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Liban - Loisirs

Une journée sans voiture à Mar Mikhael témoigne, encore une fois, d’une joie de vivre toute libanaise

Des centaines de personnes ont pris part à l'événement, dimanche. Contrairement à toutes les craintes nourries par le double attentat de Bourj el-Brajneh, il y a dix jours, la fête de rue a été un franc succès.

Des centaines de personnes ont investi Mar Mikhael pour s’adonner aux petits plaisirs d’une journée sans voiture. Photo Marwan Assaf

Dimanche, la rue d'Arménie à Mar Mikhael est noire de monde. Au milieu de la foule, un poste radio émettant des sons brouillés à la main, Carole Babikian Kokoni essaye de se frayer un passage parmi les gens qui bloquent la rue. Dans quelques minutes, la danseuse Pia Afif va donner un cours de Zumba sur une scène aménagée à l'autre bout du quartier et Carole doit absolument être là-bas pour s'assurer que tout se déroule comme prévu.


Un peu plus tard, quand la musique monte et que le public agglutiné devant la scène commence à se déhancher, Carole peut enfin souffler. Il est 14h, et la huitième édition du Car-Free Day à Mar Mikhael, journée sans voiture durant laquelle la rue principale du quartier est exclusivement réservée aux piétons et aux vélos, est un succès : les stands de nourriture et de produits divers qui longent cette artère, de l'ancienne gare jusqu'au bâtiment d'EDL, sont entourés de monde. Les murs des immeubles vibrent au son de la musique, des enfants dessinent, assis sur le trottoir et sur les bancs que les pubs et les restaurants du quartier ont posés sur l'asphalte. L'ambiance est festive. Tout va bien.


Présidente de l'initiative écologiste et non partisane « Achrafieh 2020 », fondée par le député Nadim Gemayel en 2012, avec pour but d'améliorer la qualité de vie dans ce quartier de Beyrouth, Carole Babikian Kokoni est responsable de l'organisation de cette journée sans voiture. Même si son équipe a déjà géré huit éditions, son soulagement au terme d'une journée qui s'est déroulée sans problème, sous un temps splendide, est perceptible. C'est que la fête a été quand même préparée dans une ambiance tendue. Prévue initialement pour le dimanche 15 novembre, elle a été repoussée d'une semaine à la suite du double attentat de Bourj el-Brajneh qui avait fait 43 morts et plus de 200 blessés au sud de Beyrouth. « Cet attentat nous a vraiment touchés. Nous ne pouvions pas, trois jours plus tard, faire comme si rien ne s'était passé. On a la résilience mais pas l'insolence. Nous voulions rester solidaires et en prière avec les victimes », explique Carole.


Une semaine plus tard, l'incertitude était toujours de mise, car la vague de terreur qui a frappé Beyrouth et Paris soulevait des questions de sécurité. Dans un contexte de menaces d'attentat constant, n'était-il pas risqué de réunir des centaines de personnes dans une rue ? L'ambassade de France avait par exemple recommandé à ses ressortissants d'éviter la fête à Mar Mikhael. Carole Babikian Kokoni peut comprendre : « Bien sûr, nous avons peur aussi. Nous avons toujours peur, nous vivons dans la peur. Et nous avons entendu dire qu'il y avait des menaces, mais nous n'aimons pas céder à la peur. Pour la sécurité, nous avons contacté les autorités et nous avons renforcé les mesures de protection. Maintenant, nous espérons que Dieu nous protégera, que tout va bien et que nous allons avoir tous une belle journée », dit-elle, avant de s'échapper à nouveau dans la foule.

 

Une ambiance comme à Berlin ou Copenhague
Même si elle existe dans l'absolu, cette peur n'est guère présente. C'est tout le contraire : l'ambiance est si pacifique et détendue, qu'on se croirait presque dans un paradis écologique à l'européenne. Un groupe de musiciens joue la version acoustique d'une chanson de Coldplay sous le soleil doré de cette fin d'après-midi, pendant que des filles dansent au rythme de la musique. Des jeunes garçons en T-shirts moulants font des selfies autour d'une table couverte de bières. Des fermières voilées vendent leur miel organique. Des pères de famille portent leurs enfants sur les épaules. Pendant une journée, Mar Mikhael pourrait se situer à Berlin ou Copenhague.


« Je pense que l'ambiance cette année est même meilleure que celle des années précédentes, commente Khaled, pendant qu'il prépare des brochettes de viande sur un gril fortement enfumé. C'est peut-être aussi une sorte de réaction à ce qui s'est passé. Nous allons dans la rue, nous montrons que nous sommes là et nous continuons à vivre. » Ce sentiment est confirmé par Carole Babikian Kokoni qui affirme que, malgré les événements des derniers jours, « il n'y a que deux locataires de stand qui se sont retirés. Tous les autres ont décidé de participer à cette journée, malgré la situation difficile », explique-t-elle, avant de marquer une pause : « Vous savez, c'est peut-être ce que les gens cherchent dans les moments difficiles. Ils veulent sortir, rencontrer des amis, pouvoir se balader dans la rue, écouter de la musique et passer une bonne journée. Cela ne veut pas dire qu'ils oublient le reste. Mais, aujourd'hui, ils veulent simplement savourer ce que la vie offre de bon », dit-elle.

 

Une occasion pour les ONG de se montrer
À Mar Mikhael, les bonnes choses servent aussi les bonnes causes. La journée sans voiture n'est pas seulement une grande fête, mais donne l'occasion à plusieurs ONG de se présenter au public, comme le groupe « Recycle Beirut », qui tente de combiner le recyclage des déchets avec un programme d'emploi pour des réfugiés. Ou l'initiative « One Lebanon » qui lutte contre les clivages communautaires dans le pays et dont les bracelets et T-shirts à l'effigie du drapeau national semblent être spécialement populaires dans ce temps d'incertitude et de crise.
Vers 21h, quand les travailleurs démontent les stands et que les voitures commencent à réinvestir la rue, l'impression d'avoir témoigné d'un Beyrouth vivant et coloré, qui refuse de se laisser abattre par la crise et le terrorisme, reste très forte.

 

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Dimanche, la rue d'Arménie à Mar Mikhael est noire de monde. Au milieu de la foule, un poste radio émettant des sons brouillés à la main, Carole Babikian Kokoni essaye de se frayer un passage parmi les gens qui bloquent la rue. Dans quelques minutes, la danseuse Pia Afif va donner un cours de Zumba sur une scène aménagée à l'autre bout du quartier et Carole doit absolument être là-bas...

commentaires (1)

Bravo,pour ce grand courage, belle démonstration!

Beauchard Jacques

10 h 49, le 24 novembre 2015

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Commentaires (1)

  • Bravo,pour ce grand courage, belle démonstration!

    Beauchard Jacques

    10 h 49, le 24 novembre 2015

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