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Liban - Reportage

« J’aurais pu trouver refuge à Damas au lieu d’une zone de guerre comme Aïn el-Héloué »

La mosquée Moussali est l'un des lieux de Saïda à accueillir des réfugiés en provenance du camp palestinien de Aïn el-Héloué. Des enfants jouent ou dorment, esquintés, sur des matelas en éponge. Des hommes et des femmes ont pris place sur des chaises en plastique ou par terre sur le parvis et à l'intérieur de la mosquée.
« La plupart des réfugiés qui sont ici sont des Palestiniens de Syrie. Ils ne connaissent pas du monde à Saïda et n'ont nulle part où aller. Je suis palestinien de Aïn el-Héloué. Mon épouse loge chez des parents à Ghaziyé alors que ma mère et ma sœur se sont réfugiées chez des proches à Saïda », raconte Tahsin, la trentaine.
Il énumère les quartiers témoins d'intenses combats : al-Safsaf et al-Tawarek (fief des jihadistes) ainsi que la zone des Barracks, Hattine et al-Sekké (tenus par le Fateh)... Bref, le cœur du camp. « C'est en fait tout le camp qui est en feu. Beaucoup d'enfants, de femmes et de vieillards n'ont pas réussi à sortir, parce qu'ils sont pris entre deux feux », ajoute-t-il.
Abou Khaled, venu du camp de Yarmouk, au sud de Damas, se lamente sur les conditions déplorables dans la mosquée. « Je regrette vraiment d'avoir quitté la Syrie. J'aurais pu trouver refuge à Damas au lieu de me retrouver dans une zone de guerre comme à Aïn el-Héloué », dit-il.
« Nous avons fui le camp si rapidement que je n'ai même pas eu le temps de prendre une valise et de la nourriture », témoigne Jamila, une mère de famille. « À Yarmouk, on entendait le bruit des balles et des bombardements, et nos enfants entendent la même chose ici », poursuit-elle.
Amina et Mohammad, également de Yarmouk, viennent de terminer des manakich distribuées par une ONG. À l'instar d'une dizaine de réfugiés, ils sont assis sur des chaises en plastique sur le parvis de la mosquée. « Nous avons fui Yarmouk il y a deux ans. Nous nous sommes installés à Aïn el-Héloué parce que les loyers sont très bas par rapport à d'autres camps palestiniens du Liban. Nous avons fui le camp dimanche à l'aube. Il fallait courir entre les balles et les roquettes », indique Amina. « Voilà où nous en sommes. Je suis assise depuis l'aube sur cette chaise en plastique. Avant de prendre la fuite, j'ai mis ma abaya de travers, et, jusqu'à présent, je ne trouve pas le courage de me lever et de la mettre à l'endroit », soupire-t-elle, lasse.

« De pauvres diables »
À l'intérieur d'une salle adjacente à la mosquée, Aslam, qui fait beaucoup moins que ses quinze ans, ferme et rouvre une petite valise de vêtements. « Je suis arrivée à la mosquée ce matin avec mon frère et mon père. Papa est parti récupérer le reste de la famille », raconte-t-elle. Originaire du camp palestinien Sitt Zeinab à proximité de Damas, elle poursuit : « Les réfugiés palestiniens de Syrie sont les plus fragiles à Aïn el-Héloué. Mon père a décidé de faire sortir mon frère aîné et qui est âgé de 17 ans du camp pour que les miliciens ne l'obligent pas à porter les armes. Quel dommage ! Ils (les miliciens) sont en train de vider leurs armes à l'intérieur du camp et de se liquider alors qu'ils peuvent utiliser leurs munitions pour des causes plus nobles », indique encore Aslam qui rêve de devnir juge quand elle sera grande.
Toujours à l'intérieur de cette salle, Fawzié, une Palestinienne de Aïn el-Héloué, est assise sur un matelas en éponge avec ses deux filles, Nada et Hoda. Nada, mariée à un réfugié palestinien de Syrie, est revenue à Aïn el-Héloué il y a trois ans. Hoda, elle, habite la Turquie avec son mari. Elle est en visite chez sa mère.
Fawzié n'arrive plus à compter combien de fois au cours de ces dernières années elle a fui le camp à cause des combats. « À chaque fois, nous prenons un minimum de bagages et nous partons à pied... pour rentrer chez nous et ensuite reprendre la fuite. Ils (les miliciens de diverses factions) se font la guerre et personne ne se préoccupe des habitants du camp », dit-elle.
Assise sous un arbre, Zeinab a les larmes aux yeux. « De Syrie ou du Liban, nous sommes tous des Palestiniens de 1948 (année de la création de l'État d'Israël et de l'exode palestinien). Nous sommes de pauvres diables. Ma famille est originaire de Saint-Jean-d'Acre, mais je suis née à Aïn el-Héloué. Ce matin, j'ai eu à peine le temps d'emporter mes médicaments avant de partir », dit-elle, montrant un petit sac en plastique. « Ma maison est en zinc (premières maisons construites dans les camps palestiniens du Liban). Elle est fragile. Quelques balles peuvent la faire basculer. Nous n'avons pas les moyens de quitter Aïn el-Héloué et de louer une maison ailleurs. Mon fils est milicien, il relève de Mounir Maqdah (haut responsable du Fateh au Liban). Que voulez-vous qu'il fasse ? Il a des enfants et il faut bien trouver un moyen pour les nourrir », se lamente-t-elle d'une voix à peine audible.
En début d'après-midi hier, à Saïda, de nombreux notables restaient sceptiques au sujet du cessez-le-feu instauré entre le Fateh et les jihadistes. Certains prédisaient qu'il pourrait tenir une dizaine d'heures... Le temps de permettre à ceux qui veulent quitter leurs maisons de partir et aux combattants d'avoir un petit moment de répit.

La mosquée Moussali est l'un des lieux de Saïda à accueillir des réfugiés en provenance du camp palestinien de Aïn el-Héloué. Des enfants jouent ou dorment, esquintés, sur des matelas en éponge. Des hommes et des femmes ont pris place sur des chaises en plastique ou par terre sur le parvis et à l'intérieur de la mosquée.« La plupart des réfugiés qui sont ici sont des Palestiniens...

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