mal la résistance du pétrole de schiste américain en compromettant les investissements dans ce secteur.