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À contre... Courant

La guerre est une chose trop grave pour être confiée à des militaires, ironisait Georges Clemenceau. Mais comme pour le prendre au mot, bien des généraux, et même parfois des officiers subalternes, se sont consolés de cette mention peu flatteuse en s'arrangeant pour se faire confier plutôt les affaires politiques. Sans même sacrifier à la vogue des coups d'État qui a longtemps déferlé sur le monde arabe, notre relative démocratie, elle-même, n'a pas toujours échappé à ce phénomène : impasses, blocages et autres failles du système politique ne faisant en effet que provoquer l'irrésistible ascension des étoiles d'épaulette.

Depuis l'indépendance, non moins de trois commandants de l'armée ont ainsi accédé à la première magistrature. Deux autres s'y sont employés de toutes leurs forces, mais sans résultat. Toujours est-il que tant de trajectoires, abouties ou non, ont fini par faire du QG de Yarzé un tremplin de choix pour le grand saut dans les délices du palais présidentiel de Baabda. Mais que peut-il advenir quand la panne se répand comme épidémie, quand les araignées tissent déjà leurs toiles à Baabda et que, de surcroît, le vide menace de s'étendre aux trois charges les plus hautes de notre Pentagone local ?

À l'heure où il affronte les périlleuses retombées sécuritaires de la guerre de Syrie, c'est à une éventualité aussi impensable que vient d'échapper le Liban, grâce au décret différant d'un an entier le départ à la retraite du commandant de l'armée, du chef de l'état-major et du secrétaire général du Conseil supérieur de défense. C'était assurément là la moins mauvaise de toutes les solutions au problème que pose la querelle sur le mécanisme régissant les prises de décision gouvernementales : querelle qui, précisément, n'a d'autre effet (et même d'autre objet!) que de perpétuer l'indécision, que de prolonger la paralysie de l'exécutif.

C'est en invoquant la défense et la récupération des droits des chrétiens que le Courant patriotique libre a lancé une sorte d'OPA sur la présidence de la République, mais aussi sur le commandement de l'armée. Candidat tantôt de défi (lui ou personne) et tantôt d'improbable compromis, jouant systématiquement du défaut de quorum avec l'aide de ses alliés, le général Michel Aoun aura seulement réussi à enfermer, dans les limbes de l'incertitude et de l'oubli, une institution qui se trouve être la garantie première des chrétiens du Liban.

Or il n'a guère fait mieux avec cette autre chasse gardée des maronites qu'est le commandement de l'armée, dont il exige qu'il soit dévolu à son gendre. Officier de grande valeur et d'une réputation sans tache, chef d'une unité d'élite, adulé de se hommes, le général Chamel Roukoz est parfaitement apte pour le poste. Mais ce n'était pas lui rendre service que de le présenter, d'emblée, comme le poulain d'une faction précise. Car davantage encore qu'un président, tout commandant se doit d'être l'homme de tous et de personne, du moment que les effectifs militaires regroupent, sous la même bannière combattante, les diverses sensibilités du pays.

Un an n'est pas de trop, pour qui veut bien se soucier de rectifier le tir...

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

La guerre est une chose trop grave pour être confiée à des militaires, ironisait Georges Clemenceau. Mais comme pour le prendre au mot, bien des généraux, et même parfois des officiers subalternes, se sont consolés de cette mention peu flatteuse en s'arrangeant pour se faire confier plutôt les affaires politiques. Sans même sacrifier à la vogue des coups d'État qui a longtemps...