Pendant la séance de dialogue, des activistes s’étaient rassemblés devant le muret érigé à l’entrée de la rue Weygand, au centre-ville de Beyrouth. Photos Ibrahim Tawil et Naser Trabulsi
La conférence nationale de dialogue a tenu sa troisième séance hier, au Parlement. Seul absent, l'ancien Premier ministre Nagib Mikati, qui se trouve à l'étranger. Michel Aoun par contre a fait acte de présence, alors qu'il s'était absenté la semaine dernière. C'est la troisième fois que cette réunion se tient. Les deux premières s'étaient tenues les 9 et 16 septembre.
Le débat a porté hier sur le premier point de l'ordre du jour de la conférence : la présidence de la République. Un communiqué publié en fin de réunion a précisé que la réunion a servi à clarifier cette question. Comme s'il pouvait encore y avoir quelque chose à clarifier, depuis un an et demi qu'on la retourne dans tous les sens.
Des informations disponibles, on apprend que le général Aoun a, une fois de plus, présenté sa « feuille de route » prévoyant l'élaboration d'une loi électorale, l'organisation d'élections législatives, puis l'élection d'un président.
La loi orthodoxe ou la proportionnelle
Selon lui, les chrétiens se sont entendus à Bkerké sur une loi électorale, et si la loi dite orthodoxe n'est plus d'actualité, adoptons une loi électorale à la proportionnelle prévoyant un découpage du Liban en 15 circonscriptions. À ce stade, le vice-président de la Chambre, Farid Makari, devait protester en affirmant : « Je suis chrétien et je n'ai pas participé à cette réunion. »
Pour sa part, Mohammad Raad a réaffirmé que la solution à ce problème réside dans l'élection d'un président « fort ».
Plus subtilement, Sleiman Frangié devait faire valoir que le différend politique qui empêche le 8 et le 14 Mars de s'entendre sur un président interdira également un accord sur une loi électorale, car chacun des deux camps refusera une loi qui favorise l'autre. « C'est pourquoi, a-t-il ajouté, entendons-nous sur le profil du président. Nous avons entendu le président Siniora parler d'une "force tranquille", d'autres parler d'un "président centriste". Nous sommes en faveur d'un président qui, tout en relevant d'un camp, serait accepté par l'autre. Et nous aurons réalisé un véritable exploit en nous accordant sur une loi électorale. »
Siniora d'accord avec Frangié
De son côté, M. Siniora a distribué le texte d'une intervention relativement longue qui se résume dans le fait que l'élection d'un président est la clé de voûte de tout règlement. M. Siniora a appuyé la proposition de M. Frangié, affirmant qu'il n'a pas d'objection à ce que le président appartienne à un camp, à condition qu'il soit accepté par l'autre.
Ironique, M. Joumblatt a insisté sur un package deal qui épargnerait aux Libanais d'être « invités » à se réunir à l'étranger, « que ce soit dans le Golfe, à Sotchi, à l'invitation du président Poutine, ou même aux îles Seychelles ».
À son tour de parole, Samy Gemayel a profondément déploré la vacance gouvernementale et le fait que les ministres aient « démissionné de leurs devoirs envers les citoyens ».
Prenant le relais du chef des Kataëb, M. Berry a proposé que les séances de dialogue s'intensifient et plaidé en faveur d'un compromis qui permettrait aux affaires gouvernementales de redémarrer. Saisissant la balle au bond, M. Salam devait assurer qu'il a l'intention de convoquer le gouvernement dès son retour de New York, avant même la prochaine réunion de dialogue.
De fait, et c'est là de l'avis général un point positif, la conférence a décidé de se réunir durant trois jours successifs, à raison de deux séances journalières, les 6, 7 et 8 octobre prochain, pour débattre des idées « pratiques et positives » apportées sur tous les sujets soulevés.
Nominations et promotions
À l'issue de la séance, une longue réunion subsidiaire de 120 minutes a regroupé au bureau du président de la Chambre, Nabih Berry, le chef du bloc du Changement et de la Réforme, le général Michel Aoun, le chef du bloc parlementaire du Futur, l'ancien Premier ministre Fouad Siniora, le chef du bloc du Hezbollah, Mohammad Raad, le chef du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, et le Premier ministre, Tammam Salam. Objectif : examiner la proposition Joumblatt visant à régler la question des promotions au sein de l'armée, en particulier celle du général Chamel Roukoz.
De ce qu'il a été possible à notre correspondante Hoda Chedid de recueillir auprès des intéressés, il semble qu'un projet de règlement ait été trouvé : il consiste à pourvoir à trois postes vacants au sein du conseil de commandement (des postes qui reviennent aux communautés orthodoxe, chiite et catholique), ainsi qu'à nommer trois nouveaux commandants de « places militaires», qui rejoindraient aussi le conseil de commandement. L'un des commandements de place militaire reviendrait au général Chamel Roukoz, dont la nomination reculerait ainsi le départ à la retraite, prévu le 15 octobre, d'un an au moins. Aux objections de M. Siniora, M. Joumblatt aurait fait valoir que cette solution est tout ce qu'il y a de plus règlementaire, le décret d'exécution de la loi sur l'armée prévoyant que les places militaires soient au nombre de huit et non pas de cinq.
Objection de Siniora
Mais M. Siniora a maintenu son objection, assurant que le commandement de l'armée refusera une telle formule, et, sautant du coq à l'âne, a insisté pour que le Premier ministre exerce ses prérogatives et ne soit pas prisonnier d'un veto que lui opposeraient deux des composantes du gouvernement.
À ce sujet, notons que le numéro deux du Hezbollah, Naïm Kassem, s'est prononcé hier, lors d'une cérémonie, en faveur du consensus en Conseil des ministres, mais à condition que les décisions consensuelles ne contreviennent pas à la Constitution. Par cette prise de position, le parti chiite se démarque nettement de son allié chrétien, le CPL, favorable, lui, à l'unanimité en l'absence d'un président de la République (voir par ailleurs).
À l'issue de la réunion restreinte dans le bureau de M. Berry, il était convenu que les contacts se poursuivraient, et que ce serait à Saad Hariri de trancher la question, ce qui laisse entendre que Michel Aoun serait d'accord pour cette sortie de crise en ce qui concerne la prorogation du mandat du commandant en chef de l'armée. Autrement, assurent certaines sources, ce serait non seulement le gouvernement, mais la conférence de dialogue elle-même qui serait compromise.
Jeux de ballons
Signalons qu'à l'ouverture des débats, des manifestants de la société civile, regroupés au coin de l'immeuble an-Nahar et de l'hôtel Le Gray, à l'entrée de la rue Weygand barrée par des blocs de béton doublés d'un grillage et de barbelés, ont lancé des ballons sur lesquels ils avaient inscrit des slogans en direction des Souks de Beyrouth. Surprise ludique et bon enfant, contrastant avec les voix exaspérées qui s'élèvent, parfois, des militants et militantes d'une « société civile » décidément bien entraînée.
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01 h 37, le 25 septembre 2015