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Culture - Rencontre

Le retour, à Byblos, de l’anti-Castafiore qui chante « Zombie »

Pour sa quatrième participation au festival de Byblos, la soprane libanaise Samar Salamé a choisi de présenter « Sacré-Profane ». Un spectacle lyrique en deux parties, avec deux œuvres tirées du répertoire de Pergolèse, l'une religieuse, l'autre d'opéra bouffe. Rencontre avec cette jeune cantatrice qui aime beaucoup le mélange des genres.

Samar Salamé : mi-ange, mi-démon.

À la ville, elle semble plus BCBG que diva. Un peu jeune femme en fleur, aussi. Gracieuse dans son top court sur jupe corolle, son petit sac (siglé) à la main, un rouge à lèvres vif éclairant son sourire fréquent, Samar Salamé sirote sagement un jus de carotte, installée dans un coin en retrait d'un café d'Achrafieh où a lieu la rencontre. Son attitude aimable (carotte oblige !) mais un peu sur la réserve, avec des lueurs d'inquiétude dans ses grands yeux noirs, tranche un peu avec l'aisance virevoltante et la joueuse pétulance dont elle fait preuve sur scène. C'est que la demoiselle est une (ancienne) timide. De celles qui, hors spectacles, ne se la jouent pas artiste. Pudique plutôt cette anti-Castafiore. C'est en l'écoutant chanter un Ave Maria lors d'un concert de Noël, voilà quelques années déjà, que son entourage a véritablement découvert la beauté de sa voix. Elle suivait pourtant, depuis l'âge de 16 ans, des cours de chant et de musique au Conservatoire national. Institution qu'elle avait intégrée parce qu'elle n'arrivait pas à chanter correctement Zombie, le fameux tube du groupe rock irlandais The Cranberries !
« En fait, c'est de là que toute ma carrière musicale est partie », assure celle qui est devenue cantatrice un peu par hasard. « J'avais fait des études d'audiovisuel et je ne me destinais pas du tout au chant que je pratiquais comme un hobby. Il se trouve que mon père, plutôt agréablement impressionné par ma prestation au concert de Noël, a voulu prendre l'avis d'un professionnel. Il a envoyé l'enregistrement à des amis connaisseurs en Italie, qui l'ont fait écouter au maestro Roberto Di Simone. Lequel m'a proposé d'intégrer sa compagnie napolitaine et son spectacle L'Opera Buffa del Giovedi Santo, alors en tournée dans toute l'Italie durant un an », confie Samar Salamé. Évidemment, après une année entière passée en compagnie de ces Italiens « qui ont le chant dans le sang » et lui font véritablement découvrir et apprécier l'opéra, la jeune Libanaise décide de s'inscrire au Conservatoire Santa Cecilia à Rome, d'où elle décrochera son diplôme en chant lyrique.
Depuis, elle partage son temps entre Paris (où elle est installée depuis plus de 8 ans), ses voyages de participation à des concerts, des oratorios et des opéras (les derniers en date en Floride et en Martinique), et le Liban où cette « voix agile et joliment timbrée » (dixit Jean-Marc Proust d'Opéra Magazine) revient régulièrement chanter devant un auditoire qui suit fidèlement l'évolution de son parcours.

Stabat Mater vs Serva Padrona
Elle assure ainsi ponctuellement des concerts à Beyrouth (dans les églises à Noël, parfois même dans des lieux emblématiques comme la grotte de Jeïta ou le musée national). « En prenant soin d'adapter, à chaque fois, mon répertoire à l'énergie du lieu et au contexte », précise-t-elle. Et elle retrouve quasiment un été sur deux la scène du festival de Byblos, depuis sa première apparition dans Les noces de Figaro en 2010. Pour l'édition de 2011, le comité du festival la charge de monter une production d'art lyrique qui soit accessible et attractive pour un public jeune notamment. Cette superstitieuse, ancienne adepte du tarot (« J'ai arrêté », affirme-t-elle), crée alors avec deux amis (le contre-ténor Fabrice Di Falco et Fady Janbart) Les Mystères lyriques. Un spectacle inspiré du fameux jeu divinatoire. L'expérience se révélant plaisante, elle est à nouveau sollicitée par le même festival, pour lui concocter une seconde production pour 2013. Ce sera Crazy Opera dans lequel elle met tous les mélanges de genres et de musiques qu'elle aime : opéra, baroque, bel canto, opérette, musique orientale, tango, musical et même le fameux Zombie des Cranberries !
Pourquoi changer une formule gagnante ? Voilà donc Samar Salamé qui revient pour la quatrième fois avec un concert en deux temps à Byblos avec Sacré-Profane, un spectacle en deux temps (et deux soirées les mercredi 12 et jeudi 13 août à 20h30) et deux œuvres, l'une sacrée, Stabat Mater, et l'autre profane, Serva Padrona, parmi les plus connues du célèbre compositeur italien du XVIIIe siècle Jean-Baptiste Pergolèse. « La première partie, religieuse, se déroulera à la cathédrale St-Jean-Marc de Jbeil dont on célèbre cette année les 900 ans. Et dans la seconde partie, j'emmènerai le public à ma suite à travers les ruelles menant de l'église jusqu'à la petite place de Byblos, où, avec Fabrice Di Falco (contre-ténor) et Vincent Vantyghem (basse baryton), nous interpréterons les airs profanes. Pour ce spectacle tiré du répertoire classique mais mis en scène d'une manière non classique par Diana Iliescu, nous serons accompagnés par un traditionnel quintet (violons, viola, violoncelle et contrebasse) additionné d'une formation orientale (oud, qanun, nay et daff) de l'Orchestre national libanais ainsi que de danseurs de la troupe de Jean Sakr et du talentueux Talal el-Jurdi en maître de cérémonie. Mais je ne vous révélerai pas tout. Je vous laisse quelques effets de surprise », conclut, avec une pointe de malice, cette soprane, si sage à la ville et si naturellement joueuse sur scène.

 


Les sacrés/profanes de Samar Salamé

- Dans la vie, ce qui est sacré aux yeux de Samar Salamé c'est... « la famille et Dieu ». Ce qui est profane ? « Moi. »
- Dans le travail, ce qui est sacré c'est « l'authenticité »; ce qui est profane, c'est « l'authenticité aussi ».
- Dans l'opéra, ce qui est sacré, c'est « le chant religieux qui ne doit pas sortir de son contexte spirituel » ; ce qui est profane, c'est « de chanter un opéra bouffe dans une église ou des airs religieux dans un night-club. Je n'aime pas ».
- Au Liban, ce qui est sacré, c'est « la terre » ; ce qui est profane, c'est « le dilemme dans l'identité ».

À la ville, elle semble plus BCBG que diva. Un peu jeune femme en fleur, aussi. Gracieuse dans son top court sur jupe corolle, son petit sac (siglé) à la main, un rouge à lèvres vif éclairant son sourire fréquent, Samar Salamé sirote sagement un jus de carotte, installée dans un coin en retrait d'un café d'Achrafieh où a lieu la rencontre. Son attitude aimable (carotte oblige !) mais...
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