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Culture - Nouveau talent

Alexandre Khoury, chorégraphe du béton

Belle découverte à Minus 1, concept très hype de l'underground de la capitale, qui accueille la série de dessins « Dance/City » * du jeune architecte.

Dans un souterrain atypique, des objets étranges, rêvés, se côtoient dans une ambiance industrielle de béton et de spots lumineux. Entre des néons pop, un mobile suspendu de montres multicolores, un miroir de conte de fée, une bibliothèque et des anciens sièges de théâtre, le graphisme en noir et blanc d'Alexandre Khoury se détache, hypnotique. Depuis trois ou quatre ans, l'ancien étudiant à l'Académie libanaise des beaux-arts, aujourd'hui architecte à Foster and Partners à Londres, dessine – au feutre noir principalement, son outil de travail – sur des toiles blanches. La surface immaculée est recouverte d'un impressionnant réseau de lignes qui ondulent, s'entrelacent, palpitent et envahissent progressivement l'espace vide. C'est la densité, ou «Dance/City », qui occasionne les modes de vie étouffants des espaces urbains, que l'artiste «dénonce, ironise et caricaturise » à la fois. «Beyrouth illustre parfaitement la ville anarchique, une ville dans laquelle baignent aberrations architecturales et urbaines. La non-définition et la non-classification des éléments-clefs de la ville d'hier ne laissent aucun repère, aucune valeur pour la ville de demain. Tout est chaos. »

Coordonnées spatiales mixtes
Mais l'architecte ne renonce pas pour autant à l'élaboration d'un épanouissement urbain. Ses dessins palpitent au rythme d'une agglomération qui enfle, s'étend à l'infini. Cette multitude de traits représente une ville organique, animée d'une énergie vitale dans laquelle murs et routes se prolongent, passant de manière fluide de l'un à l'autre. «On remarque, dans certains des tableaux, une confusion entre les rues et les murs. Les plans horizontaux et verticaux se mélangent et se marient », examine Alexandre Khoury. S'il évoque l'imbrication de ces coordonnées spatiales, c'est parce qu'elles font écho à ses recherches en architecture urbaine. Intitulée « Liaisons dangereuses », sa thèse éclaire de manière particulièrement intéressante son travail graphique.
Dans son projet urbain, l'avenue Charles Malek de Beyrouth est repensée selon trois mots-clefs: «Recoudre en pansant les plaies d'un quartier lacéré par le tracé de l'avenue, restituer la rue aux piétons et rêver d'un parc urbain, nuage de sérénité, qui se grefferait entre les murs de la ville.» Alexandre Khoury explique qu'«on peut y voir une matérialisation de la vision urbaine que j'exprime de manière plus ou moins caricaturale et utopique dans les tableaux.» Entre son travail d'architecte et son travail plastique, il existe donc une corrélation de complémentarité, entre réalisme et imaginaire. À travers cette série de dessins fantasques, Khoury tente d'illustrer le «rôle plus interactif des murs avec le paysage urbain ». « On passe de la rupture au dialogue », souligne-t-il.

Palimpsestes recyclés
L'exposition présente également les Palimpsestes de l'architecte, un « recyclage esthétique » des restes de ses maquettes, formes géométriques découpées dans du balsa puis superposées. Ces strates colorées rentrent en collision, leur recomposition étant « un témoignage de la planification aléatoire et aveugle de la ville de Beyrouth ». L'artiste a laissé son empreinte sur les lieux, marquant au feutre l'un des piliers de Minus 1. En clin d'œil à l'actualité et à la responsable de Minus 1, Raymonda, qui a perdu sa sandale lors d'une manifestation, le contour de la chaussure disparue apparaît en négatif, entouré d'un fatras ordurier. Ce sont « des séquences urbaines que projette la ville de Beyrouth. On passe de l'espoir à l'anarchie, des grues au déracinement de notre passé, du désespoir ambiant à l'étouffement des habitants. »
Architecte et utopiste, Alexandre Khoury offre au spectateur la vision fantasmée d'une ville qui s'étale jusqu'à l'horizon, dans un même élan, sans fissure ni rupture.

*Jusqu'au dimanche 13 septembre à Minus 1, Tabaris, 124 rue du Liban. Tél: 03/064969.

Dans un souterrain atypique, des objets étranges, rêvés, se côtoient dans une ambiance industrielle de béton et de spots lumineux. Entre des néons pop, un mobile suspendu de montres multicolores, un miroir de conte de fée, une bibliothèque et des anciens sièges de théâtre, le graphisme en noir et blanc d'Alexandre Khoury se détache, hypnotique. Depuis trois ou quatre ans, l'ancien...

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