Cinq jours après le crash d'un avion russe dans le Sinaï égyptien, Londres juge "plus que probable" la piste de l'attentat à la bombe et met en question la sécurité à l'aéroport de Charm el-Cheikh, tandis que Moscou et Le Caire parlent de spéculations.
Le Premier ministre David Cameron a justifié jeudi sa décision de suspendre les vols en provenance de Charm el-Cheikh, d'où venait de décoller l'Airbus A321 de la compagnie charter russe Metrojet avant de s'écraser, "en raison de renseignements et d'informations que (Londres) a reçues, faisant craindre qu'il était plus que probable qu'il s'agisse d'une bombe terroriste".
Des experts consulaires et militaires britanniques ont été envoyés sur place pour étudier avec les compagnies aériennes le moyen sûr de rapatrier les quelque 20.000 touristes nationaux qui s'y trouvaient bloqués, a déclaré un porte-parole du gouvernement.
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Londres "espère" pouvoir commencer à les rapatrier vendredi. Plusieurs compagnies aériennes ont reçu le feu vert pour y acheminer des avions vides afin d'assurer ces rapatriements alors que le ministère des Affaires étrangères a déconseillé à ses ressortissants les voyages dans la région en raison de l'activité de groupes terroristes dans le Sinaï.
Il est "dans notre intérêt mutuel de gérer cette situation afin de revenir à une situation normale dès que possible", a déclaré M. Cameron lors d'un point presse commun avec le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, en visite à Londres. Ce dernier l'a assuré d'un soutien étroit pour assurer la sécurité des touristes.
"Nous sommes complètement prêts à coopérer avec tous nos amis pour nous assurer que nos aéroports présentent la sécurité nécessaire pour les personnes que nous accueillons", a-t-il déclaré, espérant également un retour à la normale pour son pays dont l'économie dépend largement du tourisme. Il a toutefois fait valoir que des experts britanniques s'étaient déclaré "satisfaits" des conditions de sécurité dans les aéroports égyptiens lors d'une inspection effectuée il y a dix mois.
Surtout, Le Caire a mis en garde contre des conclusions prématurées sur les raisons du crash de l'Airbus A321, qui a fait 224 morts. Le ministre de l'Aviation civile Hossam Kamal a affirmé que les enquêteurs "n'avaient pas encore de preuve ni de données confirmant l'hypothèse" d'une bombe.
Moscou a aussi qualifié jeudi de "spéculations" toute hypothèse sur les causes de l'accident.
(Repère : Les attentats à la bombe contre des avions de ligne depuis 1983)
"Menace terroriste commune"
"Toutes les versions sur ce qui s'est passé et les raisons pour lesquelles c'est arrivé doivent être présentées par les enquêteurs, et nous n'avons entendu aucune annonce des enquêteurs pour l'instant", a déclaré le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov lors d'une conférence de presse. Au Caire, les enquêteurs ont extrait les données de l'une des deux boîtes noires, celle des paramètres de vol, tandis que celle contenant les conversations de l'équipage, endommagée, demandera beaucoup de travail.
Washington privilégie également ouvertement la thèse de l'attentat. Un haut responsable américain, s'exprimant sous couvert d'anonymat, a jugé "hautement probable" l'hypothèse d'une bombe à bord. Le groupe jihadiste Etat islamique (EI) a réaffirmé mercredi être à l'origine du drame.
Alors que la Russie commençait jeudi à enterrer ses premières victimes, à Saint-Pétersbourg (nord-ouest) et à 200 km au sud de là, à Novgorod, M. Cameron s'est entretenu jeudi, au téléphone, avec le président russe Vladimir Poutine pour lui expliquer les raisons des craintes britanniques. "Le Premier ministre (Cameron) et le président (Poutine) sont tombés d'accord sur le fait que nous faisons face à une menace terroriste commune (et) pour rester en contact étroit pendant la progression de l'enquête", selon un porte-parole de Downing Street.
Dans la foulée des Britanniques, l'Irlande a également demandé à ses compagnies de suspendre leurs vols vers et en provenance de la station balnéaire égyptienne, dont l'aéroport accueille chaque jour des milliers de touristes venus passer des vacances sur la mer Rouge. Le groupe Lufthansa a lui aussi annoncé qu'il cessait "par précaution" ses vols assurés par ses filiales Edelweiss et Eurowings à destination de Charm el-Cheikh. Et un vol de la compagnie aérienne Jetair qui devait décoller de Bruxelles pour Charm el-Cheikh a été reporté d'au moins 24 heures. Mais d'autres compagnies ont maintenu leurs vols, comme Egypt Air à Rome, tandis qu'en Suisse les tour-opérateurs proposaient toujours des voyages vers Charm el-Cheikh.
L'Airbus A321 s'était écrasé 23 minutes après avoir décollé. Les recherches se poursuivent pour retrouver les derniers corps et des indices dans une vaste zone désertique.
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