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Culture - Rencontre

Charif Majdalani sur le perron de l’histoire

Il aime à raconter le temps qui passe et l'homme dans l'histoire avec un grand H. « Villa des femmes », son dernier roman, donne encore une fois l'occasion à Charif Majdalani de disséquer les grands changements d'une société en mutation.

« Mon rêve est de dessiner le temps comme un long fleuve tranquille ». (Photos Michel Sayegh)

Le temps
Si sa première passion de jeunesse était l'histoire, Charif Majdalani s'est très vite tourné vers l'écriture et plus spécifiquement vers le roman. Dès le départ, l'écrivain est clair : « Je n'écris pas de romans historiques et mes personnages ne sont pas des personnages connus. En outre, l'histoire est en arrière-plan, car nécessaire, et l'action de mes livres se situe toujours dans des périodes de changements ». De Histoire de la grande maison au Seigneur de Marsad, en passant par Caravansérail, le romancier voyage dans le temps tout en reproduisant ses effets, le plus souvent dévastateurs.

Le lieu
C'est donc à partir du perron de la villa que le chauffeur/narrateur va raconter l'histoire d'une famille de tisserands. « Noula, qui porte le nom du vieux patron, patriarche de la saga, est à la fois témoin du temps qui passe et gardien de la mémoire. Avec l'aide de la cuisinière Jamilé, il porte un regard structurant dans ce chaos où il essaye de mettre de l'ordre pour y comprendre quelque chose. » Le seuil de la maison, intersection entre l'intime et le public, est désormais sa tour de contrôle, d'où il assistera aux départs, aux arrivées, aux mariages, aux décès, aux bouleversements et surtout à la guerre, virage emprunté soudainement par l'action.
Comment les personnages vont-ils affronter le nouveau paysage urbain et social ? Comment réagiront-ils aux événements et comment le pouvoir va-t-il passer aux femmes ? Ce roman qui bouge, respire, bouillonne de menus détails est une ode à la femme à la manière de Giraudoux et Truffaut, mais aussi une manière de mettre l'espace à l'épreuve du temps. Si, au début, le rythme est (volontairement) lent, comme lascif et musical – le temps semble s'étirer langoureusement comme un chat –, l'histoire s'impose, subitement, d'une façon invasive en hachant et en emportant tout avec elle. « J'aime raconter l'expérience de l'homme dans un espace donné pour montrer comment ce dernier peut être affligé par le passage du temps. »
Comment tricoter les mailles du temps ? C'est un rêve que nourrit l'auteur depuis longtemps.

 

(Lire aussi : Sept façons d'aimer la fin des vacances)

 

Les personnages
C'est à partir de souvenirs, de récits de ses parents et surtout de photos que Charif Majdalani plante le décor de son roman et crée ses personnages. Ces acteurs sont des hommes et des femmes. Des hommes qui bâtissent ou détruisent un empire, et des femmes qui gardent et perpétuent un patrimoine, et parfois des valeurs dont elles ont été les principales victimes. Il s'agit donc du chauffeur et de la cuisinière de la famille Hayeck. Iskandar le patron, sa femme Marie et leurs trois enfants : Noula (encore ce même prénom...) le flambeur, Hareth le voyageur (que le romancier affectionne particulièrement) ainsi que la belle Karine. Mais il y a également la tante Mado, qui ne s'est pas mariée et qui vit avec son frère et sa famille, ainsi que tous les personnages secondaires qui pivotent autour du noyau central. Construit sur le modèle littéraire de L'Odyssée, le roman assiste au départ de son Ulysse. Mais le fils reviendra-t-il un jour dans cette demeure quasi « défigurée » ?
Après avoir tourné la dernière page de Villa des femmes, chaque lecteur sentira que cette demeure lui appartient et qu'il a pu lui aussi en franchir le perron. Charif Majdalani le dit d'ailleurs si bien : « Un roman, c'est pour y vivre... bien dedans. »

* « Villa des femmes » (éd. Seuil) est déjà disponible à la librairie al-Bourj.

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En marge

Le plus difficile dans l'écriture réside-t-il dans la première phrase ?
Pas du tout, j'ai des centaines de premières phrases, je ne sais quoi en faire. Par contre, ce sont les personnages dont on a construit la personnalité et le parcours et qui, au cours du roman, vous emmènent ailleurs que prévu qui vous posent des difficultés. Vous êtes alors obligé de dévier du chemin que vous vous êtes tracé.

Vous vous relisez ?
Continuellement. J'écris dix pages, je me relis dix fois, cinquante pages, cinquante fois. Ainsi de suite...

Vous vous corrigez ?
Sans arrêt, il m'arrive même de me relire et de me recorriger quand l'ouvrage passe du format original au format de poche.

Cet ouvrage pourrait-il faire l'objet d'un film ?
Oui, ainsi que tous les précédents, édités chez le Seuil. Au risque de paraître prétentieux, je craindrai que mon univers, celui que j'ai créé, soit pris en main par quelqu'un qui le transformerait à sa manière. Ceci dit, si un Visconti viendrait à me le proposer, je ne crois pas que j'hésiterai, du moins je n'aurais pas le droit d'hésiter.

 

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Le tempsSi sa première passion de jeunesse était l'histoire, Charif Majdalani s'est très vite tourné vers l'écriture et plus spécifiquement vers le roman. Dès le départ, l'écrivain est clair : « Je n'écris pas de romans historiques et mes personnages ne sont pas des personnages connus. En outre, l'histoire est en arrière-plan, car nécessaire, et l'action de mes livres se situe...

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