Deux explosions à 24 heures d'intervalle presque au même endroit : la coïncidence est trop étrange pour ne pas être retenue. Jeudi, une moto piégée a explosé près du lieu de réunion du Rassemblement des ulémas du Qalamoun, à Ersal, faisant plus de sept morts parmi les dignitaires religieux musulmans. Vendredi, une charge a explosé au passage d'une patrouille de l'armée libanaise, faisant 5 blessés légers parmi les soldats à quelques mètres du lieu de l'attentat de la veille.
Dans le premier cas et en dépit des accusations toutes prêtes avancées par certaines figures du courant du Futur contre le Hezbollah et le régime syrien, une source sécuritaire libanaise a évoqué la piste de Daech, sachant que le Rassemblement des ulémas du Qalamoun, qui regroupe essentiellement des dignitaires religieux syriens, est proche du Front al-Nosra. Ce front, qui est bien implanté dans le jurd de Ersal et en particulier dans les camps de réfugiés syriens installés dans ce secteur, avait choisi de pacifier la zone pour ne pas mettre en danger les réfugiés surtout face aux mesures de sécurité strictes imposées par l'armée. Or, de plus en plus coincés par la progression de l'armée syrienne aidée par le Hezbollah dans la région de Zabadani, les combattants de Daech souhaiteraient s'étendre vers le jurd de Ersal et dans les camps de réfugiés syriens dans cette zone. Pour cette raison, ils auraient donc exécuté cet attentat dans le but d'affaiblir le Front al-Nosra dans la région de Ersal et de son jurd pour pouvoir s'y implanter. D'ailleurs, selon la source sécuritaire précitée, le responsable de Daech dans la région du Qalamoun, Ahmad Ammoun, aurait été vu à Ersal même quelques jours avant l'attentat contre le Rassemblement des ulémas, dans une mission supposée de repérage des lieux. Selon la même source, c'est la piste actuellement privilégiée par l'enquête.
Mais le second attentat, 24 heures plus tard, a compliqué les faits. Il ne s'agit plus d'une lutte interne entre le Front al-Nosra et ses alliés, d'une part, et Daech, de l'autre, pour se doter d'un espace géographique et des moyens logistiques dans la région de Ersal et de son jurd, mais bien d'un message clair à l'armée libanaise et à travers elle aux autorités de ce pays.
Selon la source sécuritaire libanaise, il est probable que Daech, qui reste le principal suspect, ait voulu adresser un avertissement à l'armée de ne pas regarder de trop près ce qui se passe à Ersal et dans ses environs, parce qu'il compte s'installer dans cette région et y imposer directement ou non sa loi. En même temps, cet attentat montre que les auteurs ont une certaine liberté de manœuvre au sein de la bourgade. Dans le cas du premier attentat, on pouvait dire qu'il s'agissait d'une lutte interne entre les deux factions rivales de l'opposition extrémiste syrienne, et, par conséquent, les services de sécurité libanais, en principe présents à Ersal, pouvaient ne pas s'en mêler. Mais là il s'agit d'un attentat contre une patrouille de l'armée dans un quartier qui n'est pas central.
À travers cet attentat, les groupes armés annoncent leur volonté non seulement de contrôler Ersal et ses environs, mais aussi de rouvrir le dossier sécuritaire d'abord dans cette zone, mais peut-être aussi dans d'autres régions du Liban, après une période plus ou moins longue de calme relatif. La théorie basée sur la fermeture de la frontière libanaise face aux groupes armés syriens est ainsi ébranlée dans le secteur particulièrement sensible de Ersal et de son jurd, qui ont longtemps constitué un foyer de tension entre sunnites et chiites dans la Békaa du Nord, ainsi qu'un lieu de confrontation entre l'armée et les groupes extrémistes syriens. On avait cru ce dossier fermé, il n'était que mis en veilleuse et il s'impose de nouveau sur la scène libanaise, dans un contexte de paralysie quasi générale des institutions.
Le spectre de la déstabilisation sécuritaire refait donc son apparition sur fond de tensions politiques et confessionnelles, et le principal, sinon l'unique acquis du dialogue entre le courant du Futur et le Hezbollah, sous la houlette de Aïn el-Tiné, est ainsi remis en question. Pourtant, les deux camps continuent d'affirmer qu'il n'est pas question de suspendre ce dialogue, et « le coup de gueule » du ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk, qui avait à un moment menacé de ne plus y participer, a été surmonté. Plus même, les échos de la dernière réunion des représentants des deux camps ont été positifs et le communiqué officiel a parlé de « discussions franches et profondes », au sujet notamment du plan de sécurité dans la Békaa. Selon Nouhad Machnouk, le Hezbollah n'était pas en train de faciliter l'arrestation des repris de justice chiites dans la région, alors que ce parti avait répondu que les forces de l'ordre attendaient de lui qu'il entreprenne lui-même les arrestations, alors que ce n'est pas son rôle, ajoutant qu'il souhaite au contraire que les malfaiteurs et autres criminels de droit commun soient arrêtés, car ils constituent un poids lourd pour lui. Les résultats de cette « discussion profonde » ne se sont pas encore concrétisés, mais il faut désormais parer au plus pressé, c'est-à-dire empêcher une déstabilisation à Ersal et de ses environs, qui aurait des conséquences sur l'ensemble du pays. Officiellement, la décision internationale de préserver la stabilité du Liban est toujours valable. Mais Daech pourrait bien avoir son propre agenda.
Liban - Décryptage
La sécurité de Ersal de nouveau à l’ordre du jour
OLJ / Par Scarlett HADDAD, le 09 novembre 2015 à 00h00
commentaires (4)
LES MÊMES HISTOIRES FANTASMAGORIQUES ET PARTISANES QUE CELLES RACONTÉES TANT DE FOIS SUR TRIPOLI... OU L'ON NOUS DISAIT QUE LES TRIPOLITAINS... DES SALAFISTES... DEUX MILLE SUR LE DEMI MILLION D'HABITANTS DE CETTE VILLE... ALLAIENT CRÉER UNE IMARA ! UNE FOIS DÉBARRASSÉE DES PERCHÉS... DONT TOUT LE MONDE CONNAÎT LEUR APPARTENANCE... LA VILLE EST DEPUIS LA PLUS CALME DU LIBAN ! MAINTENANT ON ESSAIE DE FAIRE DE ARSAL LA MÊME CHOSE... QUAND ON A ATTIRÉ PAR LES EXACTIONS LES FANATIQUES DE L'AUTRE FACE DE LA MÊME MONNAIE !!!
LA LIBRE EXPRESSION
20 h 07, le 09 novembre 2015