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Lifestyle - Vient de paraître

Déambulations urbi et orbi « in Beyrouth »

En octobre 2014, Carla Sayad a commencé un long périple dans Beyrouth pour redécouvrir sa capitale en dessinant*...

Son aquarelle et son feutre à la main, assise par terre sur le trottoir, les passants la regardent, curieux, et repartent en souriant. D'autres, comme cette femme de 90 ans, lui apportent une chaise, un café, une histoire...
Carla Sayad a entamé ainsi son « In Beyrouth », ouvrage de croquis et de déambulations annotées, paru aujourd'hui aux éditions Tamyras.
C'est en rangeant ses carnets de dessins de voyage qu'elle a l'idée d'entreprendre cette aventure « touristique » dans sa propre ville. « J'aime beaucoup ma capitale et je me suis dit : pourquoi ne pas aller plus loin, au-delà de mon quartier ? Je pense que beaucoup de gens qui vivent à Beyrouth ne connaissent pas tous ces quartiers, nous passons à côté tous les jours sans nous y arrêter. » Et cette déambulation fut bel et bien touristique, puisque la Beyrouthine a acheté une carte de la ville pour s'enfoncer dans les ruelles de Manara, Basta el-Tahta, Ramlet el-Baïda, qu'elle ne connaissait que trop peu...

L'aventure au bout de la rue
Elle pensait boucler son tour en un ou deux mois, mais plus elle avançait dans la ville, plus cette dernière l'engloutissait et l'inspirait. Et le carnet de croquis de s'étoffer. Cela a duré presque un an. C'est que la ville de Beyrouth ne se laisse pas croquer sans un peu d'aventures ! Carla Sayad raconte qu'elle a été poursuivie par des motos, voulant la dissuader d'aller plus loin lorsqu'elle se hasardait dans des quartiers où « dessiner et photographier est interdit », à Bachoura notamment. Pour d'autres endroits, elle a dû obtenir l'autorisation de l'État, comme à la gare de Mar Mikhaël, au port ou à l'hippodrome. S'introduire dans les vieilles maisons n'était pas non plus une mince affaire, entre les puits cachés par la mousse envahissante et les poutres qui dégringolent.

Amies des concierges
Mais ce que l'artiste retient avant tout, c'est une expérience humaine. « Le peuple libanais est généreux », affirme-t-elle, que ce soit dans les grandes familles fortunées, où on lui montrait d'anciennes photos, ou dans le bidonville de Bourj Hammoud, où on l'accueillait avec chaleur. « Je me suis liée d'amitié avec des concierges, ce sont eux qui connaissent vraiment l'histoire des grands palais et des maisons », indique-t-elle.
En feuilletant les pages de In Beyrouth, les émotions affleurent sous l'œil du lecteur. Ce sont des sensations familières de rencontres, de découvertes à Beyrouth. Ses croquis saisissent des moments authentiques, détails improvisés d'une journée à arpenter la ville, de courtes accalmies dans la fureur d'une ville aux mille et une tours en construction.

D'une page à l'autre
Son regard s'arrête sur un garage, où le propriétaire pique un somme. La grande roue du Luna Park qui surplombe la zone du Bain militaire auréole la partie ouest de la carte de Beyrouth. La place des Martyrs sous la lune ; le tramway, fantôme de Beyrouth, la plage improvisée sur les rochers qui longent la corniche, le jardin de Sanayeh, encerclé du fiévreux Hamra ; Bourj Hammoud et son joyeux brouhaha ; la colline rouge escarpée de Karm el-Zeytoun ; les fenêtres vénitiennes de Mar Mikhaël, joyaux du passé... D'une page à l'autre, le lecteur déambule à travers le patrimoine libanais. L'église St-Maron à Saïfi émerge à travers la fissure d'une rue. C'est une promenade poétique, une ode au doux parfum de Beyrouth, entre les klaxons et le trafic infernal des grues et des voitures.

Waynik ya Beyrouth ?
Parfois le texte accompagne le dessin, d'autres fois il devient une surface presque illisible, un all-over décoratif, un cadre à l'esquisse. Mais le texte raconte toujours quelque chose sur la ville, un sentiment, un souvenir, un regret, une histoire, ou l'histoire. Le carnet de Carla Sayad est un objet vivant, la profondeur se creuse sous les traits de feutre, entre les différentes strates de papiers, journaux, photos. La carte de Beyrouth, ciselée le long de son littoral, reçoit les hautes architectures à travers laquelle elles émergent. Déformation fictionnelle, les tours grises semblables à des crocs monstrueux avalent une ancienne demeure. Le palais Béchara el-Khoury, qu'elle imagine autrefois rempli de rires, est maintenant désert et lugubre, silencieux. Aïn el-Mreyssé, une ancienne source pour les pécheurs, au charme idyllique, aujourd'hui écrasé par l'urbanisme, n'est plus qu'esquisse nostalgique. Sur une page, la dessinatrice dépeint le décor typique des no man's land et commente : « Beyrouth ? Waynik ya Beyrouth ? »
Amoureuse de sa ville, Carla Sayad a voulu lui rendre hommage ainsi qu'à ses habitants. En représentant la beauté de son patrimoine encore visible. « C'est un carnet optimiste, dit-elle, je veux inciter les gens à ne pas voir que les mauvais côtés. Le vrai peuple et Beyrouth ne peuvent pas mourir, il faut savoir les aimer. » Son tracé vagabond de la capitale libanaise saura du moins (re)donner l'envie de vivre Beyrouth depuis son cœur, sa rue, et sentir s'animer son pouls, humain.

*Carla Sayad signe ce soir, à partir de 17h, son ouvrage illustré « In Beyrouth » aux éditions Tamyras, dans le cadre du Beirut Art Fair au Biel, hall 2, stand A 18. Puis jusqu'au dimanche 20 septembre, de 15h30 à 21h30.

Son aquarelle et son feutre à la main, assise par terre sur le trottoir, les passants la regardent, curieux, et repartent en souriant. D'autres, comme cette femme de 90 ans, lui apportent une chaise, un café, une histoire...Carla Sayad a entamé ainsi son « In Beyrouth », ouvrage de croquis et de déambulations annotées, paru aujourd'hui aux éditions Tamyras.C'est en rangeant ses carnets...

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