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Culture - La course au prix

Goncourt : une « boussole » pour retrouver l’Orient essentiel

Mathias Enard s'est vu décerner le prix Goncourt, hier à Paris, pour son roman « Boussole », tandis que Delphine de Vigan succède à David Foenkinos.

Photos AFP/Joël SAGET

« Maintenant, Boussole est hors de moi. Il suit sa route seul. Si ce n'est pas pour cette fois-ci, ça sera pour la prochaine. » La semaine dernière, de passage au Salon du livre de Beyrouth, Mathias Enard relativisait les pronostics qui le plaçaient favori du prix Goncourt. Hier, il n'a pourtant pas boudé son plaisir de savourer la plus importante des distinctions littéraires francophone. À son arrivée au restaurant Drouant à Paris – dans l'habituelle cohue journalistique –, l'auteur s'est dit « surpris et heureux » d'obtenir cette récompense. Mathias Enard a été élu dès le premier tour de scrutin, par six voix contre deux pour Tobie Nathan et une pour Hédi Kaddour. Il succède ainsi à Lydie Salvayre, lauréate 2014 avec Pas pleurer (Seuil).

 

La baraka de saint Georges
« Je reviens d'Alger, figurez-vous, et de Beyrouth (...) Et peut-être la baraka de cheikh Abderrahmane, le patron d'Alger, et de saint Georges de Beyrouth a fait ça », a déclaré, ravi, l'auteur de Boussole, publié par Actes Sud. L'amour de l'Orient guide le Niortais de 43 ans depuis vingt ans et son œuvre transpire cette passion levantine. Après avoir appris l'arabe et le persan (en passant par Le Caire, Damas et Téhéran), vécu dans la capitale libanaise pendant deux ans, il s'installe à Barcelone en 2000.
Son premier roman, La perfection du tir (2003), évoquait le Liban, même si le pays dans lequel se déroule cette histoire n'est jamais clairement nommé. La violence de la guerre était, tout autant, au centre de son roman Zone (2008). Aussi, son précédent ouvrage, Rue des voleurs (2012), dépeignait la vie d'un jeune réfugié marocain en Europe. À l'instar de Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants (Goncourt des lycéens en 2010), Boussole aborde les échanges culturels entre Orient et Occident. Autant de sujets, toujours romancés, qui éclairent les évolutions et échanges d'une rive à l'autre de la Méditerranée, d'hier et d'aujourd'hui.

 

Dédié aux Syriens qui souffrent
«Une histoire, une écriture, une ambition », quelques heures avant l'annonce du prix, Bernard Pivot, président de l'Académie Goncourt, rappelait les trois exigences nécessaires pour décrocher le Graal. L'exigeant Mathias Enard possède tout cela, l'érudition encyclopédique enfonce simplement le clou. Boussole est un ouvrage d'autant plus nécessaire aujourd'hui qu'il souligne les liens entre Orient et Occident. Autant de pieds de nez aux exactions inhumaines de Daech ou au choc des civilisations de Samuel Huntington. L'auteur a d'ailleurs dédié son prix « aux Syriens en général et aux gens qui souffrent dans cette région » . « Palmyre est un drame terrible, mais derrière, il y a des millions de gens qui souffrent, une violence qui ne cesse pas dans ce Moyen-Orient dont on a l'impression qu'il souffre d'une sorte de malédiction », a-t-il ajouté. Le jury du Goncourt a donc fait le choix de la tolérance et de l'espérance en choisissant l'étourdissant Boussole.

 

Jouer à se faire peur
Face à Philippe Jaenada, Laurent Binet, Christophe Boltanski et Fabrice Guénier, Delphine de Vigan était la seule femme en lice pour le prix Renaudot. Elle l'emporte avec son septième roman D'après une histoire vraie (JC Lattès). Déjà un succès de librairie, écoulé à plus de 107 000 exemplaires, la distinction est un coup de pouce supplémentaire à la romancière de 49 ans. « C'est une reconnaissance du milieu littéraire à laquelle je suis très sensible. (...) J'ai la chance d'avoir déjà celle de lecteurs, mais je pense qu'un prix comme celui-là peut permettre de rencontrer d'autres lecteurs », s'est-elle réjouie.
Son précédent ouvrage, le très personnel Rien ne s'oppose à la nuit, révélait des secrets de famille et s'était vendu à un million d'exemplaires. Avec D'après une histoire vraie, placé sous le signe de Stephen King, l'écrivaine joue à se faire peur. L'héroïne se nomme Delphine, romancière en panne d'inspiration, son compagnon François est journaliste littéraire. L'auteure se met ainsi en scène poursuivie par une ancienne camarade de classe préparatoire, portant l'initiale L. Toute ressemblance avec la réalité n'est jamais fortuite avec Delphine de Vigan. Est-ce l'auteure ou la narratrice qui se confie sur les coulisses de la création et l'angoisse terrible face à la page blanche ? Delphine de Vigan esquive la fiction tout en se jouant de l'autobiographie pour mieux faire frissonner le lecteur avec une mise en abyme infinie et troublante.

 

Deux autres prix...
Prix Renaudot Poche : « La Fiancée était à dos d'âne » de Vénus Khoury-Ghata (Folio).
Prix Renaudot Essai : « Leïlah Mali » 1932 de Didier Blonde (Gallimard).

 

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