Le climat qui entoure les préparatifs des élections au conseil de l'ordre des journalistes, qui doivent avoir lieu mercredi prochain, est marqué par des tiraillements et des retraits de candidatures en série.
L'élément marquant des dernières 48 heures est la menace de sécession brandie par des journalistes de Tripoli et du Liban-Nord qui ont appelé à la formation d'un deuxième syndicat des rédacteurs, s'estimant marginalisés par l'ordre de Beyrouth. Ils protestent notamment contre le fait qu'ils ont été exclus de la liste formée par le président sortant de l'ordre, Élias Aoun. La position des rédacteurs du Nord a été appuyée par les députés de Tripoli, Ahmad Karamé, Mohammad Kabbara et Mouïne Merhebi.
M. Kabbara a qualifié cette marginalisation de « précédent extrêmement grave ». M. Ahmad Karamé a souligné la nécessité de « réparer cette erreur », dénonçant « les interférences politiques qui ont abouti à la mise à l'écart du représentant du Liban-Nord, Ghassan Rifi, de la liste (présidée par Élias Aoun) pour des considérations politiques, ce qui a privé Tripoli de son poste au sein du conseil de l'ordre ». Quant au député Mouïne Merhebi, il a réclamé la création d'un ordre des journalistes pour le Liban-Nord.
Cette contestation a été dénoncée par M. Élias Aoun qui a souligné que si « Ghassan Rifi a été exclu de la liste consensuelle, cela ne signifie pas que Tripoli est la cible d'un plan visant à la marginaliser ». « Il n'existe pas au sein du conseil de l'ordre des sièges réservés à des régions ou des villes, car il regroupe des journalistes de toutes les régions, communautés et factions politiques », a relevé M. Aoun, qui a rejeté « les campagnes menées contre l'ordre », affirmant que « les élections se déroulent conformément au règlement intérieur et elles sont par conséquent totalement légales ». « C'est la première fois depuis 1968 que les élections se déroulent dans le respect des critères de transparence ».
Il convient d'indiquer dans ce contexte que les membres de la liste de « la dignité et du salut syndical », qui comptait mener la bataille contre la liste présidée par Élias Aoun, ont publié un communiqué annonçant le retrait de leurs candidatures et appelant au boycott du scrutin. Ils ont dénoncé « les tentatives d'aliéner le quatrième pouvoir et de mettre la main sur l'ordre des journalistes ». Le communiqué s'élève contre « le cancer sectaire et politique » qui a pour résultat d'imposer « une hégémonie à l'action syndicale ». Les signataires du communiqué s'engagent à « œuvrer en vue de libérer l'ordre des journalistes de l'hégémonie et de la tutelle ». Ils affirment leur détermination à « sauver l'action syndicale » en menant un combat pour satisfaire les revendications suivantes : la création d'une mutuelle pour les soins médicaux ; la création d'une caisse de retraite; l'octroi de bourses scolaires et universitaires ; la relance des acquis au niveau des réductions sur les factures de téléphone et les billets d'avion ; l'élaboration d'un nouveau système financier afin d'assurer la transparence et de préserver les avoirs de l'ordre (plus de 3,5 milliards de livres libanaises). Ce communiqué est signé par Habib Chlouk, Mounir Najjar, Rebecca Abounader, Daoud Rammal, Georges Berberi et Ghadir Saadé.
Notons que deux autres candidats qui devaient faire partie de cette liste, Mootaz Midani et Michel Touma, se sont également retirés de la course.
Michel Touma expose les raisons du retrait de sa candidature
Dans un communiqué de presse rendu public samedi, Michel Touma a exposé les raisons pour lesquelles il a décidé de retirer sa candidature aux élections du conseil de l'ordre des journalistes, qui doivent avoir lieu mercredi prochain. Il indique notamment sur ce plan qu'il a été contacté par plusieurs confrères, en dehors de l'équipe de L'Orient-Le Jour, lui demandant de se porter candidat sur la liste de « La dignité et du salut syndical », conduite par Habib Chlouk et Mounir Najjar.
« J'ai accepté de me porter candidat à la condition que la bataille électorale se fasse sur base d'un programme d'action syndicale bien précis, en soulignant dès le départ qu'une bataille motivée par des querelles d'ordre personnel ne m'intéresserait en aucune façon, indique Michel Touma. Le bilan (apparent) de l'action du conseil de l'ordre, tel qu'il est apparu concrètement ces dernières années, s'est limité, pour l'essentiel, à des visites à certains responsables politiques. Il est, par conséquent, grand temps que l'ordre des journalistes soit une véritable structure syndicale dynamique qui mène un combat pour obtenir des droits sociaux permettant aux journalistes de vivre dignement. Parallèlement, l'ordre a aussi pour mission de défendre haut et fort les journalistes lorsqu'ils sont la cible d'attaques de la part du pouvoir, de la classe politique ou d'autres instances. »
« L'objectif recherché, indique Michel Touma, était donc de se lancer dans une bataille électorale sur base d'un engagement ferme à mener un combat syndical afin de tenter par tous les moyens d'aboutir à la réalisation des principales revendications sociales suivantes : la mise en place d'une mutuelle pour assurer des soins médicaux aux journalistes ; la création d'une Caisse de retraite alimentée, entre autres, par un système de cotisation annuelle durant toutes les années de service afin que le journaliste puisse atteindre l'âge de la retraite en n'ayant pas le souci de se retrouver sans moyens de subsistance ; l'étude d'un système permettant d'octroyer des bourses scolaires et universitaires aux journalistes ayant de la difficulté à couvrir les frais scolaires et universitaires de leurs enfants. »
« Ce programme d'action a été discuté et approuvé au début du processus de formation de la liste de La dignité et du salut syndical, ajoute Michel Touma. Or il s'est avéré par la suite que les conditions objectives permettant de mener une telle bataille véritablement démocratique ne sont pas encore réunies, en raison de plusieurs facteurs qui faussent totalement la donne. Il devenait par conséquent inutile de demeurer candidat, de même qu'il devient inutile de voter, dans l'espoir quand même que ceux qui feront leur entrée au conseil de l'ordre parviendront malgré tout à plancher avec efficacité sur les droits sociaux des journalistes et à aboutir à des résultats concrets sur ce plan. Nous serons, auquel cas, les premiers à les féliciter. »
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