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Moyen Orient et Monde - Décryptage

COP21, l’impasse du traitement inégalitaire ?

Derrière un fragile consensus planétaire, la concrétisation des objectifs en matière de lutte contre le réchauffement climatique se heurte aux intérêts nationaux des États. La 21e Conférence des parties signataires de la Convention sur le climat (COP21) qui se tient à Paris jusqu'au 11 décembre est présentée comme une étape décisive du processus de négociations pour parvenir à un « accord ambitieux et contraignant » à partir de 2020. Afin de tirer les conséquences du cinquième rapport alarmant du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) paru en novembre 2014 (qui projette une hausse de la température jusqu'à 4,8° C pour la période 2081-2100, par rapport à la moyenne de 1986-2005), l'enjeu fondamental des négociations internationales sur le climat est de limiter le réchauffement à +2° C maximum en 2100. Or, les points de blocage sont nombreux si l'on tient compte de la difficulté à mettre en place des mécanismes contraignants, de la question du financement des mesures d'adaptation aux évolutions climatiques et de celle de la répartition équitable des efforts en matière de lutte contre le réchauffement alors que l'économie mondiale est très hétérogène et que les États ne sont pas tous au même stade de développement.

 

(Lire aussi : « Pour les pays arabes, ce genre de sommet, c'est des vacances » )

 

Double dépendance
Dans ce contexte, la contradiction entre politiques de lutte contre le réchauffement et intérêts économiques est difficilement dépassable pour les pays dont l'essentiel des ressources repose sur la rente énergétique. Depuis 1990, le GIEC a établi que l'augmentation des concentrations de dioxyde de carbone dans l'atmosphère est due à la consommation d'énergie fossile. Et la production et l'utilisation du pétrole ont contribué massivement aux émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). Or, pour les pays dont l'essentiel du PIB repose sur les énergies carbonées, la stratégie de lutte internationale contre le réchauffement climatique se heurte de plein fouet à leurs intérêts économiques. Si, par le passé, l'hypothèse de la raréfaction des ressources de combustibles fossiles pouvait constituer un argument acceptable pour minimiser le problème, avec l'essor de la production de gaz et de pétrole de schiste, le discours des partisans d'une solution spontanée par l'épuisement progressif des ressources de combustibles fossiles est de moins en moins audible. La lutte contre le réchauffement devrait donc préoccuper les pays producteurs de pétrole, dont certains sont directement menacés par le changement climatique, comme le montre l'étude américaine menée par des scientifiques du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et de l'Université de Marymount, et publiée dans la revue Nature Climate Change en octobre 2015, concluant que la plupart des villes des pays du golfe Arabo-Persique pourraient devenir d'ici à la fin du siècle inhabitables en raison de pics de température trop élevés, si rien n'est fait pour réduire quantitativement le volume d'émissions de GES.


Or ces politiques de lutte contre le réchauffement ont un coût économique et technologique très élevé. Pour certains pays, la rente et l'exportation des ressources pétrolières constituent la principale source de revenu de l'État avec des implications fortes dans la régulation des rapports sociaux, dans la mesure où l'affectation prioritaire de la rente à la consommation permet d'acheter la paix sociale. Mais les effets pervers de ces modèles économiques sont connus et enferment souvent les pays dans une double dépendance économique et technologique, puisque la technologie est également importée et consommée, en l'absence d'appropriation du savoir-faire technologique par la mise en place de politique de remontée de ces filières.
Dans ces conditions, sur quelles bases fonder le consensus en matière de politiques de lutte contre le changement climatique ? Comment susciter l'adhésion des pays qui vivent de la rente des hydrocarbures en leur demandant de supporter les coûts liés aux ajustements économiques ? Le choix d'un instrument de régulation des quantités de GES émises a également un coût technologique, et certains pays ne disposent pas des techniques les plus efficaces pour lutter contre le réchauffement. Les clivages et les enjeux politiques et idéologiques restent donc de taille.

 

(Lire aussi : Le dérèglement climatique, facteur d'aggravation des conflits)

 

Attitude ambiguë
Comme le souligne l'économiste Georges Corm, ancien ministre, consultant auprès de divers organismes internationaux et professeur d'université, « ces pays devraient avoir pour politique une baisse de la dépendance à la rente et développer l'industrialisation. Il faut distinguer parmi les pays de la péninsule Arabique qui se sont industrialisés et les autres. Si certains, comme l'Arabie saoudite, ont développé leur industrie, ils se sont engagés essentiellement dans la pétrochimie, une industrie polluante et dépendante des marchés extérieurs ». Si le professeur Georges Corm souligne la nécessité des objectifs fixés par la COP21, il relève qu'une des dimensions du problème réside dans le procès fait par les pays industrialisés qui ont une responsabilité historique lourde dans le réchauffement climatique aux pays émergents et en voie de développement. « On regarde la pollution en termes globaux au lieu de la diviser par le nombre d'habitants, on s'apercevrait alors que la Chine pollue dix fois moins que les États-Unis », note-t-il. Mais le nœud du problème reste la société de marché dans laquelle l'environnement est appréhendé comme une catégorie économique parmi d'autres, et où la débâcle environnementale offre de nouvelles opportunités à la raison économique. « Tant que l'on est dans cette atmosphère néolibérale, je reste sceptique. Kyoto (le protocole adopté en 1997) a abouti à un marché de vente et d'achat des droits pollueurs », rappelle-t-il. L'attitude ambiguë des pays industrialisés n'échappe pas aux pays en voie de développement qui refusent de faire des concessions qui affectent leurs intérêts économiques au nom de la lutte contre le réchauffement climatique. Un changement de fond est difficilement envisageable en l'absence d'une remise en cause structurelle des systèmes de consommation et de production dans les pays industrialisés, et une identification des causes et des responsables.

 

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