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Culture - Exposition

Vous me voyez, mais est-ce que vous m’entendez ?

Drones, satellites, caméras et ballons dirigeables occupent l'espace d'Agial jusqu'au 26 septembre. Tagreed Darghouth y a installé sa tour de contrôle. « Vision machines », c'est exactement comme « les yeux et les oreilles du roi ».

C’est en lisant le roman de Stephen Graham, Villes sous contrôle, que Tagreed Darghouth a eu l’idée de reproduire en peinture ces nouvelles technologies « qui semblent relever de la science-fiction, mais qui imprègnent en fait notre quotidien de citadins ». Le résultat, une exposition intitulée « Vision machines », est visible à la galerie Agial. Photo Tagreed Darghouth

Tagreed Darghouth ne fait pas dans la dentelle. Chaque exposition est semblable à un constat politique. Et par politique, on entend «polis», la cité, qui est au cœur de son travail. La cité et ses blessures béantes, sanguinolentes, ses cicatrices mal cicatrisées. La cité et ceux qui la peuplent, métamorphosés, anamorphosés, entités phagocytées, hachées, avalées. Autant de prétextes pour que l'artiste dessine, souligne un trait, remplisse sa toile goulûment de peinture ou encore la dissolve dans une transparence quasi aquatique, jusqu'à l'effacement total devant le corps du sujet. Ce sujet qui prend, soudain, réellement corps sous sa touche.

 

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Pour cette artiste née à Saïda, dans cette même Sidon qui a assisté à l'enlèvement d'Europe, la palette prend l'allure d'une arme qu'elle dégaine avec puissance. « La ville m'inspire et chaque exposition entraîne une autre, comme si elle ouvrait une petite brèche que j'élargis par la suite ». C'est en lisant le roman de Stephen Graham, Villes sous contrôle, que Tagreed Darghouth a eu l'idée de reproduire en peinture ces nouvelles technologies «qui semblent relever de la science-fiction, mais qui imprègnent en fait notre quotidien de citadins », dit-elle. Et d'ajouter: «De nos jours, les sociétés ne sont plus civiles, mais militarisées. Tout le monde est surveillé d'une manière ou d'une autre. J'ai aimé mettre en évidence cet aspect qui occupe une place importante dans notre vie quotidienne. Pour que l'on ne prenne pas à la légère ce voyeurisme urbain.»
Enlevés de leur contexte, les drones, ballons, satellites et caméras sont figés dans l'espace. Le métal gris tranche avec le rendu de très belles couleurs éclatantes mais paisibles. Et s'ils imposent le respect, voire la soumission, par leur présence, le « dripping » (cette peinture qui suinte) de l'artiste évoque, dans son vocabulaire propre, le démantèlement, le démembrement de l'être.

 

Entendre
«Je n'invente rien, précise l'artiste, je ne fais que détourner l'objet pour le voir sous un autre angle, sonder son objectif, autant ces "vision machines" sont devenues partie intégrante de la structure urbaine.» Toutes ces nouvelles technologies soulèvent un autre problème. L'Internet et ses déclinaisons, en rapprochant les êtres, ne créent-ils pas un problème d'autisme urbain ? Renfermés dans leurs bulles, les individus ne s'écoutent plus les uns les autres. On regrette de vous informer que la liaison est coupée!

 

Mais (s')entendre ?
Il est juste de croire, comme le démontre cette artiste passionnée jusqu'à l'éreintement, méticuleuse jusqu'à mettre de côté le non-abouti – «à chaque exposition, j'ai toujours, à côté des toiles qui s'accrochent, d'autres qui restent dans l'antichambre», avoue-t-elle –, il est juste de croire, donc, que plus on voit l'autre, plus on l'entend, et moins on parvient à une entente avec lui. Le grésillement des «teintes», comme des ondes sismiques, en témoigne. Ces objets iconiques, postapocalyptiques, trônant comme des humanoïdes sans âme réussissent, non à voir, avec acuité, mais à filtrer la vue, et à la rendre floue.

Tagreed Darghouth ne fait pas dans la dentelle. Chaque exposition est semblable à un constat politique. Et par politique, on entend «polis», la cité, qui est au cœur de son travail. La cité et ses blessures béantes, sanguinolentes, ses cicatrices mal cicatrisées. La cité et ceux qui la peuplent, métamorphosés, anamorphosés, entités phagocytées, hachées, avalées. Autant de...

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